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Une belle histoire au Burkina Faso

37ème émission le 3 juin 2008

 

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Bonjour à tous et bonjour à toutes. Précisons pour les nouveaux auditeurs que cette émission mensuelle, la 37ème, intitulée « Regards du Sud » veut élargir nos regards aux dimensions du monde. Et son sous-titre interrogatif exprime la tonalité générale « Comment construire tous ensemble un monde plus fraternel ? ».

Ce mois-ci, nous partirons vers l’Afrique de l’Ouest, le Burkina et le Mali, avec l’ami Laurent Mouchague, que nous saluons « Bonjour Laurent ». « Bonjour Jacques, bonjour à vous tous ».

 

µ Nous avons baptisé l’émission de ce mois « Une belle histoire au Burkina Faso », et il faut que je vous en dise un peu plus, avant de soumettre Laurent à mes amicales questions. Cet enregistrement s’effectue en haute montagne, à presque 3000 m d’altitude, puisque nous sommes tous les deux des bénévoles, des membres de l’association « Les Observateurs Associés » (OA), en mission d’observation solaire, aux coronographes du Pic du Midi de Bigorre. Et c’est ici même au Pic du Midi, qu’il y a 2/3 ans, je crois, lors d’une précédente mission commune, j’ai contaminé Laurent, en lui inoculant le virus de l’Afrique, quelque 20 ans après ma propre contamination. Cette émission est donc pour moi, et pour nous, j’en suis sûr, un grand bonheur, une belle tranche de vie africaine que nous voulons faire partager aux auditeurs.

 

Laurent, la 1ère question s’impose, pourrais-tu dire aux auditeurs, qui est Laurent ?

µ Oui, alors c’est une grande question, mais Laurent il a 45 ans, vit à Toulouse, simple, pas très  compliqué, cherche à faire beaucoup de choses dans ce domaine-là, au niveau de l’humanisme, et puis, bien sûr, une passion : l’astronomie ; un travail, je suis électricien et beaucoup plus encore, si on peut vouloir ce que l’on peut faire dans ce monde.

Et est-ce que tu peux nous parler de ton caractère ? Es-tu plutôt, de nature, fonceur ou calme ?

Plutôt fonceur, calme : ce n’est pas moi. Je suis un hyper actif.

Et également dans la dualité plutôt un intello, ou plutôt un manuel ?

Plutôt un manuel. Bon, Laurent, oui, tu ne m’étonnes pas dans tes réponses !

 

Laurent, j’ai commencé un peu à en parler, quelle est l’origine de ton voyage, µ de tes voyages ? Quels en ont été les éléments déclencheurs ?

Alors, on peut peut-être commencer par le premier voyage. Déjà pourquoi ? C’est simple, c’est que j’étais parti sur une base, au début, c’était sur Toulouse de vouloir aider dans une grande cité, aider tous ces jeunes en difficulté qui ne voyaient pas du µ tout les vacances, puisqu’ils étaient refoulés dans leur cité. J’ai essayé de monter un petit programme pour leur faire connaître l’informatique et tout ce qui s’en suit. Cà s’est pas très bien passé au niveau des autorités municipales, on se substitue aux associations existantes qui, elles, déjà n’ont pas beaucoup de moyens. Et donc, j’ai été un petit peu refoulé, çà m’a un petit peu vexé, du coup, mon projet était un peu tombé à l’eau. Effectivement, comme on disait il y a trois ans et demi à peu près, on était tous les deux en mission, je crois, c’était çà et on avait discuté de divers projets humanitaires, où tu avais fait l’Afrique. Effectivement çà m’avait un petit peu tenté et j’ai trouvé cette solution agréable, donc, du coup, j’ai soumis le même projet, un peu modifié à ces organismes à Toulouse et finalement, dans le cadre de la coopération française en Afrique, j’ai eu toutes les aides possibles. Voilà le début.

 

C’est vrai, je me souviens qu’on en avait longuement discuté et, depuis, je crois, Laurent, que tu as effectué deux voyages et même un troisième µ aller-retour très rapide. Laurent, pourrais tu nous dire pourquoi, cet intérêt, cet engagement, cette passion pour l’Afrique, le Burkina Faso, le Mali ?

L’Afrique, c’est déjà parce que c’est un continent, où les gens sont humains, ceux sont des gens beaucoup plus près de la µ réalité que nous, nous le sommes. Aujourd’hui on vit dans une société de consommation, qui n’est pas du tout adaptée, je trouve, par rapport à ce que nous, nous pouvons vouloir. Eux, ils n’ont pas cette société de consommation, tout au moins très petite, une société de consommation très, très petite, donc ils sont très friands et ont très envie de connaître, la connaissance et l’envie d’apprendre. L’Afrique, c’est aussi parce que c’est un pays qui a été colonisé par la France, le Burkina Faso, l’ancienne Haute-Volta et donc, ils parlent français et je ne parle pas anglais. Donc, finalement, cela me va très bien et puis je m’aperçois que finalement on revient dans un berceau, on revient dans le berceau de l’Humanité. Tu me rajeunis Laurent, ma première émission, c’était aussi un voyage au Burkina Faso que j’avais effectué et j’avais les mêmes arguments que toi, la facilité de la langue, le français, et également un retour au berceau de notre Humanité.

