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24ème émission avril 2007

(diffusion les 1er mardi du mois à 21h et les 3ème lundi à 20h30)

 

Animation Radio au Charnivet

 

 

 

 

Bonjour à toutes, bonjour à tous. Ouvrons donc notre 24ème émission intitulée : « Animation radio au Charnivet ». Le mois dernier, j’annonçais l’émission d’aujourd’hui sous la forme suivante : « Ce devrait être une expérience intéressante en deux temps, d’abord j’envisage d’enregistrer 5 ou 6 résidents du foyer logement ardéchois du Charnivet et ensuite en deuxième temps, deux jours plus tard, après un mini montage, j’envisage de faire une animation restitution à tous les résidents avant la diffusion habituelle sur radio Voix Du Béarn, et peut-être aussi sur une radio ardéchoise ».

Eh bien mission largement accomplie : ce fut une magnifique expérience qui va être offerte en partage d’abord et en avant-première à tous les résidents du Charnivet que je remercie et que je salue affectueusement, ensuite aux auditeurs de radio Voix du Béarn dans le Sud-ouest, et puis, peut-être aussi aux auditeurs ardéchois de Fréquence 7, suite à un sympathique contact avec leurs animateurs. Comme d’habitude, il sera aussi possible de lire le texte des émissions sur mon blog en construction.

Aussi, sans tarder, nous donnerons la parole successivement au directeur Gérard qui nous parlera de son établissement, à l’animateur du foyer Guy et enfin et surtout à six résidents qui se sont jetés à l’eau courageusement et je les remercie infiniment, merci à Julie, à Marie-Jeanne et à Roger, à un autre Guy, à André, à Alice et enfin à Georges.

 

I-Voilà nous sommes au Charnivet et je suis avec Monsieur Gérard Rougeux qui est le directeur du foyer logement, et tout de suite je vais lui demander, ce foyer logement du Charnivet, c’est quoi, où ça se situe puisqu’en fait il y a pas mal d’auditeurs béarnais qui vont entendre et puis combien de résidents à peu près. Voilà, une introduction à ce foyer logement qui est cher à mon cœur. Voilà, à vous monsieur Gérard.

Bien, mais écoutez comme vous l’avez demandé, je vais essayer de vous donner quelques informations sur ce foyer logement. Donc, qui est un établissement de 87 lits, foyer logement géré par le CCAS de Saint Privat, petit village situé juste à côté d’Aubenas et, comme tout le monde le sait, Aubenas situé en Ardèche. Alors le foyer logement est un établissement qui accueille 87 lits, enfin qui a un agrément de 87 lits pour 75 résidents aujourd’hui. Il est situé donc au centre du village de Saint Privat avec un parc très attractif puisque nous avons deux hectares environ, où les résidents peuvent s’y promener, s’y délasser etc. Situé donc à proximité du centre, là, les résidents peuvent réaliser un certain nombre de courses, de relations sociales, du lien social comme l’on dit. Voilà en gros les grandes lignes de situation géographique ainsi que de situation par rapport au type de personnes, de résidents que nous pouvons accueillir. Autre information que je peux donner pour le moment, notre établissement, bien sûr comme un certain nombre d’autres établissements va signer la convention, la fameuse convention tripartite pour devenir un EHPAD dans les prochains temps, EHPAD «Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées et Dépendantes ». Voilà toute l’information que je peux donner là-dessus.  

Ensuite, il est évident que nous aurons une extension pour la réalisation d’une unité spécifique type « Cantou ».

Voilà, merci Monsieur Gérard. Peut-être pourriez-vous dire un petit mot sur l’animation. Est-ce que l’animation est une dimension importante dans un établissement comme le vôtre ?

