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Une superbe expédition africaine « trait d’union »

1ère partie Au BURKINA FASO

39ème émission : diffusion les 1er mardi du mois à 20h30

« Radio Voix du Béarn » 95,10 Mhz, le 7 avril 2009

(Jean-Louis Giordano et Jacques Mortier 2-23 décembre 2008)

 

* Bonjour à toutes et bonjour à tous. Une superbe expédition africaine « trait d’union », tel est l’intitulé de ma 39ème émission mensuelle de « Regards du Sud », qui raconte une tournée de trois semaines en décembre dernier, jalonnée d’une dizaine d’étapes du Mali au Burkina Faso. Précisons que cette émission, porteuse d’espoir, a la modeste ambition d’ouvrir nos regards aux dimensions du monde, avec une seule question, depuis plus de 4 ans : Comment construire tous ensemble un monde plus fraternel ? Précisons aussi que si cette question ne vous paraît pas totalement stupide, vous pourrez retrouver textes, sons et images sur mon blog, où il est facile d’entrer avec un moteur de recherche, en indiquant 3 mots : monde, fraternel et mortier, comme le mortier, pilonné à longueur de journées par les femmes et les fillettes africaines, mortier aussi comme le liant, le trait d’union dans la construction. Mortier, c’est aussi mon nom de famille : 3 mots donc pour accéder au blog : monde, fraternel et mortier. Dès à présent, vous y trouverez quelques textes sur notre voyage en duo, en accédant également à un vaste reportage photos.

 

* L’intitulé de cette émission dit l’essentiel : « Une superbe expédition africaine trait d’union ». Ce fut une véritable expédition, elle fut superbe, et, à mes yeux, superbement trait d’union. J’aurai pu l’appeler de 36 autres façons, qui chacune aurait mis en exergue une des multiples facettes de ce voyage : par ex. « Une tournée ‘Terre nourricière et Humanisme’ » ou « Rencontres et retrouvailles », ou bien « Valeurs, Méthodes et Responsabilités », ou encore « Sur les traces de mon frère », …ou tout simplement « Ultime expédition africaine ». Eh bien, nous allons maintenant cheminer ensemble au cœur de toutes ces * facettes.

 

Ainsi donc cette présente émission se veut multiple à la fois partage du voyage, schéma d’intervention, bilan, plaidoyer, mais aussi commentaires du reportage photo évoqué.  

Quel fil directeur choisir, pour vous faire partager, en peu de temps, l’Essentiel ? L’articulation chronologique en trois phases, m’a paru la plus naturelle : la 1èrephase, l’avant voyage avec la préparation, les motivations, les perspectives, la 2ème, le voyage bien sûr, avec le déroulé des étapes successives, le * programmé et l’inopiné, et enfin la 3ème, l’après-voyage avec les enseignements tirés, les suites, les multiples interventions prévisibles, etc…

Que de choses à dire ! Aussi il me paraît plus raisonnable de dédoubler l’émission. Ce mois-ci, pour la 39ème, je vous propose donc d’effectuer ensemble la partie malienne de notre voyage, en nous réservant la partie burkinabè pour la 40ème émission. Plusieurs mois se sont écoulées depuis la précédente émission, ce qui s’explique essentiellement par deux bonnes raisons, d’une part une préparation énorme de ce voyage, d’autre part une priorité, bien naturelle, donnée à la famille, avec notamment beaucoup de bonheur dans « l’art d’être grand-père » et aussi dans « l’art d’être gendre ».

 

I-L’AVANT VOYAGE

* Arrêtons nos batifolages et entrons donc maintenant dans la phase primordiale de « l’Avant voyage » : Pourquoi ce voyage ? On dit souvent « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait », eh bien, à 64 ans je suis, me semble-t-il, à la charnière d’un temps où les deux sont encore présents ensemble : le savoir et le pouvoir, alliés à un troisième mousquetaire déterminant : le vouloir. Pourquoi ce voyage ? On pourrait aussi s’appuyer sur la coutume africaine qui récapitule souvent la vie en 4 cycles : l’initiation, l’action, la transmission et la sagesse. Dans cet esprit, ce voyage se veut aussi, pour moi, un rite de changement d’état, changement de cycle entre le temps de l’action et celui de la transmission.

