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Le Rêve européen interrompu ?

6ème émission juillet 2005

 

Bonjour à toutes, bonjour à tous.

Au mois de mai dernier, je vous ai fait partager « le Rêve européen ». Puis le mois suivant, en juin 2005, nous avons découvert une multitude de peuples indigènes, qui regroupent encore 300 millions de personnes, ceux sont en quelque sorte nos plus lointains ancêtres contemporains.

 

Pour cette 6ème émission de juillet 2005, j’avais envisagé, d’approfondir le mode de fonctionnement d’une société humaine, d’une ethnie africaine, située plus prés de nous : « Les samos du Sud au Burkina Faso ». J’ai été tenté de préparer mon intervention sur « les samos », solution assez reposante pour moi, mais notre histoire, celle de nos enfants, celle de la France, de l’Europe et du monde s’écrivent actuellement à très grande vitesse. Aussi, je délaisse mes amis, les samos du Burkina Faso, mais promis le mois prochain, je reviens vers vous. Et donc, dés le 1er juin, pressentant les incertitudes, crises et bouleversements potentiels du mois à venir, je me suis lancé à corps et à cœur perdus, dans la préparation du thème suivant : « Le rêve européen interrompu ? » (Avec au moins 3 points d’interrogation).

 

Voilà, entrons donc tout de suite dans notre thème-feuilleton, que je structurerai chronologiquement. C’est, pour faire bref, « un journal de bord » subjectif, non exhaustif, écrit au fil des jours, en 4 temps : le 1er temps, début 2005, résume et rappelle l’objectif de notre émission « Regards du Sud », dont l’Europe est au cœur, le 2ème temps est juste avant le vote des français au référendum du 29 mai, le 3ème est une synthèse de la 1ère quinzaine de juin, le 4ème et dernier temps, intègre le conseil européen, l’après conseil et s’ouvre sur les perspectives ultérieures,…

 

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                   I.         Objectif de notre émission « Regards du Sud »

Notre 1er temps rappelle des propos tenus précédemment, en relation avec le thème du mois :

 

Précisons pour les nouveaux auditeurs et pour les autres, que cette émission « Regards du Sud » veut élargir nos regards aux dimensions du monde, en croisant des milliers d’autres regards, en particulier ceux des plus démunis, tiers et quart monde, qui essayent tous de répondre à l’obsédante question « Comment construire, tous ensemble, un monde plus fraternel ? ».

 

Dans les précédentes émissions, j’ai déjà abordé des pistes qui sont, par anticipation, des réponses à cette actualité européenne. Je vais reprendre quelques-uns de mes propos, mais, en préalable, je précise que je suis un homme libre, passionné de la vie et des gens, infiniment respectueux de chacun, je ne roule pour personne, je suis un homme multi engagé, comme le prouve l’épreuve passionnante que je m’inflige bénévolement chaque mois pour préparer cette émission, je n’ambitionne rien d’autre que d’apporter ma contribution pour un monde plus humain.

*      J’écrivais il y a quelques mois : il est des périodes, où l’histoire s’accélère, et il me semble que nous sommes entrés dans une telle période avec des signes positifs, quelques exemples allant dans ce sens là, pris dans l’actualité récente : … l’information, large et rapide, est un élément essentiel de la connaissance et de la prise de conscience des situations par l’opinion publique, et l’opinion publique est un levier essentiel pour l’action des politiques.

*      Une motivation importante de notre projet d’un autre monde, est d’apporter de la confiance, du sens, de l’espoir, de l’enthousiasme même, en particulier aux jeunes, dans notre monde actuel souvent désespérant.

*      La méthode est essentielle, détaillée dans ma 3ème émission, et se résume en 3 questions : « dans quel monde sommes-nous ? Où voulons-nous aller ? Comment y aller ? ». Le sujet est immense, par ex. le thème du mois dernier sur « les peuples indigènes » voulait expliciter la diversité de notre monde, qui appelle une diversité de réponses. Il est intéressant aussi de se poser cette triple question à toutes les échelles, au niveau du monde, de l’Europe, de la nation, ...jusqu’à la personne elle-même, c’est-à-dire à chacun de nous : « dans quelle vie suis-je ? Où est-ce que je veux aller ? Comment y aller ? ». Bien sûr, on pourrait aussi l’appliquer à la France, à l’Europe « dans quelle Europe sommes-nous ? » Quelle Europe voulons-nous ? Comme y aller ? ».