 

Alors, Laurent, je crois que maintenant on va parler de tes voyages, je disais que tu µ en avais  effectué deux, et même un 3ème en coup de vent, si on peut dire. Quels étaient les motivations et les objectifs de ces voyages ? On peut les passer en revue. Alors le premier ?

Le premier voyage, en fait c’était déjà la connaissance des gens, donc il fallait que je fasse connaissance avec une Congrégation, ceux sont les Frères du Sacré-Cœur. J’ai fait connaissance avec eux, ils sont d’ailleurs les seuls au Burkina µ dans cette ville de Toma, où il y a un Centre d’Animation et de Formation, un CAF. C’est vraiment à 200 km en pleine brousse, par rapport à Ouagadougou, la capitale. Et ceux sont des gens, qui aujourd’hui arrivent à faire quelque chose de très utile et qui est reconnu par les autorités africaines. Il faut dire que les Frères du Sacré-Cœur sont nombreux en Afrique, dans une quinzaine de pays, dont le Burkina Faso. C’est une association, une Congrégation qui est née en 1821, donc qui a, à peu près, 187 ans, donc ce sont des gens qui sont bien ancrés dans leurs idées. Leurs idées premières, ils dirigent des écoles, c’est l’éducation, diriger des écoles, diriger des lycées, des orphelinats, y compris des instituts de sourds et muets. Donc la première base, c’est la connaissance, et après, ils sont partis sur une autre idée que je développe aujourd’hui énormément, c’était de développer des métiers adaptés à leurs besoins, et, bien sûr, avec tout ce que çà concerne au niveau des problèmes de ce côté-là.

 

Oui Laurent, je vois le professionnel qui va tout de suite au métier, mais avant d’en arriver là, je voudrais quand µ même parler un peu plus de Toma. Si tu veux, je vais en dire quelques mots, effectivement quand on en a parlé, je t’ai donné toutes mes coordonnées, car j’avais lancé depuis 15 ans des projets à Toma, et c’est vrai que tu as bénéficié et je vois que tu as fait fructifier les contacts que je t’avais donnés. Et c’est vrai que, parmi ces contacts, il y avait les Frères du Sacré-Cœur, qui, µ je peux le rappeler, en l’espace de très peu de temps, s’appuyant sur quelques forages, avaient fait un travail énorme. Et donc Toma, en pays « samo », est à quelques 200km au NW de Ouagadougou, c’était un village qui avait 7000 habitants quand j’y suis allé la première fois en 1993, il y a 15 ans, et qui, maintenant est à 15/16000 habitants. Voilà pourquoi Toma, voilà pourquoi les Frères du Sacré-Cœur et on va, bien sûr, beaucoup parler du professionnel et de ce projet magnifique que tu as pris à bras-le-corps, mais d’abord la préparation d’un voyage est toujours importante. Est-ce que tu peux, avant d’entrer dans ton domaine tout particulier, est-ce que tu peux nous parler µ de la préparation de ce voyage ?

La préparation du voyage, c’est une préparation comme tout voyage qu’on pourrait faire. On passe tous par des piqûres déjà, on passe déjà par tout ce qui est sanitaire, après on a, bien sûr, toutes les autorisations à faire, et tout ce qui est préparation personnelle aussi, c’est-à-dire se préparer ses petites affaires, ne pas emmener tout ce qui est superflu, bien sûr c’est difficile, le 1er voyage est très difficile, parce que on ne sait pas trop quoi emmener finalement au bout du compte, et puis on emmène beaucoup plus qu’il n’en faut. On ne sait plus trop quoi en faire, d’ailleurs on en laisse la moitié là-bas, quand on repart. Et puis, finalement quand on part la 2ème fois, la préparation du voyage est beaucoup plus étoffée et beaucoup mieux préparée parce qu’on sait vraiment de quoi on a besoin. Donc la préparation du voyage pour le 1er est comme tout voyage, mais après on s’aperçoit µ qu’il faut assainir ou améliorer suivant où on va. Moi je vais pratiquement toujours au même endroit, donc je m’améliore chaque fois de mieux en mieux.