Oui, très importante puisque ici, d’abord les résidents ont une certaine autonomie, ce qui permet de réaliser toutes sortes d’animation, certes, mais qui n’exclut pas aussi les résidents qui sont en perte d’autonomie. Ceci est d’autant plus important que nous avons mis en place, je dirais créer un poste d’animateur depuis une année environ, avec la nomination de Monsieur Guy Michel animateur, qui a une double casquette puisqu’il est à la fois animateur ludique je dirais, et référent assurance qualité au sein de l’établissement. L’animation est très, très, très importante puisque les résidents, bien sûr, sont amenés à être rythmés par des choses du quotidien et sont toujours attentifs à la moindre chose qui peut se passer dans l’établissement, donc l’animation est très importante pour leur développement, pour la continuité d’une certaine vie dans une autre tranche de vie, je dirais comme ça.

Eh bien merci, et ça tombe très bien parce que vous me facilitez la transition puisque je vais donner la parole immédiatement à Monsieur Guy Michel. Merci bien.

 

 II-Je suis donc avec Guy Michel qui va m’accompagner lors des enregistrements au sein du Charnivet, alors, Guy, d’abord, pourrais-tu te présenter ? Oui, je m’appelle Guy Michel, je suis au foyer logement depuis 90, j’assurais la tâche d’aide-soignant jusqu’en 99 et ensuite, j’ai eu la possibilité comme je faisais de l’animation jusqu’à cette date-là, se sont créés des postes d’animateur dans tous les foyers logement, donc j’ai saisi l’opportunité, comme j’aime ça en plus, le rapport que ça apporte avec l’individu et le résident, donc je suis maintenant animateur à plein temps.

Et l’animation à plein temps au foyer logement, ça veut dire quoi, peux-tu nous citer quelques animations ? Peux tu tout nous dire sur la question ?

Ca part de l’animation collective, ça part de l’animation individuelle, c’est le « prendre soin », c’est être à l’écoute des gens, à l’écoute de leurs envies, c’est leur maintenir leur autonomie d’une façon des fois, un petit peu cachée, c’est-à-dire quand on les prend par le bras qu’on va les promener, indirectement bon ils marchent, ils promènent, ils parlent. C’est casser un petit  peu la solitude qu’ils peuvent avoir, casser un petit peu le rythme des journées, un peu stéréotypées avec le repas, et rien dedans. C’est créer des moments forts tout au long d’une semaine, tout au long d’un calendrier. Essayer de créer des évènements, c’est-à-dire on prend des exemples, il y a des jeux comme le loto, des jeux de mémoire, ça tourne autour de la gym douce, de la bibliothèque, ça tourne après autour du jardinage, ça tourne au niveau des causeries qu’on peut mettre en place autour de la cuisine, la cuisine ardéchoise, le jardinage ; tout le monde a un vécu et les gens peuvent à ce moment-là se raconter, raconter leurs expériences, raconter un peu une partie de leur vie, c’est-à-dire ça crée des cercles de parole. C’est aussi mon rôle de rassembler les gens et de leur faire passer des bons moments. 

Et il y a un magnifique jardin au Charnivet, et je crois qu’il y a des enfants au fond là-bas, au bout du jardin à gauche.

Oui, on est à proximité d’une crèche, ce qui est intéressant dans la mesure où l’intergénérationnel est quand même intéressant, c’est-à-dire que, quand une personne âgée voit un petit, même que ce ne soit pas le sien, ça lui rappelle toujours des images et des bons souvenirs de leur époque de maman ou d’être grand-mère, parce qu’il y en a quelque fois qui sont arrière, arrière-grands-mères, donc des fois il y a cinq générations. Avec cette crèche, on crée des moments aussi maintenant réguliers, c’est-à-dire que les enfants viennent. Avec la personne âgée, on crée des moments de lecture, des moments de chants, c’est-à-dire des comptines. Alors les enfants chantent les comptines d’aujourd’hui, et nous, nos anciens chantent les comptines d’autrefois. Il y a des moments forts qui se passent en ces moments-là. Et ensuite, tout ce qui peut être aussi manuel, c’est-à-dire on s’aperçoit que coller des   

« gommettes » sur un arbre de Noël, ça peut être joli, ça peut être intéressant tant pour la personne âgée que pour l’enfant. 