*      J’avais cité des éléments de réponse importants, à mes yeux, pour « aller vers le souhaitable au rythme du possible ». J’énonçais mes 5 leviers majeurs, sur lesquels je reviendrai souvent :

o       nécessité de grands ensembles régionaux, comme l’Europe pour nous.

o       mobilisation essentielle de l’opinion publique, grâce aux moyens techniques de communication.

o       appui sur les opportunités, l’actualité, sur ce qu’on appelle le « calendrier international » ou l’agenda et l’année 2005 est exceptionnellement dense.

o       passage du « face à face » épuisant au « côte à côte » motivant, c’est-à-dire de la confrontation au dialogue.

o       engagement individuel.

*      En relation avec ce dernier point, j’avais aussi cité un grand africain qui disait « Il y a 3 catégories de personnes : les dormeurs, les généreux et les égoïstes ». Il exagère certainement …mais il a le mérite d’interpeller chacun. Pour ma part, je serai plus nuancé que lui, et je changerai encore d’échelle, je dirai qu’en chacun de nous il y a ces 3 composantes de dormeur, de généreux et d’égoïste… Et, nous serions certainement d’accord avec ce grand africain pour dire que notre monde actuel est égoïste et qu’il doit devenir généreux (ou solidaire ou fraternel selon la formulation souhaitée par les uns ou par les autres). Voilà pour ces rappels et ce premier temps qui laissent entrevoir des pistes pour le futur.

 

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                 II.         Le traité constitutionnel

Entrons dans le 2ème temps de notre chronologie, juste avant le référendum national du 29 mai sur le traité constitutionnel :

*      Je ne reviendrais pas sur le détail de mon émission « le Rêve européen » de mai 2005, où je répondais « oui » à ce traité imparfait, « oui » passionnément.

Mon analyse au matin du dimanche 29 mai, insiste sur deux points :

*      La campagne elle-même : débats intéressants, passionnés, inattendus… discussions dans les familles, les associations,…partout, questionnements multiples, …avec aussi le constat surréaliste, à mes yeux, d’un enthousiasme impressionnant pour un non multiforme, un non qui enfle au fil du temps.

Mon choix personnel, pour moi, il y avait en fait 3 questions, les 2 premières stratégiques et la dernière, la seule posée, tactique : je répondais oui à l’Europe, ensuite non à l’Europe actuelle malgré tout ce qu’elle a apporté, et enfin à la question posée, oui à ce traité constitutionnel, pour ensuite faire évoluer l’Europe fortement et progressivement. Ce dernier oui, parce que ce traité imparfait était enfin l’acte de naissance d’une Europe politique, d’une Europe puissance. Un oui de combat et d’espoir, un oui « avec mes tripes » parce que cette Europe puissance est urgente dans le monde déboussolé dans lequel nous sommes, … bref je ne vais pas refaire une campagne… mais un oui aussi parce qu’un non refondateur, respectable à priori, me paraissait totalement irréaliste et que j’imaginais aussi les conséquences du non dans le monde, qui serait perçu comme un non à l’Europe, un non qui isolerait et affaiblirait la France, un non contresens qui donnerait carte blanche aux plus libéraux, un non à gros risque,.....eh bien ce n’est pas un scoop, chacun sait que le NON l’a emporté avec une forte mobilisation des citoyens.

 

               III.         1ère quinzaine de juin.

* Avant d’entrer dans le 3ème temps, que j’ai intitulé « 1ère quinzaine de juin », détendons-nous un instant. J’ai souvent eu envie d’imager mes propos avec un schéma simple, utilisable dans plusieurs domaines, tenter de mettre du visuel dans une émission radio. Je vais essayer et je m’explique sur un exemple : quand on parle « d’économie sociale de marché », certains insistent sur l’économie de marché, d’autres sur l’économie sociale, eh bien, sur un cadran linéaire, un indicateur peut se positionner de l’extrémité droite (par ex pour l’économie de marché à 100%) à l’extrémité gauche (par ex pour l’économie sociale à 100%). Selon le sujet, chacun a son opinion sur le positionnement de cet indicateur, un peu plus d’un côté ou un chouia de plus de l’autre. L’image proposée est donc ce cadran avec un indicateur entre deux positions extrêmes.