 

C’est sûr, et également dans la préparation, il y a le contact avec les personnes là-bas et je me souviens d’une µ petite anecdote, tu envoyais des mails là où il y avait Internet, et je te trouvais très surpris 48h après, en me disant « J’ai envoyé un mail et je n’ai pas eu de réponse ». Je t’ai dit : mais attends un petit peu Laurent, il faut connaître l’Afrique, ce n’est pas tout à fait le même rythme. Voilà, c’est vrai qu’il y a eu un certain nombre d’anecdotes comme çà. Et bon, maintenant, pas de problème.

Ah, çà c’est clair. C’est vrai qu’avant, c’était trois semaines à un mois avant d’avoir une réponse, aujourd’hui, bien sûr, on a réussi à pallier ces problèmes parce que, dans Toma maintenant, le CAF a une parabole Internet, ce qui veut dire qu’actuellement, c’est pas plus vieux qu’hier, j’ai envoyé des messages, j’ai eu des réponses dans les dix minutes qui ont suivi. C’est vrai qu’on en parlait, c’est une énorme avancée, mais il y a d’autres anecdotes comme çà, qui sont assez rigolotes.

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Oui, le CAFT, c’est le Centre d’Animation et de Formation de Toma. Et puis, on en avait parlé avec Laurent, il est allé à Toma quand il y a eu l’électricité parce qu’il y est allé pour informatiser, il va nous en parler et il a fait un gros boulot, mais en fait, au départ, il n’y avait pas du tout l’électricité, c’est-à-dire qu’il y est allé très peu de temps après l’électrification de Toma, qui est quand même un des chefs-lieux d’une des quarante-cinq provinces du Burkina Faso, c’est pas une ville quelconque, c’est une capitale locale. C’est donc à Toma, capitale de la province du Nayala, que je vous propose, tout de suite, de faire une première pause musicale.

 

Maintenant, nous allons nous arrêter un peu plus longuement sur ces projets au Burkina Faso, et ensuite

µ au Mali ? Commençons par le Burkina avec le premier projet et l’informatisation.

C’est toujours le même projet, mais au départ, c’était de pouvoir arriver dans ce collège, un collège qui est, quand même, assez conséquent, c’est 425 élèves, 450 élèves. Aujourd’hui, c’est un collège qui part de la 6ème à la 3ème et on a créé, j’ai réussi à créer un centre de documentation et d’information informatique, donc dedans on a tout ce qu’on peut avoir dans un CDI, on va dire, beaucoup plus petit µ qu’un collège en France. On a réussi çà avec une dizaine d’ordinateurs, de très basse qualité, mais bon, çà suffisait pour faire ce qu’on avait à faire. Le courant électrique, effectivement, on en parlait, c’était très important parce que sans çà, c’était très difficile, on avait des coupures de courant au départ toutes les heures ou toutes les deux heures, c’était pas évident de mettre en place ce genre de classes, donc j’ai créé deux classes, une préparatoire pour apprendre Word, Excel, tout ce genre de choses, puisque, à la base, ils avaient une classe dactylographie, qui, aujourd’hui, se transforme donc avec l’ordinateur, donc çà a très bien marché, çà s’est très bien développé, et j’étais parti dans l’idée pour apprendre à dépanner les ordinateurs, parce que çà devient crucial, il n’y avait personne. Tous les ordinateurs qui sont tombés en panne, entre-temps, sont restés sans dépannage puisque je ne pouvais pas être au four et au moulin. Mais finalement, µ les élections cantonales et municipales étaient en cours, et donc, je n’avais pas tous les appuis nécessaires, j’ai pas pu avoir tout ce que je voulais, donc le 1er projet n’a pas été mené à fond, vraiment à fond, mais on va dire qu’avec Internet qui est ensuite arrivé, on a pu développer un peu plus le projet. J’étais rentré un petit peu vexé parce que je n’ai pas pu faire tout ce que j’aurais voulu. Mais ce ne fût que partie remise puisque ensuite, je suis reparti l’année dernière avec pas mal de matériel. J’ai emmené mon matériel là-bas, donc tout est bien reparti et cette année, bien sûr, en avril 2008, on a fait un gros travail avec un très gros projet supplémentaire.

 

Laurent, tu disais que le premier voyage n’était pas à la hauteur de ce que tu espérais, mais quand même il y avait combien d’ordinateurs avant et après ?

Mais avant, c’était 3 ou 4 ordinateurs qui ne marchaient pas, disons, et quand je suis parti, il y en avait une quinzaine.

Donc, je crois que ce que tu exprimes, c’est le constat que font toutes les personnes qui vont avec plein de bonne volonté et de compétences là-bas, çà ne va pas aussi vite que ce qu’on µ souhaiterait. C’est l’Afrique. Voilà, c’est l’Afrique et il faut tenir compte de cela.