Pourquoi ce voyage ? Eh bien, de façon plus concrète, je vais reprendre brièvement, en vrac et en cascade, quelques extraits de mes écrits préparatoires adressés aux amis d’ici et de là-bas. Je disais donc :

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-à l’été 1967, jeune étudiant, j’avais organisé une première expédition, de deux mois, avec mon grand copain d’école, mon frère jumeau « adoptif », Jean-Louis Giordano, dit Gigi, à travers le Canada, les USA et le Mexique, où un stage au fond d’une mine de charbon nous attendait ; cette année 2008, 41 ans après, j’embarque à nouveau avec Gigi, pour une aventure humaine, en duo, de trois semaines en Afrique noire, qui sera sans aucun doute, le dernier long voyage africain organisé par mes soins,

-nous sommes donc deux anciens, deux grands-pères, en voyage personnel, d’abord à l’écoute fraternelle des africains, mais aussi en étant porteurs, l’un et l’autre, de ce que nous sommes, de ce que nous avons vécu, de nos projets, de nos engagements passés, engagements présents, en responsabilité bénévole tous les deux à l’association « Terre et Humanisme » de Pierre Rabhi, à priori ouverts et disponibles pour des échanges et des interventions possibles sur des sujets multiples. Peut-être faut-il préciser que nous sommes tous les deux ingénieurs (retraités). Gigi, est également titulaire d’un doctorat en mathématiques appliquées sur les problèmes de complexité, il enseigne encore sur ces questions à notre Ecole Centrale de Paris (conduite de projets, prise en compte de la dimension culturelle…). Quant à moi, Jacques Mortier, «professionnel du bénévolat » depuis plus de 40 ans, j’ai aussi eu la chance de bénéficier d’une double formation, avec un cycle à Sciences Politiques de Paris, en 1967, sur les « Pays en Voie de Développement »,

-c’est donc un voyage « trait d’union », à multiples motivations : découverte de l’Afrique noire pour Gigi, retrouvailles et pèlerinage pour moi avec ce 10ème voyage sur le continent africain, amitiés, échanges, partage, suivi ou accompagnement de projets, voyage-immersion, voyage-rencontres en particulier avec des jeunes…dans le même esprit que les précédents décrits sur mon blog,

-je faisais aussi des propositions : nous serons à disposition pour échanger, partager avec enseignants, collégiens, ou villageois,... Compte tenu de nos « âges » d’adultes bien mûrs…, nous devrions pouvoir nous adapter sans trop de mal, si nécessaire, aussi bien au niveau des sujets laïcs ou non, que des modes d’échanges : débats, interpellations, interventions,…

 

* -j’écrivais aussi qu’au cours de l’intense préparation : la composante « crises alimentaires » a pris, de plus en plus d’importance et sera, sans aucun doute, le fil directeur de notre voyage.

C’est dans cette perspective, que j’ai préparé une douzaine de kit-cadeaux, intégrant le dernier ouvrage de Pierre Rabhi, intitulé « Manifeste pour la Terre et l’Humanisme » aux éditions «Actes Sud ». Merci donc à l’entreprise « Nature et Découvertes » qui a appuyé l’édition de cet ouvrage et m’a approvisionné gracieusement, merci à « Kokopelli », remarquable conservatoire de semences qui a fait de même pour des graines de semences, des semences de vie.