Guy, tu m’as accompagné pour enregistrer six pensionnaires. Peux-tu nous dire comment tu as préparé ces enregistrements, le contact préalable avec les intervenants et comment as-tu vécu ces enregistrements ?

Oui, mais là-dessus Jacques, là tu n’es pas un inconnu au Charnivet, c’est-à-dire que, vues les différentes animations que tu nous as proposées, le retour que c’en a eu auprès de nos résidents, ça était moins difficile, c’est-à-dire que nous avons déjà fait une paire d’émissions ensemble, enfin une paire d’animations ensemble. Tu es reconnu ici, connu et reconnu, à travers ton papa, à travers toi, ton approche avec eux, ta disponibilité. Eh bien, les gens qu’on a pu contacter pour cette émission là, ont été ravis d’avoir la chance de participer à cet enregistrement et, j’espère, ils nous l’ont bien rendu dans la mesure où c’est des gens qui y ont pensé, ou c’est des gens, ça leur a, pendant quelques soirs dans leur studio, ils ont réfléchi à ce qu’ils allaient pouvoir te dire de meilleur pour être le meilleur possible et te renvoyer un petit peu tout ce que tu as pu leur apporter jusqu’ici.   

Eh bien merci Guy. Et maintenant, nous allons écouter les divers intervenants. Merci Guy.

 

III-Nous sommes avec Julie au foyer logement du Charnivet et nous attaquons notre voyage au cœur du Charnivet. Alors Julie, tout de suite, est-ce que vous pouvez nous dire qui vous êtes, vous présenter un petit peu.

Alors, je suis d’une famille rurale, d’un milieu rural. Je suis fille unique, mais mes parents s’étaient séparés quand j’avais neuf mois. J’ai vécu jusqu’à sept ans chez ma mère et puis, par une décision du tribunal, mon père a eu le droit de me reprendre. Je suis restée en pension un an, puis comme j’étais tombée malade, la pension m’a fait sortir pour reprendre et alors je suis allée chez mon père et j’y suis restée le reste de mes jours jusqu’à maintenant que je suis venu ici.

Et, où habitait votre père ? A Vals-les-Bains, dans un petit hameau de la commune de Vals.

Et, est-ce que ça serait indiscret de vous demander votre âge ? Non, pas du tout, j’ai 86 ans. 

Et, je crois que vous avez une grande famille, je vois une photo avec beaucoup de personnes, de jeunes. Alors là, ce sont mes enfants et mes petits-enfants. Il n’y a pas d’arrière encore, ils sont nés un peu plus tard.

Bon, eh bien Julie maintenant, je pense que vous allez nous raconter un de vos meilleurs souvenirs de jeunesse, et je crois, et moi j’aime beaucoup, vous avez écrit, et je trouve que c’est intéressant quand on écrit parce qu’après, j’ai pas dit, mais on pourra le lire aussi sur internet. Vous pourrez en parler à vos petits-enfants. Julie, la parole est à vous :

Alors le meilleur souvenir ?

Je vous tiens le micro. Chez nous à la campagne, l’hiver, c’était les veillées. Nous étions peu nombreux au village, quatre familles qui, à tour de rôle, après souper, faisaient chez eux « la veillée », c’est-à-dire la réunion de tous, parents et enfants, qui, dans la bonne humeur et avec un sens de la fête, s’efforçaient de distraire par des chansons, par des jeux de carte, des plaisanteries, toute notre petite société. Nous les enfants, on jouait à cachette dans la cuisine bien sûr et c’était souvent sous les jupons d’une grand-mère complice que nous trouvions refuge, c’était de grands rires étouffés quand nous entendions passer à côté de nous celle qui nous cherchait. Après un certain temps, nous sortions de notre cachette très fiers d’avoir gagner.

Mon père qui avait une très belle voix chantait parfois « les blés d’or », ou « le temps des cerises ». Ce que nous attendions le plus, c’était la fin, car il y avait le gâteau et l’infusion de serpolet très parfumée avec un peu de miel. On la respirait longtemps avant de la déguster. Après c’était le départ. On était heureux d’être ensemble. Il n’y avait ni radio, ni télé, seulement une grande amitié.

