Qu’avons-nous à apprendre
de l’Afrique ?
8ème émission octobre 2005
Bonjour à toutes, Bonjour à tous, notre 8ème émission de « Regards du Sud » est intitulée « Qu’avons-nous à apprendre de l’Afrique ? »
Le mois dernier, ensemble, nous avons entrepris une initiation à la culture des « Samos du Sud » au Burkina Faso, et nous avons apprécié les subtilités de leur « vivre ensemble ».
Aujourd’hui, j’ai beaucoup de plaisir à m’appuyer sur un ouvrage écrit il y a une vingtaine d’années par Pierre Pradervand, dont le titre est « Une Afrique en marche ». L’auteur donnait la parole aux paysans de l’Afrique de l’Ouest puis en déduisait une remarquable synthèse sur tout ce que l’Afrique pouvait nous apporter.
Il
me semble qu’il faut être très attentif à ce qu’il a exprimé pour au moins deux
raisons :
D’abord, je suis sûr que ceux qui ont séjourné,
même peu de temps, en Afrique profonde, pourront illustrer eux-mêmes ces propos
par des exemples précis,
Ensuite, ce qui nous manque de plus en plus, à
nous, peuples dits développés, c’est justement ce que l’Afrique peut encore
nous apporter.
Je donne la parole à Pierre Pradervand :
Plusieurs fois déjà, ce livre a fait allusion à ce que nous aurions à apprendre de ce continent. Je voudrais, dans les pages qui suivent, m'exprimer plus directement sur quelques-unes des choses que j'ai apprises au cours de mes onze années sur le continent.
Andreas Vogelsang, un grand spécialiste
et ami de l'Afrique, a écrit avec Dale
Chandler :
« Le temps est venu de réaliser que
l'Afrique offre une multitude de réponses sociales au défi de l'environnement.
Ses peuples ont développé des modèles sociaux qui pourraient bien devenir des
alternatives viables pour la restructuration des sociétés du Nord dans une
direction plus humaine. Loin d'être des anachronismes, les sociétés tribales de
l'Afrique offrent à l'humanité un héritage d'expériences sociales qui
pourraient se révéler cruciales pour notre avenir. Ces formes d'organisation
sociale se sont montrées efficaces et durables et fonctionnent de façon
optimale étant données les contraintes du milieu. Ceux qui ont eu le privilège
de partager la vie des peuples de l'Afrique peuvent difficilement ne pas
reconnaître le niveau extraordinaire d'intelligence sociale dont ils font
preuve dans leurs rapports quotidiens ».
La tradition africaine de la palabre peut illustrer cette opinion.
C'est une forme fondamentalement démocratique de débat au cours duquel on
discute jusqu'à ce que le groupe trouve un consensus qui fasse l'unanimité. Le
consensus solidifie et unit le groupe par le fait même qu'on a auparavant
permis à toutes les opinions de s'exprimer. Il n’y a jamais de vote dans la
tradition africaine, ce dernier impliquant en général une minorité qui se sent
frustrée.
Les formes collectives d’organisation du travail sont un autre exemple dont nous pourrions nous inspirer. Nous avons vu qu’elles constituent des formes vivantes de la solidarité africaine, où le travail, loin d’être une activité mécanique ou un simple moyen de gagner sa vie, constitue la base d'un réseau de relations. Pour nombre de groupements paysans, le degré de compréhension et d'entente qu'ils atteignent à travers ces activités est aussi important que le résultat économique. Quel enrichissement merveilleux ce serait pour nos sociétés de restructurer le travail en fonction d'impératifs sociaux et relationnels !
Parmi
les choses les plus importantes que l'Afrique peut nous enseigner également, il
faut mentionner le sens du don et du
partage. C'est la trame sur laquelle l'Afrique entière tisse son quotidien.
On donne aussi naturellement que l'on respire. Je me souviens d’un jeune
Sénégalais qui, pendant des années, venait me rendre visite. Sans emploi et
sans famille, il survivait grâce à la générosité de ses amis. L'un lui prêtait
une paire de pantalons, un autre une chemise, il dormait une nuit chez un
troisième pendant qu'un autre le nourrissait pour un jour ou deux. Dans un
système le plus souvent sans sécurité sociale, la vie ne serait tout simplement
pas possible sans ce partage constant de tout. Je me rappelle combien, en
arrivant en Afrique, j'étais souvent heurté quand je faisais un cadeau et qu’on
ne me remerciait pas, jusqu'au jour où j'ai compris que donner allait tellement
de soi que des remerciements pleins d’effusion n'ont simplement pas de sens.