-j’écrivais encore : ...convaincu de la puissance des « réseaux » fondés sur des relations de confiance entre personnes en responsabilité, donc porteuses potentielles de démultiplication, j‘ai choisi de jouer à l’homme-orchestre et de porter lors de ce voyage de nombreuses casquettes, celle de « Terre et Humanisme », d’Eau Vive, de Kokopelli, de chrétien engagé, de citoyen du monde, d’astronome passionné * des « cieux », d’animateur de radio humaniste, et encore d’autres. J’ai choisi de m’appuyer sur quatre « entités amies », actives ici et en Afrique, qui partagent toutes, me semble-t-il, les mêmes valeurs essentielles avec un engagement très fort au service des Paysans et des populations : les associations Terre et Humanisme et Eau Vive, la communauté Emmaüs de l’abbé Pierre, communauté Lescar Pau en relation avec l’AIDMR (Association Interzones de Développement Rural) au Burkina Faso et 4ème entité, l’Eglise, précisons bien l’Eglise de Vatican II, celle qui est généreuse, ouverte sur le monde et non intégriste bien sûr, avec ses multiples composantes, fidèles aux valeurs évangéliques (CCFD, CARITAS, OCADES, Paroisses, Séminaires, Missionnaires d’Afrique,…), en particulier avec le Père blanc Maurice Oudet, depuis 40 ans au Burkina Faso, grand défenseur des paysans du Sud, et qui illustre à merveille que l’Eglise en Afrique est, comme beaucoup le pensent, la première ONG du continent,

-et je voulais, au cours de ce voyage, valider une idée, qui me paraît essentielle, et que j’ai souvent exprimée ainsi, lors de débats, interpellations, plaidoyers, ou autres : pour avancer au plus vite vers ce nouveau monde espéré, où le « manger propre et le boire potable » serait un impératif éthique prioritaire, ma conviction s’exprime par le proverbe africain : « Si les bouches des fourmis s’unissaient, elles transporteraient un * éléphant ». Chacun d’entre nous, avec ses qualités et ses faiblesses, suit son cheminement de vie, apporte plus ou moins, sa « petite goutte d’eau » à cette avancée. Et, il est urgent que * toutes les précieuses « petites gouttes d’eau » dans le monde, émanant d’admirables consciences individuelles disséminées un peu partout, tous les « petits ou grands ruisseaux », provenant d’associations, de collectifs d’associations, ou de collectifs humains de toutes natures, il est urgentissime que toutes ces gouttes d’eau, tous ces ruisseaux, tous ces innombrables réseaux, qui n’ont individuellement hélas aucun poids « Politique » significatif, collaborent intelligemment et s’unissent sur l’Essentiel pour déboucher sur un magnifique fleuve d’Humanité. Quand j’évoque le poids Politique, il s’agit bien sûr de Politique avec un grand P, et c’est relatif au Vivre Ensemble.

 

Voilà, j’imagine qu’à travers ces divers extraits choisis, vous avez maintenant une idée de l’esprit de ce voyage en ce qui me concerne, de l’importance attachée à cette préparation « en réseau » et aussi déjà de la tonalité de la prochaine émission. Quant à l’ami Gigi, une émission ultérieure devrait peut-être raconter, avec ses mots et son propre regard, sa préparation, son apprentissage et sa découverte de l’Afrique noire.

Il est temps d’entrer dans la deuxième phase : le déroulement du voyage.

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Avant de décoller, je vous propose une 1ère pause musicale…

 

II-VOYAGE (images http://picasaweb.google.fr/jacques.mortier/ExpedAfrik2008)

Profitons maintenant de notre vol vers le Mali pour évoquer quelques traits caractéristiques de ce voyage. La première image du diaporama évoqué, accessible par mon blog, est une carte qui résume cette tournée africaine de trois semaines, en une dizaine d’étapes à travers le Mali et le Burkina Faso, étapes à la fois chez des amis, pour la plupart * venus en France, et également « chez les amis des amis ». Il apparaît qu’en fait, le gîte et le couvert ont été essentiellement assurés au coeur de communautés chrétiennes, qui font toutes de l’agriculture vivrière, d’une part pour assurer, au moins partiellement, leur nourriture, d’autre part pour réduire leurs dépenses et ainsi mieux équilibrer leurs budgets. Pour le transport, nous avons été globalement fidèles aux transports publics de base, y compris les minibus et taxis collectifs rustiques, qui partent sur les pistes quand c’est plein.