 

Eh bien, Julie, maintenant, vous allez nous dire ce que vous souhaiteriez exprimer à vos petits-enfants pour qu’ils vivent mieux en fonction de tout ce que vous avez vécu.

Ce que je désire pour mes enfants, qu’ils soient les meilleurs et les plus heureux comme toutes les mamans. Mais je voudrais surtout qu’ils gardent nos valeurs, qu’ils aient un travail leur permettant de subvenir à leurs besoins, qu’ils sachent donner un sourire et une bonne parole à quelqu’un que l’on aime un peu moins parce qu’on a eu un petit différent. Qu’ils sachent rendre un service sans rien attendre en retour, partager un bon moment entre amis et penser quelque fois à ceux que la vie n’a pas trop gâtés, faire pour eux un petit geste, quelque chose en toute discrétion.

Bien sûr tout ne sera pas parfait mais j’espère quand même qu’ils ne me décevront pas. A tous ces jeunes diplômés ou pas qui sont au chômage, je voudrais dire « Mettez votre orgueil dans la poche et acceptez le travail qui se présente saisonnier ou de remplacement, petits boulots ». A force, vous trouverez un travail de longue durée et ne serez plus à charge aux parents ou à l’Etat et ce sera votre fierté car vous le savez bien, la maison France a besoin de vous. Nous vous faisons confiance et comptons sur vous.

Eh bien merci infiniment Julie, vos paroles font chaud au cœur. C’est ce que je voudrais pour les enfants, mais c’est très dur les jeunes de leur faire accepter quelque chose quand ils ont des diplômes.

Mais je crois qu’ils entendent quand même et puis finalement je crois que le message passe quand même. Merci infiniment Julie.

 

IV-Eh bien, nous sommes avec Marie-Jeanne et Roger pour notre deuxième étape au cœur du Charnivet. Alors Marie-Jeanne, peut-être tout de suite serait-il intéressant que vous vous présentiez aux auditeurs.

Oh la la ! Moi j’ai, je vais avoir 85 ans, je suis né dans le midi, ça s’entend à mon accent bien sûr. Voilà.

Et vous avez des enfants ? Nous avons deux fils, un de 59 ans et l’autre de 54 ans, et deux petits-enfants, une petite-fille de 33 ans et un petit-fils de 30 ans.

Et dans la vie, avec votre mari, qu’est-ce que vous faisiez ? Mon mari m’a suivi quand nous nous sommes mariés. Nous nous sommes rencontrés dans l’Ardèche et mon mari m’a suivi dans le midi, où mon père avait une entreprise de transport, et il a été dans le transport jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite. Transports en camion, sans un accident.

Là, c’est Roger qui s’exprime, aucun accident dans une carrière de transporteur. Moi j’étais aussi  dans les transports, j’étais dans la concurrence, j’étais à la SNCF.

Il a reçu la médaille du travail, nous dit Marie-Jeanne.

Alors Marie-Jeanne, maintenant il vous appartient de nous raconter un de vos meilleurs souvenirs de jeunesse.

Eh bien des souvenirs heureux de ma jeunesse, il n’y en a pas beaucoup. C’était la guerre et les réjouissances étaient rares. Pourtant, s’il me reste un souvenir heureux, c’est celui où pour mes 20 ans, mes parents m’offrirent une bicyclette. Les jeunes d’aujourd’hui se souviendront de leur première voiture, mais moi, je me souviens de mon premier vélo. Le secret avait été bien gardé et je fus autant surprise qu’heureuse devant cette bicyclette étincelante de peinture rouge et de son guidon qui semblait renvoyer devant mes yeux admiratifs, tous les rayons du soleil !...

Pourtant j’étais un peu inquiète. Avoir un vélo, c’est super comme on dit aujourd’hui, encore faut-il savoir s’en servir. Et je ne savais  pas. J’appris vite, mais cela me valut quelques plaies et bosses vite oubliées. Quelle joie de partir en promenade à travers la campagne, seule ou avec des amis. En ce temps-là les routes n’étaient pas encombrées comme maintenant, et nous pouvions rouler tranquillement.