 

Un autre exemple de cadran appliqué aux diverses catégories de personnes selon notre grand africain : par ex les généreux à la droite du cadran, les égoïstes à la gauche, et les dormeurs au milieu. Encore un exemple de cadran, que j’utiliserai tout à l’heure : à une extrémité les optimistes, et à une autre les pessimistes. Il va de soi qu’on peut s’amuser encore plus, en nuançant ces cadrans selon les circonstances, en installant plusieurs indicateurs sur un même cadran, en regroupant aussi ces cadrans en tableau de bord. Jouons encore un instant, un dernier cadran : certaines mauvaises langues disent qu’il y a des hommes politiques, qui s’intéressent plus à eux même qu’à l’intérêt général, c’est certainement faux mais positionnons chacun sur un cadran : intérêt général à une extrémité et intérêt personnel à l’autre.

 

J’avais annoncé 4 temps à la cadence de notre thème. Maintenant ouvrons notre 3ème temps, qui va de la victoire du Non chez nous au Conseil européen de mi-juin et balaie donc la 1ère quinzaine de juin 2005 :

L’analyse à chaud du scrutin.

Je vous propose d’abord quelques extraits choisis, en vrac :

*      Au succès du non, la presse se déchaîne : tornade, séisme, état de choc, insurrection dans les urnes, gueule de bois, métamorphose, l’Europe blessée, la France révoltée.

*      Le non est multiple : nationaliste, opportuniste, d’extrême droite, non social et antilibéral, non à Chirac, non à l’Europe des technocrates, un non de l’incertitude face au processus de mondialisation, non à l’élargissement rapide de l’Europe, non aux délocalisations, non à la précarité...

*      Un journaliste a récapitulé ces « non » en 5 catégories : le non des fonctionnaires, des jeunes, des classes moyennes, des campagnes, de la gauche.

*      Un autre a dit : deux Europe surnagent : l’Europe utopique et l’Europe marchande, et il ajoute « j’espère me tromper ».

*      Ce scrutin exprime, une nouvelle fois, la révolte populaire devant une crise sociale désespérante…

*      Vu de l’étranger, « ils ne sont pas capables de s’entendre entre eux », bonjour les égoïsmes nationaux, les nationalismes,...l’histoire se répèterait-elle ?

*      Les expatriés français à l’étranger, au nombre d’un million et quelques, ont voté à 81 % pour le traité constitutionnel. L’un d’entre eux, que je comprends aisément, écrit du Rwanda, a des mots très durs, vu d’un pays où la paix se construit lentement, ce refus est incompréhensible. Vu d’un continent où l’exercice de la démocratie est souvent périlleux, se servir de son droit de vote de cette façon tient du caprice d’enfant gâté…

*      Le spectacle des batailles sans merci qui s’annoncent a peu de chances de réconcilier les français et la politique,

*      Il n’y a pas de désir d’Europe, l’Europe ne fait plus rêver et l’Europe politique ne sera jamais construite sans une franche et passionnée adhésion des peuples.

 

Mon analyse personnelle toujours à chaud :

*      Profonde déception bien sûr, parce que la construction de l’Europe est pour moi le levier majeur et fondateur d’un monde plus fraternel, et elle est en pleine tempête, je souhaiterais, moi aussi, de tout cœur m’être trompé et que les « non » aient raison…

*      Quelqu’un a dit à juste titre « les peuples n’ont pas toujours raison, mais on a toujours tort de ne pas les écouter ».

*      Le 1er juin, les Pays-Bas nous rejoignent dans le non, et j’avoue apprécier que le risque d’isolement de la France s’atténue un peu.

*      Assez vite, l’optimiste réaliste que je suis a essayé de disséquer la nouvelle situation.

 

Les éléments négatifs :

*     Isolement et fragilisation de la France, incompréhension et déception dans le monde, malentendus sur le sens de ce non, perception d’un non à l’Europe, grande joie des plus libéraux, fragilité de l’Europe.