 

MALI

1-Bamako (étape de 2 jours/3 nuits) :

Avant d’atterrir à la capitale Bamako, le Niger apparaît comme un long serpent. Son joli nom en bambara est « djoliba » et signifie « fleuve rouge, fleuve sang », et aussi « fleuve abondant qui nourrit ». En vues aériennes, la silhouette impressionnante de la Banque des Etats d’Afrique de l’Ouest indique le * centre de la ville. L’accueil à Bamako fut contrasté, rude à l’aéroport avec un 36°C sur le tarmac, mais accueil surtout remarquable, avec de très riches échanges, au sein de la communauté des Frères du Sacré Cœur, au quartier Bako Djikoroni, sur la rive droite et tout près du fleuve. Cette congrégation, que j’ai bien connue au Burkina Faso, a vocation éducative, en particulier pour offrir une 2ème chance, et regroupe à Bamako une dizaine de Frères, enseignants, proviseur de lycée, principal de collège. Elle abrite également son provincial Donat Dena, responsable de la congrégation pour toute l’Afrique de l’Ouest.

* Dès la 1ère journée à Bamako, il a été possible d’initier un mini réseau en organisant une belle rencontre préméditée, avec Alain Ky Zerbo, responsable d’Eau Vive pour le Mali, Oumar Diabaté, vétérinaire et maraîcher bio, de « Terre et Humanisme » Mali, qui venait le jour même d’inaugurer la 1ère AMAP du Mali, et peut-être aussi d’Afrique de l’Ouest, et bien sûr la communauté des * Frères du Sacré Cœur avec René Sagara, proviseur de lycée et responsable de la communauté de Bamako. La question alimentaire étant un objectif très important de ce voyage, de nombreuses images « agricoles » rythment le diaporama avec des planches de culture alimentaire et la remise d’une douzaine de kits-cadeaux évoqués (ouvrage, revues et graines de semences de vie, associant donc l’éthique, les méthodes agro écologiques et le concret des semences de vie). Par ailleurs une soirée réunissant toute la communauté a été animée par mes soins, avec une initiation astronomique grâce à de belles images, initiation « aux merveilles du cosmos » et à la « création du monde », c’est-à-dire à l’environnement de notre planète et de notre humanité.

Ensuite départ de Bamako en bus pour Ségou, avec une attente toujours incertaine à la gare routière.

 

* 2-Ségou (une étape de 1,5 j/2 n) : une étape essentielle pour moi, espérée depuis longtemps « sur les traces de mon frère », puisque André, « Dédé », mon aîné de 14 mois, mon presque jumeau, a été enseignant-coopérant, à la Mission catholique de Ségou durant deux années scolaires, de septembre 1966 à juin 1968, il y a plus de 40 ans. Et, quelques années plus tard, hélas, en 1974, à 30 ans, il se tuait en deltaplane, en étant une des toutes premières victimes de cet * engin volant, il y a donc 35 ans. Cette étape se voulait « communion fraternelle » en m’immergeant dans un environnement qu’il avait fréquenté et beaucoup aimé et en essayant de retrouver des personnes qui l’avaient connu. Je disposais du courrier que nous échangions ainsi que de photos de lui à cette époque. Nous logions au Centre AB Gabriel Cissé, là où était jadis la Mission, à proximité de la Cathédrale. Nous * avons beaucoup flâné dans Ségou, au bord du Niger, nous avons aussi capté de magnifiques visages souriants dans les ruelles, nous avons traversé le fleuve, le djoliba en pinasse avec notre pilote Fah, pour aller à la rencontre des potières du village de Kalabougou. C’est là que l’ami Gigi a mangé son premier tô, rustique à souhait. C’est le repas de base, une pâte composée de farine de mil, la seule variable étant la sauce gluante qui lui donne goût : oseille, feuille de baobab ou autre. Il faut maintenant en venir à l’Essentiel,  j’ai eu la chance de retrouver 5/6 personnes qui avaient connu mon frère et ce furent des rencontres bouleversantes, surtout pour moi. Apprenant par ma voix, le décès de mon frère Dédé, j’ai reçu d’émouvantes condoléances, comme si cela venait juste d’arriver et je me suis retrouvé * dans le même état d’esprit qu’il y a 35 ans. Un ancien élève, disant et répétant à plusieurs reprises : quel dommage, quel dommage …Rudes et magnifiques moments, où je n’ai pu retenir * mes larmes. Merci pour ces partages de vie, à Jacqueline, Colette, Léopold, Firmin au téléphone, et puis Alain plus tard à San, et aussi Théophile que j’ai visité au retour en France. Merci pour vos sympathiques témoignages, merci aussi à tous ceux qui se sont associés à cette quête fraternelle : Josepha, Cyprien, Evariste,… J’étais persuadé que l’école, où mon frère avait enseigné, avait été détruite au moment de la construction du centre Gabriel Cissé où nous étions hébergés, et, la veille du départ de Ségou, j’ai appris qu’elle était toujours debout, tout à côté du stade, et j’ai donc pu, à 6h du matin, aller photographier ces salles de classe. Le gardien de nuit m’a, très gentiment, ouvert les salles qui n’avaient pas fondamentalement changé ces dernières dizaines d’années. Là aussi, cette visite, dans la paix du * petit matin, fut bouleversante, comme jamais je n’aurais pu * l’imaginer. Et, en quittant l’école, sur le stade voisin, une fillette portant un plat de poissons sur la tête, m’offrit un lumineux sourire esquissé. Après cette extraordinaire étape, qui, à elle seule, aurait justifié à mes yeux, un tel voyage, nous rejoignons ensuite, en ce dimanche matin, une des gares routières de Ségou pour poursuivre vers Dobwo et l’ami Emmanuel, avec une étape surprise à San. Nous utilisons les transports publics réguliers avec un horaire prévu, et un spectacle toujours renouvelé, dont je ne me lasse jamais : défilé des paysages de brousse, villages animés, mosquées … avec les petits commerces de survie à chaque arrêt.