Marie-Jeanne, vous m’avez dit que cette histoire de bicyclette, elle ne finissait pas très bien. Est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus ?

Eh bien, c’est que c’était la guerre comme je l’ai dit au début, et nous avons du quitter notre maison et bien sûr, j’ai laissé mon vélo avec beaucoup de peine, et, au retour je ne l’ai pas retrouvé.

Je vais me rapprocher de Roger qui, peut-être, a quelque chose à dire. Roger, la bicyclette, vous ne lui avez pas acheté une autre bicyclette ? Non, non.

Et vous Roger, s’il fallait trouver un bon souvenir. Qu’est-ce que vous trouveriez ? Moi aussi, c’était une bicyclette quand j’en avais eu une, j’avais quatorze, quinze ans. Mais tout le monde n’avait pas une bicyclette à ce moment-là.

Marie-Jeanne, maintenant, il faudrait que vous nous racontiez ce que vous aimeriez dire aux plus jeunes, parce qu’en fait quand on a vécu déjà une vie un petit peu longue, on est plein de conseils pour les plus jeunes, alors quels conseils et qu’est-ce que vous aimeriez leur dire ?

Eh bien, ce que j’aimerais transmettre, c’est le respect, le respect envers les gens et le respect des choses, du bien d’autrui. Ne plus voir les pneus crevés, les voitures brûlées, ne plus entendre qu’une personne a été rouée de coups pour voler son téléphone, qu’un instituteur a été frappé pour une simple réprimande. Il me semble que plus de respect freinerait la violence.

Eh bien, merci infiniment Marie-Jeanne et merci Roger. Je crois qu’on ne peut qu’être d’accord avec vous sur l’importance du respect. Merci.

 

V-Monsieur Guy. Nous sommes avec Guy Michel aussi, dans votre appartement, dans votre studio et donc il serait intéressant quand même pour les auditeurs que vous vous présentiez un petit peu à eux. Alors, je m’appelle Guy Henri Baré, je suis né le 24 avril 1928, à la maternité de l’hôpital de la Pitié à Paris, parce que mon père était militaire de carrière et maman était infirmière, ma maman était infirmière, alors entre les deux, voilà.

D’accord et là donc, je crois que vous avez un certain nombre d’enfants et puis de petits-enfants, et puis peut-être bientôt… oui, quand ma petite petite-fille aura son bébé, je serai arrière-grand-père, voilà. J’ai donc les jumeaux et puis j’ai une fille de mon premier mariage qui a cinquante et quelques années.

Et combien de petits-enfants ? Il y a juste ma petite-fille qui a 26 ans, celle qui attend un bébé. Je crois que vous étiez militaire ? J’ai été militaire de carrière, je me suis engagé en mars 1945 et j’avais 17 ans, donc on pouvait encore à cette époque-là s’engager, je me suis engagé et de là alors, j’ai fait la Tunisie, j’ai fait l’Algérie, j’ai fait l’Indochine, enfin j’ai suivi l’armée française près de 40 ans, pas 40 ans mais presque.

Bon, on ne va pas parler cet après-midi de l’armée, mais on va parler d’un de vos meilleurs souvenirs. Un de mes meilleurs souvenirs ? Ecoutez, je vais vous le dire, il est très loin, bon il y a bien sûr mes enfants, il y a les mamans de mes enfants, ce sont des souvenirs très agréables, auxquels je pense souvent, mais un de mes souvenirs qui est très ancien, c’est comme mon père était militaire dans une caserne à Verdun et maman était infirmière à l’hôpital, eh bien avec mon frère Jacques qui est mort, le pauvre depuis, nous faisions le chemin entre la maison et l’école de Tierville qui est à côté de Verdun, voilà.