Un
autre don particulièrement précieux que nous fait l'Afrique est une vision du
temps qui, loin d'être simple poursuite de choses ou d'argent, est faite
d'ouverture à la vie, de spontanéité. Temps de la relation, de l’être, plutôt
que du « faire ». Avant tout, c'est le temps de l'instant présent,
du « maintenant », plutôt que cette vie frénétique constamment
projetée dans l'avenir qui est certainement une des caractéristiques dont nos
sociétés ont le plus besoin de se guérir. Les Africains sont passés maîtres
dans l'art de vivre dans l'instant présent. Combien de fois ne m’ont-ils pas
montré que le présent est le seul moment dans lequel la vie peut exister. On ne
peut jamais vraiment la vivre dans le passé du remords, des regrets ou du
ressentiment, ni dans l'avenir du « peut-être » ou « un jour... ».
Quand j'étais au lycée, nous avions un merveilleux professeur de grec, une
espèce de poète anarchisant. Bien qu'il lui soit arrivé, après un compagnonnage
un peu trop intime avec Bacchus, de venir à ses cours en titubant au point de
ne pouvoir trouver la clé de la serrure, nous l'aimions pour son immense
gentillesse et son approche si peu orthodoxe de
« Kairos est chauve derrière la tête, alors il faut le saisir
au moment où il passe, sinon c'est trop tard » ajoutait notre
professeur. L'Afrique a un sens profond du kairos, de
l'instant présent. S'il est vrai que le continent doit prendre à maîtriser
chronos sans se laisser dominer par lui, ne pourrions-nous pas glisser quelques kairos africains et un brin espiègles dans la
monotonie de notre « métro boulot dodo » ?
La patience est une composante
essentielle de cette relation spéciale que l'Afrique entretient avec le temps.
C'est aussi une des grandes qualités de ce continent qui, alliée avec une
endurance rare, lui a permis de résister aux grandes tourmentes de son
histoire. Dans un des plus beaux romans sur l'Afrique que je connaisse, « A
far away place », l'auteur sud-africain, Laurent Van Der post, écrit : « la patience
n'était pas seulement la principale ordonnance de la nature pour acquérir la
sagesse, mais elle était souvent la solution la plus rapide aux problèmes les
plus urgents. » Qui ne voudrait vivre cette patience ? La hâte,
l'Afrique nous l'apprend, est peut-être la façon la plus rapide de ne pas
atteindre son but, parce que la hâte nourrit le stress qui tue toute joie. En
d'autres termes, le développement n'est pas tant un but précis à atteindre
qu'une certaine façon de voyager : c'est ce que semblent nous dire ces
groupements villageois qui placent les relations humaines harmonieuses avant le
profit. Peut-être apprendrons-nous un jour, comme l'enseigne la fable de La
Fontaine, que les raccourcis du lièvre sont en fin de compte
plus longs que le pas lent mais assuré de
La
patience explique aussi cette merveilleuse capacité d'écoute des villageois.
Dans un monde envahi de bruits de toute sorte - qu'ils soient physiques ou
psychiques -, un monde où tant de gens parlent et communiquent, on se demande
parfois s’il y a encore quelqu'un pour écouter. La véritable écoute est un art
qu’il nous faut redécouvrir : disponibilité du cœur autant qu'ouverture de
l'esprit. C'est un véritable don. Elle constitue une expérience rare pour ceux
qui ont le privilège d'être accueillis par des villageois.