 

* 2bis-San (1/2 j) : sur la route de Dobwo, une escale supplémentaire a été programmée à la * ville de San, car l’ordination d’un prêtre, le 135ème prêtre malien, Matthias Dabou, donne lieu à une grande fête et un immense repas collectif rassemblant une partie importante de l’Eglise famille du Mali, dans ce pays majoritairement musulman. Mon frère avait, quant à lui, assisté le 9 mars 1968, à l’ordination du 14ème prêtre malien, à Kolongo, Théophile Diallo, et m’avait longuement décrit cette belle journée. Le bus nous emmènera de Dobwo à San, juste à l’heure du repas. Trois des six évêques du Mali sont présents à San, notamment l’évêque dogon de Mopti que nous verrons à nouveau longuement plus tard. Et ce fut une occasion exceptionnelle d’échanger avec des jeunes, des clercs, des laïcs, des autorités, de retrouver l’ami Emmanuel, qui nous acheminera jusqu’à notre prochaine étape Dobwo, son champ d’action actuel.

 

* 3-Dobwo (1 j/2 n) : Pourquoi cette étape de Dobwo ? D’abord pour sacrifier à l‘amitié, puisque j’ai connu le Frère malien Emmanuel Dakouo des Frères du Sacré Coeur, qui avait la responsabilité du CAF de Toma au * Burkina, avant de prendre celle du CAF de Dobwo au Mali. Emmanuel est venu nous rendre visite dans les Pyrénées avec Laurent Mouchague, que j’ai eu la joie de mettre en relation avec lui. D’ailleurs la 37ème émission évoquait cette belle histoire au Mali et au Burkina Faso. J’avais donc vu des images de Dobwo, mais je n’imaginais pas du tout que c’était aussi important que cela, puisqu’en fait, il y a à la fois le CAF avec 187 collégiennes et collégiens, une école de catéchistes, où sont formés durant quatre années à temps plein, une dizaine de couples qui seront ensuite envoyés en mission dans les villages. Il y a également un juvénat pour préparer une trentaine de jeunes collégiennes à la vie religieuse, et de même un juvénat pour les garçons. Les terrains et installations représentent, je crois une quarantaine d’hectares, dont pas mal en cultures (maraîchages et arbres fruitiers donnant mangues, pamplemousses, oranges, citrons, bananes, dattes). Les images montrent clairement * que, comme je l’ai déjà exprimé, l’agriculture a une place très importante dans chaque structure éducative. 