 

 

 Laurent, alors ce 1er voyage, je reste quand même encore un peu sur le 1er voyage, parce qu’un 1er voyage est µ toujours important. C’était ta découverte de l’Afrique et il y a plein d’enseignements que l’on tire lors d’un premier voyage ; alors est-ce que tu peux faire un bilan de ce 1er  voyage ?

Ce bilan, oui, c’est un gros bilan. Déjà, dès le départ, quand on arrive dans ce genre de petite ville, on se rend bien compte qu’on a beaucoup de choses à faire. Il y a tellement de choses, qu’on ne peut pas tout faire, çà c’est clair. Je ne suis pas tout seul, je sais qu’il y a quelques associations autour de nous, qui oeuvrent de ce côté-là ; du côté de ce que je fais, il n’y a pas beaucoup de gens, effectivement, je fais partie des seuls. Par contre dans ce Centre d’Animation et de Formation, il y a quand même beaucoup de coopérants qui viennent pour donner des cours de français, des cours d’anglais, de rattrapage. Ce qui m’a beaucoup marqué, ce sont ces jeunes qui ont une envie d’apprendre, ils commencent le matin à 7h, finissent à midi et demi, le repas, ils vont se reposer jusque vers 3 h et demi par là, parce qu’il fait très chaud, et très chaud, c’est pas facile pour travailler, ils reprennent les cours vers 4h, finissent vers 6h et demi et ils sont encore le soir dehors sur des tableaux, tous, en train de se faire expliquer ce qu’ils n’ont pas compris dans la journée, des fois jusqu’à minuit, le soir. Cà, µ en France, je n’ai jamais vu çà. Donc, je trouve qu’ils ont une force et une volonté énorme, ce qui, moi, m’a permis de me dire qu’il faut que je donne, il y a de quoi donner ; si eux ils donnent, pourquoi ne pas donner. Donc effectivement, ils méritent çà, donc je me suis investi au départ  énormément. Par rapport au pouvoir que je pouvais avoir, je n’ai pas pu faire tout ce que je voulais, mais je me suis beaucoup investi, notamment sur l’extérieur du CAF aussi. J’ai essayé de voir ce qui se passait dans le dispensaire, là j’ai été très surpris aussi, rien du tout voilà. Il y avait rien, même pas un thermomètre, il a fallu que je donne le mien ce jour-là, j’avais un thermomètre dans mon sac. Manque de tout, pour une ville qui avait le courant, où le courant arrive, les trucs primordiaux manquaient, donc je me suis un peu investi de ce côté-là aussi, sur un côté, pas médicaments, mais un côté matériel médical, donc j’ai beaucoup de gens qui m’ont aidé de ce côté-là. La première année, çà était un constat, plus qu’une réussite, j’ai constaté, j’ai fait quelques trucs, çà a bien avancé. Voilà un petit peu le bilan.

 

Parle nous aussi du Centre des Handicapés ?

µ Oui, j’ai connu une dame qui était vraiment phénoménale, c’est Sœur Perpétue, qui est une dame, vraiment, d’un courage exceptionnel. On ne va pas dire toute seule parce qu’elles sont deux, je crois, ou trois, mais elle ont un courage phénoménal pour pouvoir aider tous ces gens qui n’ont pas d’argent pour se payer les hôpitaux, ou les cliniques, ou tout ce qui s’en suit …il n’y a pas de sécurité sociale, il n’y a rien, il faut se débrouiller, il n’y a rien, tous ces gens qui sont handicapés, et là, c’est impressionnant le travail qui a été fait en très peu de temps, notamment je crois que Jacques, aussi avec le jumelage, vous aviez créé ce centre. On ne l’avait pas créé, mais on avait adapté, on avait construit des bâtiments, etc., on avait poussé un peu pour l’artisanat des handicapés, on avait fait, mais il faut µ toujours reprendre. Cela fait 15 ans, cela avait duré un certain temps, mais il faut toujours revenir aux fondamentaux.

 

Alors Laurent, au niveau des familles, tu as eu l’occasion de connaître un µ certain nombre de familles, il faut quand même parler des habitants et des habitantes de Toma, les Tomalo et les Tomagui (si mes souvenirs de langage samo sont bons ?) parce qu’à Toma, il y a quand même la réputation de faire un excellent dolo, qui est une bière de mil. Alors on dit qu’à Toma, ce sont les meilleures dolotières du Burkina. Laurent tu n’as peut-être pas d’éléments de comparaison, mais parle-nous des familles.