Et ce souvenir, comment vous pouvez le décrire, c’était d’être avec votre frère, c’était …c’est-à-dire qu’on s’entendait très bien avec mon frère Jacques, il s’appelait Jacques, avec mon frère Jacques on s’entendait très bien, il avait 3 ans de moins que moi, et on faisait donc le chemin tous les matins à l’école. La maman, puisque les cantines n’existaient pas à cette époque là, alors la maman nous préparait les casse-croûte et on les mangeait entre midi et une heure, une heure et demie, on mangeait nos casse-croûte assis dans le préau de l’école, quoi, voilà.

Et maintenant, vous allez avoir bientôt une arrière-petite-fille ou arrière-petit-fils, vous ne savez pas, vous ne savez pas encore, mais qu’est-ce que vous auriez envie de dire à vos petits-enfants, à vos enfants, pour qu’ils vivent bien dans notre monde qui est un peu difficile, quels conseils leur donner ? Eh bien, le conseil que je leur donne, c’est d’être très proche de leur maman, et d’aimer beaucoup leur maman parce qu’une maman, on n’en a qu’une, et moi qui ai perdu ma maman, j’étais encore jeune, eh bien, je peux vous dire qu’elle m’a horriblement manqué. Et, que si elle avait été vivante, il y a beaucoup de bêtises que j’ai faites que je n’aurais pas faites.

Bien, c’est un très bon conseil, et est-ce que vous aurez encore un conseil à donner ? Eh bien, je crois que le conseil que je peux donner aux jeunes maintenant, c’est d’être très proche de leur maman je viens de leur dire, mais surtout de ne pas essayer d’être des fanfarons, vous voyez les gars qui dans la rue, moi, un jour, en allant à la pharmacie, puisque j’y vais tous les matins et toutes les après-midi pour la maison, il y a trois jeunes qui étaient sur le trottoir, ils m’ont dit : « descends de là, va dans le ruisseau, le vieux ». Je dis, écoutez le vieux, il est judoka alors vous avez intérêt à la fermer parce que vous allez vous retrouver tous les trois dans le ruisseau.    

Ah bon, te fâche pas le vieux, te fâche pas.

Eh bien, merci Monsieur Guy pour votre contribution.

 

VI-Voilà, Monsieur André, nous sommes ici chez vous, c’est la 4ème étape de notre voyage au cœur du Charnivet.

Et donc, pour les auditeurs, ce serait intéressant que vous vous présentiez un petit peu. Qui êtes-vous, Monsieur André ? Je suis André Vercauteren, bien sûr, né le 15 juillet 1924 dans la maison où je demeurais, je suis né d’un père lillois. Il est arrivé en Ardèche en 1923 pour travailler pour une grosse maison qui installait déjà à l’époque des conditionnements d’air, et comme l’Ardèche était un peu en retard, la maison …de Lille avait conquis tous les marchés par là, donc avait formé des monteurs, qui avaient le métier de plombier déjà et les a envoyés à travers la France. Et mon père est arrivé en gare d’Aubenas avec une caisse à outils, un costume, pardessus et chapeau et voyage payé en 1ère classe.

Et il est resté en Ardèche ? Et il est resté en Ardèche après, il s’est marié ? Il s’est marié quelque temps après pour cause de la maison neuve ensuite il s’est mis à son propre compte pour les conditionnements d’air et il a continué avec son métier de plombier zingueur, qu’ensuite il nous a communiqué.

Ah oui, donc vous avez travaillé dans la plomberie zinguerie ? Ah oui, oui, oui, depuis ma naissance, entre les jambes de mon père…

et vous êtes resté célibataire, vous vous êtes marié ? J’ai eu de la déveine quoi.

Oui, d’accord et là vous êtes au Charnivet depuis combien de temps ? Eh bien ça fera un an le 4 avril. Un an le 4 avril.

D’accord, donc vous êtes un jeune pensionnaire. Oui.