Dès l’arrivée ce qui distingue Dobwo d’autres lieux, c’est qu’il y a profusion de chevaux au lieu des ânes habituels, qui tirent des carrioles tous usages qui sont souvent joliment décorées. Dobwo est un village qui fait partie de la commune de Bénana et de la paroisse de Mandiakuy, village natal d’Emmanuel. Parmi toutes nos étapes avec hébergement, c’est la seule où il n’y a ni réseau électrique, ni réseau téléphonique, ni internet bien sûr, par contre à certains endroits très précis, le téléphone portable de certains fournisseurs * fonctionne. Quant à l’eau, il y a forages et châteaux d’eau, et dispositif classique de filtrage d’eau pour les besoins de consommation. Personnellement, je n’ai presque pas fait attention à ces absences de réseaux de base, à cette frugale économie de moyens, dans la mesure, où j’ai trouvé, lors de ce voyage, qu’il y avait comme l’illustrent certaines images, beaucoup plus qu’avant des blocs « panneaux photovoltaïques accouplées à batteries en charge » et la * suite logique « batteries en décharge dans tubes néon », pour les usages nocturnes (par ex. devoirs du soir, repas,..). Il y a également des antennes paraboliques pour recevoir la télévision. 

Le lundi 8 décembre ici, c’est la tabaski, la grande fête musulmane du « mouton », commémorant le sacrifice d’Abraham. En fait tout le monde, musulmans, chrétiens, participent à la fête commune, sauf les pauvres moutons sacrifiés en la circonstance. Emmanuel nous emmène donc dans son village à Mandiakuy chez sa famille, voir sa maman, très vive pour son nombre conséquent de printemps. C’est toujours émouvant de voir des intellectuels de haute pointure et de grande humanité, comme Emmanuel, nous présenter leur papa et/ou leur maman, qui, le plus souvent, ne sont pas allés à l’école et ne parlent pas le français. Nous visitons l’église de Mandiakuy qui est l’une des plus grandes du Mali, pouvant contenir plus de 2000 personnes, avec deux tours de 50 m de haut en banco, et qui a 50 ans d’âge. C’est le Père blanc Verspieren, qui l’a bâti jadis, ce Père, expert en agronomie, est aussi connu pour avoir, il y a des dizaines d’années, créé, dans sa lutte contre la sécheresse, un village entier d’avant-garde, Teriya Bugu, situé entre Bla et San, un village avec école, dispensaire, pépinières, le tout fonctionnant grâce aux énergies renouvelables. L’aventure continue actuellement avec un centre de tourisme solidaire et de développement rural. Nous apprécions aussi à Mandiakuy de visiter les amis d’Emmanuel dans cette ambiance de fête fériée.

* A Dobwo, trois Frères forment la communauté des FSC Raphaël, Eric et Emmanuel. Trois Sœurs sont en charge du juvénat des jeunes filles, avec la responsable Sœur Augustine, également professeur de * français au CAF. Et, il y a aussi chapelles et église, avec de belles célébrations communautaires, qui m’étaient assez familières, et j’ai admiré la patience de Gigi, nettement moins habitué, mais qui en a également largement bénéficié… 

Quelques points forts à Dobwo : une lettre plaidoyer touchante du cuisinier Boniface, sollicitant une aide pour un orphelin qu’il élève avec ses enfants ; une belle soirée à la communauté avec connaissance réciproque, où nos familles étaient présentes, où Gigi a parlé de son milieu marseillais très modeste, et même pauvre, d’Armande et de Marius, ses parents, que j’ai bien connus et qui sont partis il y a déjà longtemps. Mon poème sur la « Fraternité », exprimé dans une précédente émission, était, à mes yeux, à l’unisson des sentiments ressentis dans cette lumineuse soirée de bonheur partagé, sur le même petit nuage. Le lendemain, reprise des cours pour tous après la fête, avec la traditionnelle montée du drapeau et l’hymne national. Ensuite, Emmanuel nous a invités à nous adresser l’un après l’autre, à tous les élèves et professeurs rassemblés : chacun, à sa façon, s’est présenté et a, me semble-t-il, su trouver les mots d’encouragement, de fraternité et d’humanité. Et puis, Emmanuel nous a conduit sur la route de Mopti, où, exceptionnellement sans aucune attente, nous avons immédiatement pris le bus public vers Mopti, Sévaré sa banlieue et le pays dogon.