*     L’année 2005 étant farcie d’échéances déterminantes : ONU, OMC, etc... l’Europe hélas se présentera faible, divisée, anémiée, sans forte crédibilité, peut-être inexistante,…

*     Exacerbation des tensions interpersonnelles en France dans un contexte d’élection présidentielle en 2007, où chacun et chaque parti cherchent à se positionner dans cette nouvelle donne,

*     Accueil épouvantable des nouveaux pays, qui, au sortir de situations souvent dramatiques, accèdent à leur rêve européen,

*     Guéguerres en perspective au sein de l’Union européenne,

 

Les éléments positifs :

*     L’opinion publique a débattu et s’est exprimé de façon impressionnante et cela est un élément inattendu et primordial, c’est aussi un des 5 leviers majeurs que je citais,

*     Les analyses sur le besoin de plus de démocratie, de social, …sont largement partagées et il me semble que le oui et le non ressortent d’analyses très voisines. Il me semble que, là comme souvent ailleurs, 80% des personnes, ayant voté oui ou non, partagent les mêmes attentes : une France et une Europe plus à l’écoute, en gros 80% de la gauche à la droite se retrouve en un large centre de l’échiquier politique, que je me permets d’appeler « les centraux ». Pour démontrer cette proximité du oui et du non, deux éléments, le 1er, j’ai découvert que mon texte « le rêve européen », objet de ma 4ème émission, aurait pu servir d’argument pour le non, en changeant seulement 5% du texte : soit remplacement du mot oui par le mot non, soit suppression de quelques lignes. Le 2ème élément est le constat fréquent, lors des débats, que la même démonstration avec les mêmes arguments pouvait se conclure soit par « en conséquence je voterai oui », ou à « l’inverse je voterai non », donnant une impression d’irrationalité passionnelle,

*     En résumé un vote, où l’élément très positif à faire fructifier, est que 80% sont pour l’Europe, et une Europe différente, l’exceptionnelle mobilisation constatée pourrait être, à un terme indéterminé, si nous le voulions vraiment, un levier majeur d’évolution vers une France et une Europe plus fraternelle, attendues par beaucoup.

 

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Réflexions/scénarios et maintenant quels sont les scénarios possibles ?

Revenons à l’image du CADRAN des scénarios, avec le plus pessimiste d’un côté et le plus optimiste de l’autre. Toutes les situations intermédiaires sont possibles. Nous allons essayer de regarder ces scénarios extrêmes :

 

Pour le scénario pessimiste : il suffit de prolonger en cascade les conséquences immédiates du non, qui ont été parfaitement décrites par un responsable de parti lors de son intervention à l’Assemblée nationale le 8 juin. Je cite :

 

Le « non » français a fait flamber le « non » hollandais, qui n’en demandait pas davantage. Et les deux « non » ont offert à Tony Blair l’occasion qu’il attendait pour éviter d’avoir à poser au peuple britannique la question qui le tourmentait depuis si longtemps : « Êtes-vous dedans ou dehors ? ». Et immédiatement, on a entendu des voix, néerlandaises, allemandes, pour remettre en cause le financement de l’Union, pour demander des chèques et des rabais, dont les victimes sont déjà désignées : la politique agricole commune, la politique régionale, la politique de recherche.

À la clé, il y a la renationalisation de ces politiques, notamment agricoles. Et l’Europe a commencé ainsi de dévaler le toboggan. Il n’a pas fallu vingt-quatre heures pour que la Chine annonce qu’elle abandonnait toute maîtrise de ses exportations textiles. Il n’a pas fallu deux jours pour que l’Euro soit attaqué. Il n’a pas fallu quatre jours pour que des voix, d’abord isolées, commencent à se faire entendre, en Italie, en Allemagne, pour que l’on renonce à l’Euro et à ses disciplines, pour pouvoir à nouveau dévaluer en toute liberté ».

 

Le scénario pessimiste serait donc la poursuite de cet engrenage infernal, mais le pire n’est jamais sûr.

 

Pour le scénario optimiste : je m’appuierai plus longuement sur quelques extraits, qui tous renvoient à des notions de confiance, de changement, de reconstruction ou de refondation pour replacer l’économie au service de l’Homme.