Bon, Monsieur André Vercauteren, un beau souvenir de jeunesse, qu’est-ce qui vous est venu à l’esprit pour raconter aux auditeurs aujourd’hui ?  Ma foi, je pourrais vous parler aussi d’une autre histoire qui est arrivée encore en 44, on avait eu des menaces que des allemands arrivaient à Saint Privat. Alors pardi, tout le monde s’affolait, les gens du quartier, ils commencent à faire les valises pour monter dans les bois se cacher, se planquer. Bon alors en effet le soir, ils sont allés dans les granges, dans les cabanes, un peu partout. Et nous autres, nous étions une équipe de jeunes à Saint Privat, on dit, on n’y va pas nous autres se planquer, on reste là, on était dans la cave d’un voisin, le Paul Cros entre parenthèses, à 7 ou 8, avec du saucisson, tout ce qui s’en suit, saucissons, fromages et compagnie, et un peu de boisson ? Mais la cave, on avait ouvert le robinet, et quelques bougies parce que la lumière…alors nous avons, toute la nuit, bu, discuté, jusqu’au petit jour, et au petit jour, toujours point d’allemands et les hommes bien frais. On dit, qu’est-ce qu’on va faire, on va les voir un peu dans les bois là-haut, on a essayé d’y monter, mais c’est très pénible. Arrivés là-haut dans les bois, alors ? Les allemands n’y sont pas encore arrivés, on descend pas ? Et si, bande de couillons, parce qu’on nous avait annoncé qu’ils devaient venir soit par l’Echelette, soit par Aubenas, par Ville là-bas, et puis, ma foi, pas plus d’allemands qu’autre chose. Et ils ne sont jamais arrivés ? Oh non pas encore, c’est-à-dire après ils sont arrivés en prisonniers de guerre.

Un grand merci André à vous, pour avoir choisi une histoire du quotidien dans une période difficile.  

 

VII-Nous sommes pour notre 5ème étape au cœur du Charnivet avec Alice, qui pour commencer, va se présenter aux auditeurs. Je m’appelle Alice Danthony, je vais avoir 93 ans et je suis au Charnivet où je suis très bien.

Et, je crois que vous avez quelques enfants. Oui, j’ai eu quatre enfants et je vais avoir onze arrière-petits-enfants et dimanche je vais à un baptême d’une fille, Emma.

Il me semble que vous faites pas mal la fête finalement, vous sortez pas mal ? Oh non, pas beaucoup hein Guy, pas beaucoup. Pas comme je voudrais, nous dit-elle ! Maintenant je suis malade, c’est pour ça. Sinon, vous aimez la fête. Beaucoup, beaucoup. Alors Alice, je suis sûr qu’il y a eu de très beaux souvenirs dans votre vie, il y a eu des moments difficiles, mais de très beaux souvenirs.

Est-ce que vous pourriez nous raconter quelques beaux souvenirs ?

Jusqu’à 15 ans, je suis restée à Lyon, je suis lyonnaise, après je suis partie pendant 5 ans en Algérie, alors là, c’est toute ma jeunesse de 15 à 20 ans. Et là, ma foi, j’ai eu des passages bien, pas bien, j’ai visité des villes très jolies, je suis montée au désert à dos de chameau, ça oui, ça je m’en rappelle, et ça reste gravé. Ma foi, après, je suis rentrée en France, j’ai perdu maman là-bas à 44 ans elle avait, je suis rentrée en France, je me suis mariée, j’ai eu mon fils, il y a eu la guerre, mon mari était prisonnier, il était militaire de carrière, il était parce que c’était mon premier mari. Quand il est rentré, il a voulu un enfant, on en a eu un autre, on en a eu un troisième, trois fils donc et après, j’ai été obligée d’arrêter parce qu’il y avait des divergences.

Et, ensuite, je crois que vous êtes allée dans la boulangerie. Je me suis remariée avec un boulanger, que j’ai perdu malheureusement très jeune à 54 ans d’un cancer, et là, j’ai eu une fille. C’est d’ailleurs ma seule fille, j’ai trois garçons et une fille.

Et je suis sûr quand même, il y a un souvenir qui vous revient, un souvenir joyeux. C’est-à-dire que j’ai beaucoup voyagé, surtout depuis ma retraite quoi, j’ai beaucoup, je n’ai pas assez fait même.