Déjà pour le dolo, c’est peut-être vrai, parce que je pense que le soir, c’est la fête, disons qu’ils n’ont que çà, ils n’ont pas d’argent mais ils ont au moins cette chose le soir qu’ils sont tous ensemble dans les rues, sachant qu’il n’y a pas beaucoup de lumière, il y a une lumière ou deux en centre-ville qui éclaire un petit peu. Et effectivement, le soir, c’est un peu la fête car µ les gens n’ont que çà, ils n’ont pas de travail, ils n’ont pas tout çà, par contre les familles, ce sont des gens qui sont vraiment accueillants, ce sont des familles où il y a parfois 20 ou 30 personnes dans une maison. Ils vous donneraient leur chemise, vous leur rendez service, ils vous le rendent en dix fois plus. C’est vraiment phénoménal pour des gens qui n’ont pas de ressources, ils n’ont aucune ressource, ils vous donneraient à manger si, vraiment, ils vous estiment au plus haut, ils vont se priver de manger pour vous. Les familles sont vraiment gentilles, ils m’ont très bien accueilli tous. Je connais pas mal de gens µ aujourd’hui et pas mal de familles, où les enfants, je les aide, forcément, puisqu’une bonne partie de ces enfants sont au Centre d’Animation et de Formation, à ce collège. Bien sûr, il y a une très grande école et un autre collège, le lycée provincial qui, lui, recense quand même plus de 1000 élèves. Mais ce n’est pas la même chose. Le CAF a été créé dans l’idée d’aider ces enfants, qui, en fait, suivent un système formel et puis, un jour, ils ne peuvent plus prétendre rester dans un lycée provincial, parce que c’est très difficile, la sélection est très dure et il faut avoir beaucoup d’argent. Ce n’est pas comme en France, en France on dit que l’école est gratuite, certes, mais elle n’est pas aussi gratuite qu’on le croit au fond du compte, car il faut bien payer ses professeurs ou autre chose, les cahiers. Là-bas, c’est payant, une famille qui ne travaille pas, çà lui coûte en équivalents euro, 150 € par an. Sachant que, si quelqu’un travaille dans une famille, à plein temps, ce qui est quasiment impossible, le SMIG est à un euro par jour.

C’est sûr que ce n’est pas facile, le Burkina étant un des pays les plus pauvres de la planète, selon l’indicateur IDH, Indicateur de Développement Humain. Il est en 4ème position, en commençant par la fin, le Mali étant en 3ème position.

 

Laurent, nous enregistrons cette émission au Pic du Midi de Bigorre, µ lieu mythique de l’astronomie,… µ l’astronomie, alors l’astronomie au Burkina ?

Ah l’astronomie au Burkina, c’est un très beau ciel. Le ciel austral, j’ai été un peu surpris là aussi, même moi, je n’avais jamais vu ce ciel austral. On en a toujours parlé, moi j’étais toujours du côté boréal, notre Grande Ourse et compagnie… Effectivement ce ciel est très beau, magnifique, très pur bien sûr, pas pollué par la lumière. Donc des millions d’étoiles, des milliards et on ne sait même plus comment regarder, on a même du mal à se repérer dans le ciel. Quoiqu’il en soit, l’astronomie a été très bien prise quand je suis arrivé, parce que, bien sûr, le virus astronomique, il a fallu que je le partage aussi. Alors le soir, c’étaient des petites anecdotes, combien de fois le soir, j’ai pris mes jumelles ou je prenais un cahier avec ma petite lumière et je me mettais au plein milieu des cours le soir, et puis je commençais à regarder les étoiles, je m’éclairais les étoiles avec mon petit faisceau laser et puis les enfants, petit à petit, venaient, venaient me voir et puis ils me demandaient ce que je faisais. Et puis, ce n’est pas qu’ils ne se sont jamais intéressés au ciel, mais ils ont toujours eu peur d’en parler, parce que, pour eux, µ ce sont presque des mythes, les étoiles. Alors, du coup, on a commencé à en parler et puis, petit à petit, le soir, il y a des gens qui venaient me voir et on passait des soirées, tous assis par terre dans le noir, à regarder les étoiles et puis, les enfants qui me demandaient ce que c’étaient. Alors moi aussi, qui ne connaissait pas trop le ciel austral, il a fallu que je me procure des cartes. Le ciel austral, on est toujours quand même dans l’hémisphère nord mais on va très loin vers l’austral puisqu’on est à Toma, à peu près, à 11° de latitude Nord.

 

Maintenant, au niveau de ce premier voyage, il n’y a pas eu seulement le µ Burkina, il y a eu le Mali aussi. Alors pourquoi le Mali ?