 

JC Guillebaud : …Songeons que c’est la première fois depuis plus d’un demi-siècle que l’Europe est devenue un « objet » démocratique. Au sens le plus noble du terme. Les citoyens se sont appropriés – enfin ! – la question européenne. La politique a repris ses droits. Ce basculement est virtuellement fondateur.

 

Le deuxième acquis, c’est l’exigence critique qui se sera manifestée en France au sujet de l’orientation politique et économique de la future Europe... Il posait des questions sérieuses sur la dogmatisation néolibérale, cette fausse évidence du tout marché qui donne le ton, quoi qu’on dise, à Bruxelles. Obsession des grands équilibres, dogmatisme monétaire, résignation au chômage et aux inégalités, prurit de privatisations et de dérégulation : tous ces éléments, il faut le savoir, inquiètent depuis belle lurette nombre d’économistes, y compris anglo-saxons, qui voient en elle une dérive suicidaire.

Cette interrogation critique – que le non replace avec force au centre du débat – est donc d’une portée bien plus sérieuse que ne l’ont affirmé certains partisans du oui. Elle concerne l’avenir de la démocratie elle-même, dans ses rapports avec le marché… Le problème se ne ramène donc nullement à une éventuelle renégociation du traité. La question posée par la France se situe à un autre niveau : celui de la substance historique du projet européen. ..

 

JM Colombani : Si l'on veut trouver du mérite à ce triste non, alors il faut dater du 29 mai 2005 la fin d'un consensus français attaché à ce que rien ne change. Faisons, sans complaisance et sans aveuglement, l'inventaire de ce qui ne va pas, de ce qui ne va plus, de ce que les Français n'acceptent plus ou ne devraient plus tolérer, et explorons les voies qui permettraient au pays de retrouver son chemin, de redonner confiance à ces classes moyennes qui ont l'impression de perdre pied. Et souhaitons que le changement redonne à la majorité des Français le désir de l'Europe.

 

Bertrand de Kermel président du Comité pauvreté et politique : il faut définir clairement un projet consensuel pour l’Europe des 25 en ce début du XXIème siècle. Et un projet simple. Il pourrait se résumer en 2 objectifs : l’Europe comme modèle de paix et de tolérance, l’Europe comme modèle économique, social et environnemental, qui doit se faire reconnaître comme l’alternative au modèle américain, dominant sur la planète. L ’Europe doit montrer qu’elle est capable de replacer l’économie au service de l’homme.

 

Max Armanet, pour beaucoup, l’Europe proposée se résume à une sphère où la finance et l’économie dominent l’homme,…

Devant le verdict démocratique, sans regretter d’avoir choisi le oui, il est de notre devoir à tous de nous mobiliser pour créer une nouvelle dynamique d’espoir. Rendre confiance à la France dans son destin, afin de relancer l’édification d’une Europe plus juste. Dresser l’inventaire de ce qui nous rassemble. Faire taire ce qui nous divise,

 

François Bayrou : face à l’ampleur de la crise, le mot qui va s’imposer en 2007 est celui de « reconstruction ». Il va falloir reconstruire la France et reconstruire l’Europe.

 

Quelques extraits supplémentaires, qui m’ont paru pédagogiques :

*      Le philosophe américain John Rawls : le politicien pense à la prochaine élection, l’homme d’Etat, lui, pense à la prochaine génération,

*      * * Noël Copin : la politique, c’est très concrètement recréer les solidarités entre individus, catégories, nations, et c’est aussi redonner espoir. Un patient travail de reconstruction après le coup de pied dans la fourmilière,

*      Le philosophe Bernard Stiegler : dans un ouvrage (à paraître en sept 2005) « Constituer l’Europe » « Contre la concurrence, l’émulation », les citoyens d’Europe se méfient avec raison de l’idée selon laquelle on pourrait constituer l’Europe en mettant les pays en concurrence les uns avec les autres, c’est-à-dire en opposition. Comment imaginer que puisse se constituer une communauté, en mettant les peuples en opposition. Le concept de concurrence se présente ici comme une néfaste simplification de l’émulation telle que la pensaient les grecs et qui doit élever ceux qu’elle dynamise au dessus des particularités et être, en cela, une puissance primordiale d’intégration et d’individuation (j’apprécie ces notions qui renvoient au levier majeur que j’évoquais du cote à cote par opposition au face à face.)