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Le pays dogon se mérite, aussi pour y entrer  en musique je vous propose une nouvelle  pause musicale…

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4-Pays dogon (2,5 j/3 n ) : Pourquoi cette étape ? Tout simplement pour découvrir en direct cette fameuse culture dogon, qui a séduit dès son premier séjour en 1931, l’ethnologue Marcel Griaule, lequel l’a restitué en 1948, à sa façon, dans un ouvrage fondateur « Dieu d’eau ». Il s’agit d’un livre charnière dans l’ethnologie contemporaine, qui, et je cite, « redresse le regard de l’Européen, l’amène à voir l’autre, l’indigène, le primitif, comme le dépositaire d’une culture cohérente, en tous points comparable à celle du monde, dit développé… En fait il annonce et montre que l’esprit souffle dans toutes les têtes. Une leçon d’humilité qui n’a pas d’âge ». J’ai beaucoup lu, vu de nombreux reportages et diverses videos sur cette culture dogon. La falaise de Bandiagara, Sangha, sont longtemps restés pour moi des mots magiques et nous sommes dans le car qui nous emmène vers ce pays dogon.

* C’est l’ami burkinabè André Ouedraogo et son réseau « d’amis des amis », qui nous a mis en relation avec Jean Somboro, le vicaire général du diocèse malien de Mopti. Mais, suite à quelques difficultés téléphoniques, nous chercherons longuement en taxi l’évêché de Mopti, méconnu de tous, nous semble-t-il, avant d’y être très bien accueilli par l’évêque dogon Georges Fonghoro, que nous avions déjà salué à San. Nous avons alors appris qu’il aurait suffi de demander « le chef des chrétiens » pour que tout le monde nous indique immédiatement le lieu recherché. Nous échangeons sur notre voyage et rapidement, nous découvrons que nous avions un grand ami commun, récemment décédé, Mgr François Saint Macary, archevêque de Rennes, qui nous avait mariés et que l’évêque dogon avait sympathiquement visité toute une semaine en Bretagne, l’Ille et Vilaine et Mopti étant jumelés. Par hasard à nouveau, dans la * multitude de photos que j’emporte toujours, j’ai une photo de notre ami, que je lui offre ainsi que l’ouvrage « Manifeste pour la Terre et l’Humanisme » de Pierre Rabhi. Il a semble-t-il apprécié ces gestes. Le monde est vraiment petit. Que de hasards en pays dogon et ailleurs au cours de ce voyage. Einstein disait que le hasard, c’est « quand Dieu vient incognito sur terre », les chrétiens parlent aussi de « signes des temps ». Ensuite, nous allons nous installer pour quelques jours à la mission de Sévaré, * notre camp de base, à proximité immédiate de Mopti. Mopti, qui est quasiment une presqu’île, entourée d’eau. Mopti la « Venise malienne » au confluent du Bani et du Niger, appelée aussi la « ville du Poisson ». La communauté qui nous accueille, est composée de trois prêtres, dont Jean le vicaire général, un autre Jean stagiaire, futur prêtre et Abel Kassogué, qui sera notre guide en pays dogon. Nous prenons aussi contact avec l’antenne d’Eau Vive à Sévaré, et passons un moment avec son responsable Traoré Amadou, ainsi qu’avec Youssouf Dao.