Le Mali est une base pour les Frères du Sacré Cœur, où ils ont quand même trois grands CAF, Centres d’Animation et de Formation, on va dire, un le plus gros à Bamako, un à la ville de San et un, à côté de Tominian à Dobwo. C’est là, au premier voyage, en allant au Mali, on s’est arrêté à Dobwo pour aller voir des amis à nous, enfin, plus à eux qu’à moi, et j’ai connu ces gens-là, donc d’autres Frères du Sacré-Cœur et c’était pour des funérailles et on m’avait invité. Il fallait que je vois le Mali, j’ai toujours rêvé aussi d’aller au Mali parce que le Mali pour moi, c’est une chose, musicalement que j’aime beaucoup. Effectivement j’ai été un peu surpris aussi par cette pauvreté au Mali, mais pareil, des gens fabuleux, des gens vraiment magnifiques. Et, arrivés à Dobwo, il y avait ce CAF tout petit, 120 élèves en gros, et un directeur très gentil, un malien aussi qui aujourd’hui est à Bamako. Voilà je suis arrivé là et j’ai connu cette école. Quand j’ai vu cette école, elle avait plus de 30 ans, tout était à refaire mais tout est détruit, c’est pas saccagé, c’est usé par le temps, tout est à refaire, l’internat filles et garçons, on se demande en France, personne n’accepterait çà et pourtant ils le vivent, ils se lavent tous les jours comme au Burkina avec des seaux d’eau.

 

µ Laurent, à partir de cette situation à Dobwo, quels sont les µ projets envisagés ?

Je me suis bien informé par rapport à tout çà pour savoir exactement les besoins qu’ils avaient, ces besoins-là, on a fait un cahier avec dedans tous les besoins. Je me suis aperçu qu’il y avait quelques besoins rapides, donc j’en ai pris acte. Je pense que çà sera aussi un pont entre Toma et le Mali, parce que la première des choses qu’il faudra faire, c’est amener le courant, déjà le courant et le téléphone parce qu’ils n’ont pas de téléphone, pas de courant. Le but premier est là, et le deuxième, ce sera, très rapide aussi, ce sera de fabriquer des douches et des WC avec un château d’eau et une pompe à eau assez rapidement pour qu’ils puissent se doucher dans des conditions moins précaires.

 

Laurent, tu ne l’as peut-être pas dit, mais c’est quoi le lien entre Toma et Dobwo ?

µ µ Le lien, qu’il y a maintenant, c’est que le directeur du Centre de Toma sur mon premier voyage, le frère Emmanuel est aujourd’hui directeur du Centre à Dobwo, donc effectivement le lien est de plus en plus fort, d’autant plus que maintenant, on est carrément associés dans cette histoire. Le nouveau directeur du Centre de Toma, le frère Jean-Baptiste, est d’accord aussi, donc on est tous ensemble dans la même galère et on va moderniser ce centre aussi petit à petit. Quant il y aura le courant, y apporter un ordinateur ou deux, commencer à faire un centre, et quand ce centre sera fait, si on peut avoir Internet, on pourra avoir une composante entre élèves, qui puissent au moins se connaître et parler entre eux, et entre classes et entre écoles : un échange parfait.

 

Eh bien Laurent, je te propose de revenir à Toma et d’évoquer le projet, parce qu’en fait, moi j’ai lu avec beaucoup µ d’attention, le dossier de financement essentiellement, qui a été bâti, et je m’aperçois que, parmi les responsables de l’organisation de ce Centre, il y a quatre personnes, il y en a trois, trois frères noirs et puis, il y a un blanc, formateur animateur Laurent Mouchague. De fait, je l’ai lu à deux fois, j’ai bien regardé, tu es l’un des responsables de ce collège pour un certain projet et c’est ce projet qu’il serait intéressant que tu développes.