 

Mesures prises ou annoncées (gouvernement, partis, media).

 

Je ne détaillerai pas les innombrables conséquences et adaptations immédiates à cette nouvelle donne : ce branle-bas de combat général : nouveau gouvernement, débats animés dans les partis, les media, les sites internet, à l’Assemblée Nationale,...l’échéance présidentielle 2007 est le nouvel horizon, les stratégies s’affûtent, mais d’abord le conseil européen des 16 et 17 juin, où il serait important que l’Europe soit à la hauteur,

 

             IV.         Le Conseil européen

Maintenant, notre 4ème et dernier temps de l’émission démarre au Conseil européen des 16/17 juin 2005

D’abord un flash sur l’état d’esprit juste avant ce Conseil :

Il y a 3 questions à l’OJ : poursuite ou non de la ratification, budget européen 2007/2013, élargissement à venir, et ensuite, après cet OJ, un échantillon décrivant l’ambiance pré conseil :

Les égoïsmes nationaux s’expriment, l’Europe en lambeaux, éloge de l’impuissance, nuits blanches envisagées, échec programmé, guerre annoncée, avec des taquets clairement exprimés : le « rabais » de Blair contre la PAC de Chirac, Blair en ascension, réélu, président du G8 et au 1er juillet président de l’Union E, face à Chirac en chute libre, .. triste bataille de boutiquiers illustrée par la formule « je garde mon chèque, ne touche pas à mon pré ».

 

Le conseil :

 

*      Au soir du jeudi 16 juin :

 

La décision est prise unanimement « de contrecarrer la dynamique du non dans les autres pays en prolongeant la ratification au moins jusqu'en 2007 », avec le plan D : démocratie, débats, dialogue. Un extrait des conclusions officielles :

« Les citoyens ont toutefois exprimé des préoccupations et des inquiétudes dont il faut tenir compte… Cette période de réflexion sera mise à profit pour permettre un large débat dans chacun de nos pays associant tant les citoyens, la société civile, les partenaires sociaux, les parlements nationaux, que les partis politiques. Ce débat mobilisateur, qui est déjà en cours dans bon nombre d'états membres, doit être intensifié et élargi. Les institutions européennes devront également y apporter leur contribution… Nous nous fixons rendez-vous au premier semestre 2006 afin de procéder à une appréciation d'ensemble des débats nationaux et de convenir de la suite du processus ».

 

Cette décision a entraîné le report immédiat d'une demi-douzaine de ratifications (Danemark, Suède, Finlande, Portugal, République tchèque, Irlande).

 

*      Soirée du 17 au 18 juin, échec en quasi direct avec quelques extraits :

 

Un scénario envisagé est que le Premier ministre britannique privilégie un échec pour attendre * l'alternance qui se profile à  l'automne en Allemagne, dans l'espoir d'une alliance avec la candidate chrétienne-démocrate à la chancellerie ◄Angela Merkel contre Jacques Chirac.

 

Mme Merkel plaide elle-même pour réexaminer les dépenses agricoles européennes, sanctuarisées en 2002 jusqu'en 2013

 

Isolés au début du sommet, les Britanniques ont réussi à rallier les Pays-Bas, la Suède mais aussi de manière plus inattendue l'Espagne et la Finlande dans leur refus du projet de budget d'un total de 870 milliards d'euros sur sept ans. Tony Blair a refusé les différentes variantes de compromis que lui a proposées Jean-Claude Juncker, c'est-à -dire un gel du rabais et la promesse d'une révision à  l'horizon 2008 de l'ensemble du complexe financement de l'UE.

 

Contre toute attente, à la dernière minute, les nouveaux membres de l'UE, pour la plupart des pays post-communistes, ont en vain proposé de réduire leurs recettes attendues jusqu'en 2013.