L'Afrique, c'est encore cette façon merveilleuse d'être avec les vieux. Nous écrivons intentionnellement ce mot, plutôt que l'euphémisme « troisième âge », qui semble trahir la peur de vieillir. Les vieux en Afrique sont des bibliothèques mobiles d'expérience et de sagesse. C'est le grand philosophe malien Hampaté Bâ qui disait à propos de la culture orale de l'Afrique : « Quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. » Les vieux sont aussi de merveilleux raconteurs d'histoires, des babysitters toujours disponibles, des conseillers et des protecteurs sur lesquels on veille soigneusement. Ils sont partout l'objet d'un immense respect, et beaucoup de groupements villageois s'adjoignent, en plus d'un bureau, deux ou trois conseillers parmi les aînés du village.
Ceci nous amène tout
naturellement au thème de
Dans les villages, on remarque aussi une sorte de tolérance fondamentale qui est extrêmement reposante pour qui vient de l'extérieur. Sans doute ces villages ont-ils leur part de rivalités mesquines, de jalousies et de querelles comme beaucoup de petites communautés vivant relativement repliées sur elles-mêmes à travers le monde.
Mais ce à quoi je pense est une certaine qualité de l'espace entre les gens, et qui fut si bien exprimée dans les mots de ce jeune paysan qui me dit, avec un sourire éclatant qui illumina tout son visage : « ici dans le village, je peux rentrer à l'improviste dans n'importe quelle case. C'est ça, la liberté ! »
Et comment ne pas mentionner l'extraordinaire vitalité du peuple africain ?
Je ne crois pas qu'il y ait une autre population sur la planète qui explose d'une telle vie. « Africain » inclut bien sûrs tous les descendants de ce peuple à travers le monde, que ce soit le « boia fria », c’est-à-dire « le mange-froid », terme utilisé pour décrire les ouvriers agricoles journaliers du Brésil, le percussionniste noir de Harlem qui fait littéralement éclater une boite de nuit par ses rythmes endiablés, ou les villageois africains capables de danser toute une nuit pratiquement sans s'arrêter. Cette vitalité est une des plus remarquables qualités de l'Afrique noire. Qu'après avoir été déportés sur des milliers de kilomètres dans les conditions les plus dégradantes imaginables, avoir été réduits en esclavage et endoctrinés culturellement pendant des siècles, les descendants américains du peuple africain aient pu conserver cette force vitale bouillonnante qui éclate comme un geyser, est un des tributs les plus significatifs rendus par l'histoire à ce vaste continent. Cette force vitale fait si intensément partie de la trame même de la vie villageoise que le suicide y est pratiquement inconnu.
Ce sentiment exubérant d'être
totalement en vie est cousin d'une des qualités les plus omniprésentes de
l'Afrique :
Et comment parler de la richesse de l'Afrique sans mentionner la qualité unique de son hospitalité ? Pour le visiteur de passage, aussi fortuné soit-il, le plus pauvre parmi les pauvres donnera son dernier oeuf, tuera son seul cabri ou l'unique mouton dans sa cour, lui laissera son seul lit, et lui donnera tout son temps. Je pense à mon passage à Badumbé. Bakary Macalou me dit qu'il allait tuer le mouton traditionnel pour honorer ma visite. Je lui répondis que ce n'était pas nécessaire, qu'on se connaissait assez bien, que l'intention me touchait autant que le ferait le geste. Rien n'y fit. Après avoir bien réfléchi, il me dit : « Tu sais, je ne peux pas faire autrement. C'est notre tradition. »
Cette hospitalité africaine est une extension et une expression de la générosité débordante de ce continent, de sa capacité à donner, de son espoir irrépressible face à la vie et à l'univers. Car c'est là peut-être la qualité suprême de l'Afrique : la générosité.
Il y a une sorte d'optimisme fondamental, quasi ontologique, dans l'âme de son peuple. Comme le cantus firmus qui constitue le fondement musical d'une cantate de Bach, cette générosité est la trame sur laquelle se tisse la vie de tous les jours.
Peut-être le temps est-il venu pour nous de reconnaître que la pauvreté matérielle passagère de l'Afrique nous cache son étonnante richesse humaine et culturelle, tout comme notre prospérité matérielle nous permet de voiler des formes plus insidieuses de pauvreté humaine et spirituelle. Alors, si nous réussissions à créer un partenariat entre le Nord et l'Afrique, peut-être apprendrions-nous un jour à voyager, sinon sur le même chemin, du moins dans la même direction ; et non plus comme concurrents, mais comme amis.