Donc, par rapport au premier projet, le but, c’était de pouvoir essayer de donner un travail à certains, de leur montrer qu’il était possible de dépanner des ordinateurs sur place, succinctement bien sûr, pas très professionnellement, mais, par contre, actuellement, le projet est bien avancé puisque nous en sommes aux financements. Je vais monter un bâtiment avec des salles de classes, pour pouvoir faire ce qu’était, à l’origine le CAF, un Centre d’Animation et de Formation. Cela s’était perdu de vue, puisque il s’était focalisé sur le collégial, tout ce qui est collège et avait délaissé un petit peu le côté formation. Donc, je réactualise çà, tout seul à la base, mais aidé aussi par les Frères puisqu’ils seront aussi mes aides précieux puisque ce seront aussi les professeurs de français et d’enseignement général, et je vais monter ces µ classes de formation pour l’électricité, c’est-à-dire, comme l’électricité est à Toma depuis peu, on va pouvoir commencer à leur montrer le métier d’électricien, pour qu’ils puissent rentrer dans des entreprises parce que la demande est très forte et surtout sur la réparation d’ordinateurs mécaniquement, on va dire, les premiers secours pour éviter justement, que des petites entreprises qui démarrent avec des petits ordinateurs, soient bloquées pour des factures ou tout ce qui s’en suit, çà arrive et ils n’ont personne pour réparer et des µ fois, il faut entre sept et huit mois avant qu’il y ait un premier dépannage qui se passe et çà coûte très cher, donc on peut faire çà. Cette école, ce n’est pas un CFA, ce n’est pas un Centre de Formation des Apprentis, mais çà sera basé sur ce fait-là. Cà sera un Centre de Formation avec au bout, à la clé, une attestation de formation qui sera reconnue par l’Etat burkinabé. Alors le comment du pourquoi, c’est pas facile, il a fallu que je me batte, j’ai beaucoup écrit aux ministères, que ce soit du Travail, de l’Education Nationale, beaucoup de gens à voir, des maires,…beaucoup de monde, tous ces gens sont prêts aujourd’hui à m’appuyer parce que je rentre dans le cadre de la réforme qu’ils ont entreprise, une réforme scolaire. Donc, je rentre dedans, et, à partir de là, ils sont prêts à m’aider donc, en fait, on sera un des premiers Centres en Afrique, où on va pouvoir démarrer ce genre de projet. au Burkina du moins, Burkina, Mali. Oui, Burkina, Mali, ce sera, une première on va dire, ce sont des jeunes qui ne peuvent pas continuer le cycle scolaire classique, que l’on accompagne pour éviter qu’ils finissent bien sûr, dans la rue ou à rien faire, autant essayer de voir si on ne peut pas leur apprendre un petit métier. Donc, nous, on propose çà. C’est sur cette belle proposition de Laurent, qu’à mon tour, je vous propose une ultime pause musicale.

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Laurent, avant d’entrer un peu plus en détail dans le projet, et à ce stade de l’émission, je voudrais apporter quelques précisions. D’abord, il est possible maintenant d’écouter cette émission de Radio Voix du Béarn, en direct par Internet, presque partout dans le monde, et il n’est pas exclu qu’au Centre d’animation et de Formation de Toma, cette émission soit reçue en direct, nous le saurons très bientôt. Aussi nous avons beaucoup de joie et d’émotion tous les deux, à saluer, peut-être, en quasi direct tous les jeunes du CAFT, et puis bien sûr, l’ami, le frère Dakouo Emmanuel, ancien responsable du CAFT de Toma, maintenant responsable du CAF de Dobwo au Mali, à l’origine de ce projet, et aussi le nouveau responsable du CAF de Toma, le frère Ouedraogo Yabré Jean-Baptiste. µ Probablement aussi qu’en Ardèche, à la maison de retraite du Charnivet, chère à mon cœur et où nous avons déjà fait une belle émission, certains sont à l’écoute, je pense en particulier au dynamique et courageux animateur, l’ami Guy Michel que je salue aussi. Laurent, tu as joué un grand rôle dans l’informatisation de Toma, et ce projet a bénéficié de l’appui de partenaires. La salle cyber implantée à Toma dans les locaux du CAFT, est aussi un des centres µ africains appelés centre ADEN, qui signifie « Appui au DEsenclavement Numérique ». Le réseau Aden est un grand réseau, couvrant une quinzaine de pays africains, et c’est un projet du Ministère Français des Affaires Etrangères pour le désenclavement numérique. Le centre Aden de Toma est né de la coopération entre le CAFT des Frères du Sacré Cœur et l’Ambassade de France au Burkina Faso. Laurent, avant de résumer ce que j’ai compris  du projet en cours, je signale aux auditeurs qui souhaiteraient avoir tes coordonnées, qu’il suffit de se rapprocher de « Radio Voix du Béarn », qui fera la jonction avec moi.

 

Alors ce projet, je crois quand on en parlait, tu m’évoquais que c’était sur µ deux ans, qu’il y avait une vingtaine d’élèves à chaque fois, que c’était à la sortie autour de le 6ème, 5ème, 5ème en fait, et puis l’idée, c’est que, au-delà de Toma, avec l’association des Frères du Sacré-Cœur, l’idée, c’était qu’a partir de là, il y ait une grande extension ailleurs, et au-delà même de l’électricité et de l’informatique, alors, est-ce que tu peux développer ce µ sujet ?

On va faire çà rapidement. C’est tout simple, c’est que, au bout de deux ans de fonctionnement, moi, j’y serai quand même assez activement sur place, puisque je serai formateur. Oui, mais alors, activement çà veut dire quoi ? Tu y seras combien de temps ? A peu près huit mois dans l’année. Il me restera un petit peu de temps pour faire un peu d’astronomie. Je viendrais bien sûr au Pic, surtout je ne veux pas rater çà. Je serai formateur et animateur, donc je vais piloter ce projet et effectivement, au bout de deux ans, au bout de trois ans on va dire, on va essayer de faire une synthèse de tout çà, voir les réussites. Et, à mon avis, ce devrait être µ assez bien, et suivant les réussites et les taux de réussite, le projet va probablement grossir dans de nombreux centres CAF d’Afrique, notamment d’abord au Mali, et après, çà partira sûrement, c’est ce qui est prévu si vraiment çà fonctionne très bien, tout le monde a foi en çà, donc ce sera aussi, peut-être, dans d’autres pays africains. Mais je ne pourrais pas être partout à la fois, donc il va falloir former des gens aussi pour tout çà.