 

 

Le président de l’Union Européenne à ce sommet, M Jean-Claude Juncker a affirmé : « J'ai * eu honte lorsque j'ai entendu l'un après l'autre tous les nouveaux pays membres - tous plus pauvres les uns que les autres - dire que dans l'intérêt d'un accord ils seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences financières », et il a aussi dit : « Lors de ce débat budgétaire, il y a deux conceptions de l'Europe qui s'affrontaient, et qui s'affronteront toujours : il y a ceux qui, sans le dire, veulent le grand marché et rien que le grand marché, une zone de libre échange, certes à niveau élevé, et il y a ceux qui veulent une Europe politiquement intégrée ». C'est donc un nouveau coup dur pour l'Europe, qui a déjà remis à plus tard sa décision sur le sort de la constitution européenne… et ce remarquable président de l’UE a poursuivi avec tristesse et ironie : « Demain, je vais aller expliquer en détail aux Etats-Unis la force et la vigueur de l'Europe »

 

Un extrait des très brèves conclusions officielles sur ces discussions budgétaires : « Le conseil européen invite la future présidence à faire avancer ces discussions en mettant à profit les progrès réalisés jusqu'à présent, en vue de trouver une solution concernant tous les éléments nécessaires à la conclusion d'un accord global dans les meilleurs délais ».

 

Par une ironie de l'histoire, c'est désormais à la Grande-Bretagne, considérée comme l'un des pays les plus tièdes sur l'intégration européenne, qu'il appartient de recoller les morceaux d'une Europe paralysée.

 

Esquisse d’analyse personnelle sur ce conseil.

 

D’abord, j’apprécie de mieux connaître le trio de « responsables européens » du moment (MM Juncker, Barroso et Borell), merci les chaînes TV satellites, euronews en particulier.

 

* J’ai aussi apprécié les propos de Dominique Peccoud, jésuite et expert de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui va à l’essentiel quand il dit : la situation économique mondiale actuelle est comparable à celle, très ouverte aussi, d’avant la première guerre mondiale,.. et s’appuyant sur l’exemple du coton africain, il cite une vraie question existentielle, actuellement à l’ordre du jour de l’OIT « Veut-on favoriser la productivité sociale qui crée des emplois décents ou la seule productivité économique qui en supprime ? ».

 

En ce qui me concerne, au soir du 16 juin, j’ai été plutôt satisfait des conclusions des 25 quant à l’allongement du délai de ratification, j’ai cru y voir l’expression d’une sagesse chez nos dirigeants, « donner du temps au temps », c’est souvent la seule solution porteuse d’avenir, à fortiori quand les problèmes sont graves et urgents,…

 

Triste désillusion et déception hélas le 17 juin, car le combat budgétaire prévu a bien eu lieu avec le point d’orgue annoncé « rabais contre PAC ». Un mot sur la PAC, elle a beaucoup apporté mais elle n’a pas évolué comme elle aurait du, entraînant des coûts énormes et des effets pervers multiples pour nous et dramatiques pour les pays du Sud. Deux regrets personnels dans cette négociation, d’abord l’absence d’un expert Michel Barnier, ensuite, pour tenter d’éviter cet échec programmé, un pas, me semble-t-il aurait pu et aurait du être fait sur la PAC. Par exemple, et sans en sous estimer les difficultés pratiques, ni les conséquences chez nous, accepter le principe d’avancer l’échéance sanctuarisée de 2013 à 2011. Cette acceptation aurait eu le mérite d’apparaître comme ouverture et non obstination de la France.

 

Par ailleurs, il n’est pas exclu que cette échéance de 2013 pour la PAC soit remise en cause pour de multiples raisons et à divers niveaux (Europe, OMC, ONU). De nouvelles donnes mondiales sont prévisibles à court ou moyen terme.

 

Quelques mots sur la reconstruction en France et en Europe : de grands chantiers nous attendent. J’ai eu la chance et j’ai beaucoup aimé être en responsabilité dans une entreprise publique ferroviaire, la SNCF, qu’on qualifiait jadis « d’Etat dans l’Etat », et qui a souvent été, à l’image de notre pays, avec de grands succès (comme le TGV), de grands échecs (comme le fret) et aussi beaucoup d’interrogations et d’états d’âme. J’ai eu la chance d’avoir une longue pratique en matière de management de projets, d’animation des hommes, de gestion des conflits, de service public, de négociations, de « dialogue/affrontement social », et même de service minimum, dont on parle tant. Il me semble que toutes ces questions sont, dés à présent, à l’ordre du jour de la nation.