Chers auditeurs, vous me permettrez de reprendre un instant la parole pour faire un inventaire à la Prévert des apports potentiels, j’ai noté au fur et à mesure :
Héritage d’expériences sociales, la palabre
démocratique, les formes d’organisation collective du travail, la solidarité,
le sens du don et du partage, une certaine vision du temps, la patience,
l’endurance, la capacité d’écoute, la façon d’être avec les « vieux », la
sagesse, une sorte de tolérance fondamentale, une qualité de l’espace entre les
gens, une extraordinaire vitalité, une force vitale bouillonnante, la joie, le
rire contagieux, la qualité de l’hospitalité, une générosité débordante, un
optimiste fondamental, enfin et en résumé, une étonnante richesse humaine et
culturelle.
Quelle impressionnante moisson, ah si nous avions le sens de l’écoute. Il nous semble que l’auteur dans sa conclusion, n’a pas insisté sur « le sens du sacré », encore omniprésent dans les brousses africaines. Pour compléter cette dimension essentielle, nous élargirons donc nos regards aux dimensions du monde, en écoutant le grand chef indien Seattle, qui a donné son nom à la ville de Seattle. Son intervention en 1854, il y a 150 ans, devant l’Assemblée des tribus d’Amérique du Nord, était une réponse au Président des Etats-Unis, qui voulait acheter les terres indiennes, en dégageant les tribus indiennes indigènes dans des réserves :
Discours prononcé par le Chef Indien Seattle
(Devant l'Assemblée des tribus d'Amérique du Nord en 1854)
Le Grand Chef de Washington nous a fait part de son désir d'acheter notre terre. Le Grand Chef nous a fait part de son amitié et de ses sentiments bienveillants. Il est très généreux, car nous savons bien qu'il n'a pas grand besoin de notre amitié en retour.
Cependant, nous allons considérer votre offre, car nous savons que si nous ne vendons pas, l'homme blanc va venir avec ses fusils et va prendre notre terre. Mais peut-on acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? Etrange idée pour nous !
Si nous ne sommes pas propriétaires de la fraîcheur de l'air, ni du miroitement de l'eau, comment pouvez-vous nous l'acheter ?
Le moindre recoin de cette terre est sacré pour mon peuple. Chaque aiguille de pin luisante, chaque grève sablonneuse, chaque écharpe de brume dans le bois noir, chaque clairière, le bourdonnement des insectes, tout cela est sacré dans la mémoire et la vie de mon peuple. La sève qui coule dans les arbres porte les souvenirs de l'homme rouge.
Les morts des hommes blancs, lorsqu'ils se promènent au milieu des étoiles, oublient leur terre natale. Nos morts n'oublient jamais la beauté de cette terre, car elle est la mère de l'homme rouge; nous faisons partie de cette terre comme elle fait partie de nous.
Les fleurs parfumées sont nos sœurs, le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères; les crêtes des montagnes, les sucs des prairies, le corps chaud du poney, et l'homme lui-même, tous appartiennent à la même famille.
Ainsi, lorsqu'il nous demande d'acheter notre terre, le Grand Chef de Washington exige beaucoup de nous.
Le Grand Chef nous a assuré qu'il nous en réserverait un coin, où nous pourrions vivre confortablement, nous et nos enfants, et qu'il serait notre père, et nous ses enfants.
Nous allons donc considérer votre offre d'acheter notre terre, mais cela ne sera pas facile, car cette terre, pour nous, est sacrée.
L'eau étincelante des ruisseaux et des fleuves n'est pas de l'eau seulement ; elle est le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons notre terre, vous devrez vous souvenir qu'elle est sacrée, et vous devrez l'enseigner à vos enfants, et leur apprendre que chaque reflet spectral de l'eau claire des lacs raconte le passé et les souvenirs de mon peuple. Le murmure de l'eau est la voix du père de mon père.
Les fleuves sont nos frères; ils étanchent notre soif. Les fleuves portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devrez vous souvenir que les fleuves sont nos frères et les vôtres, et l'enseigner à vos enfants, et vous devrez dorénavant leur témoigner la bonté que vous auriez pour un frère.