 

Bien, merci Laurent, je suis sûr que tu as certainement des questions que tu aurais aimé que je te pose et que je ne t’ai pas posée. Pendant que tu réfléchis, je voudrais dire juste un petit mot au sujet de Toma. C’est vrai que Toma, j’y avais lancé un jumelage dans les années 1991 avec Clapiers, près de Montpellier : l’« Association Jumelage Toma », nous étions donc les « agités » (AJT), j’ai donc fait quelques voyages à Toma en 93, en 98, en 2004, au Mali en 2006, et je retourne en principe en décembre 2008 à Toma et aussi au Mali. J’ai un plaisir énorme à entendre Laurent évoquer ses projets parce qu’en fait, c’est la continuité, et, autant au départ, je l’ai µ initié à l’Afrique, d’ailleurs il y a eu aussi quelques autres personnes que j’ai initiées à l’Afrique, et maintenant, je vois avec plaisir que c’est lui qui va m’initier à Dobwo au Mali. Je dirais également que j’y suis très sensible et que j’apprécie beaucoup parce que, à Dobwo, j’ai lancé aussi avec le frère µ Emmanuel, et, en appui de ce que fait Laurent, une relation de connaissance et d’amitié entre la maison de retraite du Charnivet où était mon père, qui a été sa dernière maison, et puis Dobwo, le collège de Dobwo. Périodiquement, j’y fais des petites interventions pour parler du pays, montrer des images et raconter l’évolution du projet et il y a énormément d’écoute et de sympathie dans cette modeste relation en construction. Et, c’est vrai que là, Laurent est revenu en avril du Mali et du Burkina, et donc, il m’a emmené pas mal d’images que je présenterai en Ardèche  dès la fin du mois de juin, et puis, probablement, après mon voyage de décembre prochain, une autre intervention suivra. Voilà, alors Laurent, il y a des choses, peut-être, que tu souhaitais dire, que tu aurais voulu dire et je ne t’ai pas posé, peut-être, les bonnes questions, je ne sais pas.

Non, mais par contre ce que l’on peut dire, c’est que je suis en train de recréer une autre association personnelle pour pouvoir µ aider les jeunes à pouvoir continuer l’école. C’est-à-dire, on peut parrainer un enfant, avec les moyens du bord, sachant qu’il leur faut un temps pour faire une µ année scolaire. Si vous voulez mes coordonnées, Jacques vous a conseillé d’appeler radio Voix du Béarn, qui fera le lien avec lui, pour arriver jusqu’à moi. Vous pouvez ainsi très bien me contacter. On peut parrainer des enfants, et, bien sûr, ces enfants, c’est pas les parrainer n’importe comment, ce sera suivi, vous aurez des résultats des élèves, avec des lettres toute l’année, tout çà, c’est très bien suivi, et éventuellement au bout des deux ou trois années scolaires, il pourra y avoir un voyage à la clé, je pense que çà vaut peut-être le coup, mais, comme je le dis, il n’y a pas que là-bas à aider les enfants, il y a aussi en France à aider les enfants, mais c’est une chose que je voulais dire, voilà.

 

Merci infiniment Laurent pour tout ce que tu fais, pour tous ces projets déjà réalisés ou en préparation, pour l’énergie que tu dépenses, je peux en témoigner. Nous avons la même passion de l’Afrique et nous sommes aussi très différents, très complémentaires, et il est donc probable que nous nous retrouverons sans tarder. Pour ma part, j’ai été très heureux de t’entendre évoquer tes projets à Toma, au Burkina qui est cher à mon cœur depuis quinze ans. Je t’ai guidé vers Toma, et toi, à ton tour, tu me guides vers Dobwo au Mali, que je vais découvrir en décembre de cette année. Plus tard, je vous conterai certainement ce voyage à multiples objectifs que je suis en train de préparer, voilà ce que je voulais dire, c’est qu’on est vraiment bien dans l’objectif de cette émission, qui est de voir « Comment construire tous ensemble un monde plus fraternel ? », on est vraiment au cœur de l’Essentiel et on est bien aussi dans « Regards du Sud », à savoir élargir nos regards aux dimensions du monde. Alors, merci encore Laurent, il ne nous reste plus qu’à adresser aux auditeurs, en notre nom à tous les deux, nos salutations fraternelles traditionnelles, en vous disant à très bientôt.

 

 


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