 

L’objet de cette émission « Comment construire, tous ensemble, une France, une Europe, un monde plus fraternel ? » résume, me semble-il, la tâche qui nous attend. Prenons au mot, l’invitation, qui a été faite à chacun de nous, le 16 juin au soir par le Conseil Européen en ces termes, que je rappelle : Cette période de réflexion sera mise à profit pour permettre un large débat dans chacun de nos pays associant tant les citoyens, la société civile, les partenaires sociaux, les parlements nationaux, que les partis politiques. Et, reprenant les termes de mon émission d’avril dernier, poursuivons une « mobilisation sur l’essentiel la plus large possible citoyens, associations, partis, religions, intellectuels, artistes, jeunes, anciens, handicapés, malades, démunis,...tous ensemble au coude à coude ». Les hommes politiques ont une lourde responsabilité : l’homme politique devrait dépasser les questions d’amour-propre et privilégier le dialogue à l’affrontement, les citoyens attendent de lui qu’au-delà du politicien, perce l’homme d’Etat

 

Le rêve européen interrompu ?

Le thème de ce mois était « Le rêve européen interrompu ??? » (avec 3 ?), eh bien, ma réponse personnelle est que le rêve européen demeure, que ce n’est pas facile, qu’il dépend du comportement de chacun, qu’il est temps de le vouloir vraiment : « Ne rêvez pas vos vies, vivez vos rêves ». L’avenir nous dira ce qu’il en sera.

 

               V.         Actualités présentes et à venir, contexte.

 

Comme d’habitude, quelques éléments du calendrier :

*      Tony Blair, à partir du 1er juillet 2005, est président de l’Union Européenne pour 6 mois, avant de passer le relais à l’Autriche,

*      Contexte international, avec un calendrier très dense et de nouveaux visages dans les grandes institutions : deux faucons américains désignés comme responsable à la Banque Mondiale et représentant des EU à l’ONU, et un socialiste français, et un français, ancien commissaire européen Pascal Lamy à la tête de l’OMC,

*      Calendrier international : l’ONU, sa réorganisation et l’élargissement de son Conseil de Sécurité (à signaler que la Chine s’implique de plus en plus dans ces discussions « politico-diplomatiques »), l’ONU encore avec un bilan intermédiaire sur les « Objectifs du Millénaire » dans la lutte contre la pauvreté, l’OMC et l’achèvement du cycle de Doha où coton, agriculture, PAC seront largement évoqués.

 

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             VI.         Références (en relation avec notre sujet)

 

Des ouvrages anciens, qui sont encore porteurs d’enseignements pour nous :

*      Le Mal francais A Peyrefitte 1976, qui me paraît être,

*      « Capitalisme contre capitalisme » 1991 de Michel Albert au Seuil, qui, après la chute du mur de Berlin, faisait une analyse comparative des modèles anglo-saxon et rhénan,

*      « Une société en quête de sens » JB de Foucault et Denis Piveteau édit Odile Jacob 2000. Ouvrage passionnant, qui voulait répondre à la triple crise de l’emploi, du lien social et du sens, à travers l’analyse croisée de 4 axes : initiative, coopération, conflit, contrainte.

 

Des sites internet :

*      Multiples sites des partis politiques de droite, de gauche, du centre, de nombreuses organisations civiles, j’ai trouvé intéressante la charte de l’association « énergies démocrates » dont le président est Christian Blanc. 4 leviers aussi : Construire une démocratie approfondie et efficace, Participer à l’émergence d’une Europe rayonnante, Réinventer l’Etat, Débloquer l’économie,

*      Je précise que, pour ceux que cela intéresserait, il devrait être possible très bientôt, de prendre connaissance de ces émissions, sur le site de « Radio Voix du Béarn » en cours d’élaboration.

 

           VII.         Prochaine émission.

 

Pour la 7ème émission de « Regards du Sud » en septembre 2005, et pour mieux connaître le monde dans lequel nous vivons, j’approfondirai le mode de fonctionnement d’une société humaine, d’une ethnie africaine que j’ai quelque peu fréquentée. Pour la préparation de cette émission, je sais déjà pouvoir m’appuyer sur le travail de chercheurs français et burkinabè. La 7ème de « Regards du Sud » s’intitulera donc « Les samos du Sud au Burkina Faso ». Et donc, à très bientôt, bon courage à chacun, avec mon amical et fraternel bonsoir.

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