 

Après une bonne nuit récupératrice à Sévaré et quelques photos matinales d’un gecko, du veilleur de nuit, de la repasseuse, de bougainvillés, de vaches à bosse, d’un lever de soleil, Abel nous entraîne à Mopti, cette Venise africaine, puis nous faisons route vers le cœur du pays dogon : Bandiagara qui nous accueille, à son * entrée, par un clin d’œil en affichant deux objectifs : autosuffisance alimentaire et maîtrise de l’eau, reliant ainsi le manger propre et local de « Terre et Humanisme » et le boire potable « d’Eau Vive ». Depuis l’époque de Marcel Griaule, des barrages ont été construits et la culture de l’oignon a été largement développée sur des planches à bordure en pierre, où le plus souvent la terre a été * rapportée, en provenance d’ailleurs. Il est surprenant de voir ces belles tâches de verdure, avec une intense agitation familiale pour l’arrosage et le ramassage. Nous entrons à Sangha par un arc de triomphe symbolique, à l’heure du marché. Abel nous y présente sa maman, qui vient à pied, tous les jours de marché, depuis son village natal de Tabitongo à une dizaine de kms. Avec Abel, nous avons un guide dogon extraordinaire, qui est sur le territoire de son ancienne paroisse, et nouvel hasard, en juillet 2008, il a assuré les remplacements du curé aux Vans en Ardèche, quasiment au siège de l’association « Terre et Humanisme ». Il a même visité l’église romane du XIIème siècle de Saint Julien du Serre, village cher à mon * cœur, village de mes vacances enfantines et de mes ancêtres maternels, village où reposent mes proches. Et nous avons, là aussi, à nouveau des connaissances et amis communs, notamment l’ami évêque François Blondel. Que le monde est vraiment petit !

Les paysages dogons sont saisissants avec la « falaise de Bandiagara », en grès ferrugineux, longue d’une * petite centaine de kilomètres et qui surplombe de quelques 300 à 400m, une plaine sablonneuse. Les dogons sont quelques 800 000 et habitent dans 289 villages construits au pied des falaises et aussi sur les éboulis. Ils sont arrivés en plusieurs vagues au 12ème et au 14ème siècle, et ont chassé les tellems qui habitaient dans des cavités à flanc de falaise et qui, eux-mêmes, avaient succédé aux prétellems, présents déjà à l’époque paléolithique. Les dogons utilisent les anciennes habitations des tellem, au long des falaises, comme caveaux pour leurs morts ; ils vont également, en jouant les acrobates, y chercher du guano, pour nourrir leurs terres. Les chefs religieux des village s’appellent les hogons, mais ils ont tendance à disparaître. Nous visitons le village d’Ireli, * avec ses togunas, qui sont les lieux où se réunissent les sages, lieux volontairement très bas de plafond, dissuadant ainsi les brutales gesticulations et toutes violences. Il existe des cases décorées d’animaux et de signes, selon les coutumes. Le grenier à mil, à la silhouette * caractéristique de chaque ethnie, est le trésor matériel de chaque famille, mais les vrais trésors, les productions les plus précieuses sont, dans la culture dogon, la Parole, le Verbe et aussi les enfants. En revenant vers Sévaré, sur une piste parfois hérissée de roches, où le passage au pas est vivement recommandé, nous voyons des tables de divination, où des tiges de mil plantées au milieu d’arachides éparpillées, sont piétinées la nuit par le renard roux, et permettent ainsi aux grands initiés, dans la tradition dogon, d’interpréter les signes visibles sur le sol. Puis le soleil se couche sur le plateau dogon, à l’heure où le paysan rejoint son village, l’outil sur les épaules. Et, nous aussi, nous * allons nous reposer avant une rude journée en perspective entre le Mali et le Burkina Faso.

 

C’est donc juste avant cette redoutable et mémorable transition entre le Mali et le Burkina Faso que notre 39ème émission va s’achever. A priori, le mois prochain, nous devrions nous retrouver au Burkina Faso où nous évoquerons aussi, comme je le disais en introduction, « l’après-voyage, les enseignements tirés, les suites, les multiples interventions prévisibles, etc… ». Mais le papy que je suis très heureux d’être, n’a pas la totale maîtrise de son emploi du temps. Ne soyez donc pas étonnés si, d’aventure, je n’étais pas au rendez-vous, cela signifierait très probablement que l’art d’être grand-père, m’accapare encore plus que je ne pensais, pour ma plus grande joie. Mais ce serait partie remise pour le mois d’après. Sur ce, je vous souhaite un très fraternel bonsoir. Et à bientôt.

 

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