L'homme rouge a toujours reculé devant l'homme blanc, comme la brume des montagnes s'enfuit devant le soleil levant. Mais les cendres de nos pères sont sacrées. Leurs tombes sont une terre sainte; ainsi, ces collines, ces arbres, ce coin de terre sont sacrés à nos yeux. Nous savons que l'homme blanc ne comprend pas nos pensées. Pour lui, un lopin de terre en vaut un autre, car il est l'étranger qui vient de nuit piller la terre selon ses besoins. Le sol n'est pas son frère, mais son ennemi, et quand il l'a conquis, il poursuit sa route. Il laisse derrière lui les tombes de ses pères et ne s'en soucie pas.
Vous
devez enseigner à vos enfants que la terre, sous leurs pieds, est faite des
cendres de nos grands-parents. Afin qu'ils la respectent, dites à vos enfants
que la terre est riche de la vie de notre peuple. Apprenez à vos enfants ce que
nous apprenons à nos enfants, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à
la terre arrive aux fils de
Nous le savons: la terre
n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à
Tout ce qui arrive à la terre
arrive aux fils de
Mais nous allons considérer votre
offre d'aller dans la réserve que vous destinez à mon peuple. Nous vivrons à
l'écart et en paix. Qu'importe où nous passerons le reste de nos jours. Nos
enfants ont vu leurs pères humiliés dans
Même l'homme blanc, dont le Dieu marche avec lui et lui parle comme un ami avec son ami, ne peut échapper à la destinée commune. Peut-être sommes-nous frères malgré tout; nous verrons. Mais nous savons une chose que l'homme blanc découvrira peut-être un jour: notre Dieu est le même Dieu. Vous avez beau penser aujourd'hui que vous le possédez comme vous aimeriez posséder notre terre, vous ne le pouvez pas. Il est le Dieu des hommes, et sa compassion est la même pour l'homme rouge et pour l'homme blanc.
La terre est précieuse à ses yeux, et qui porte atteinte à la terre couvre son créateur de mépris. Les blancs passeront, eux aussi, et peut-être avant les autres tribus. Continuez à souiller votre lit, et une belle nuit, vous étoufferez dans vos propres déchets.
Mais dans votre perte, vous brillerez de feux éclatants, allumés par la puissance du Dieu qui vous a amenés dans ce pays, et qui, dans un dessein connu de lui, vous a donné pouvoir sur cette terre et sur l'homme rouge. Cette destinée est pour nous un mystère; nous ne comprenons pas lorsque tous les buffles sont massacrés, les chevaux sauvages domptés, lorsque les recoins secrets des forêts sont lourds de l'odeur d'hommes nombreux, l'aspect des collines mûres pour la moisson est abîmé par les câbles parlants.
Où est le fourré ? Disparu. Où est l'aigle ? Il n'est plus. Qu'est-ce que dire adieu au poney agile et à la chasse ? C'est finir de vivre et se mettre à survivre.
Ainsi donc, nous allons considérer votre offre d'acheter notre terre. Et si nous acceptons, ce sera pour être bien sûrs de recevoir la réserve que vous nous avez promise. Là, peut-être, nous pourrons finir les brèves journées qui nous restent à vivre selon nos désirs. Et lorsque le dernier homme rouge aura disparu de cette terre, et que son souvenir ne sera plus que l'ombre d'un nuage glissant sur la prairie, ces rives et ces forêts abriteront encore les esprits de mon peuple. Car ils aiment cette terre comme le nouveau-né aime le battement du cœur de sa mère. Ainsi, si nous vous vendons notre terre, aimez-la comme nous l'avons aimée. Prenez soin d'elle comme nous en avons pris soins.
Gardez en mémoire le souvenir de ce pays, tel qu'il est au moment où vous le prenez. Et de toute votre force, de toute votre pensée, de tout votre cœur, préservez-le pour vos enfants et aimez-le comme Dieu vous aime tous.
Un ultime mot, comme d’habitude, pour annoncer l’émission suivante, la 9ème de « Regards du Sud ». Pour l’instant, je n’ai que le titre, il ne me reste plus qu’à la construire.
Ce sera : « La Terre nourricière et le monde paysan ».
Et donc, à très bientôt, avec mon amical et fraternel bonsoir.
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