Mais enfin c’est déjà pas mal. J’ai toujours très apprécié les sorties, je ne crains rien, je peux aller dans tout, avion, bateau, n’importe quoi, je ne suis pas malade, je ne crains rien, donc rien ne me gêne pour partir quand je peux.

Et quand vous étiez plus jeune, comment ça se passait avec les garçons ? Ah, c’est un peu indiscret. Oui, mais vous choisissez ce que vous dites, Alice, parce que là, pour les auditeurs, je peux dire qu’Alice, 93 ans bientôt, est bien, elle est magnifique. Je peux dire aux auditeurs, mais qu’ils ne le répètent pas, je suis presque amoureux d’Alice. Voilà, alors Alice, les garçons, revenons aux garçons. Ah les garçons, ma foi oui, j’en ai fréquentés, c’est normal, certains me plaisaient, certains ne me plaisaient pas, c’est tout, mais je me suis mariée assez vite, voyez. Mon mari me plaisait, il était beau garçon, enfin tout ça, c’est-à-dire le pauvre à l’heure actuelle, il est très malade, il a 95 ans. Mais autrement, j’ai passé les premières années de ma vie de femme, très, très bien, mais après…Bien, Alice, il y a de tout dans une vie, vous le savez bien.

Alice, maintenant, qu’est-ce que vous aimeriez dire aux jeunes, c’est-à-dire qu’avec le long vécu que vous avez, il y a peut-être des conseils à leur donner, il y a peut-être des recommandations à faire. La vie, elle vous a appris un certain nombre de choses, qu’est-ce que vous auriez envie de dire à vos petits-enfants ou à vos arrière-petits-enfants ?

C’est-à-dire, ce que j’aimerais, surtout que j’ai plutôt des garçons que des filles, et, en somme, c’est les garçons qui mènent un peu tout le jeu, c’est le cas de le dire, j’aimerais qu’ils soient gentils, qu’ils soient travailleurs, qu’ils soient beaux parce que j’aime avoir de beaux enfants, et puis, ma foi, aimants, qu’ils aiment leur  intérieur, qu’ils se fassent une belle situation pour l’avenir. Voilà pour l’avenir, mais quel sera l’avenir ? Dieu seul le sait.

Et le Charnivet, vous y êtes comment, vous y êtes bien ? Merveilleusement bien. J’y suis venu pour un mois et, au bout de trois semaines, j’ai dit : j’y reste.

Eh bien, merci infiniment Alice et puis à une prochaine fois. Voilà, merci Jacques.

 

VIII-Pour notre dernière étape de ce voyage au Charnivet, eh bien, je suis avec Georges Baconnier qui va se présenter. Georges, que peux-tu dire aux auditeurs pour te présenter ? Je suis né en 1942 au jardin de Cuzes, et puis, j’ai été aveugle à partir de l’âge de six mois, ce qui fait que je ne me rappelle pas d’avoir vu. Parce que c’est une maladie, j’avais la conjonctivite, et le monocoque et le glaucome avec. Alors on m’a fait une série de piqûres, et c’était pas ça qu’il fallait faire, enfin bon, c’est le passé, on va pas,…tu dis le jardin de Cuzes, c’est-à-dire, c’est pas loin de la Violle et pas très loin d’Aubenas, parce que l’émission va être entendu dans le Béarn, dans le Sud Ouest, le jardin de Cuzes, ils connaissent pas tous. Jusqu’à six ans, je suis resté à la maison et à l’âge de six ans, en 48, je suis allé à Villeurbanne, dans une institution, où je suis resté dix ans pour apprendre le braille, écrire, compter, passer le certificat d’études, et puis apprendre un métier que c’était « les brosses », mais je ne l’ai pas exercé plus tard, et puis après je suis allé à Marseille pendant quatre ans, et là j’ai appris le cannage des chaises et la brosserie aussi.

Donc tu as fait pas mal de cannage de chaises. Oui, le cannage, ça j’aimais bien d’abord parce que c’est intéressant, ah il faut apprendre parce que c’est pas facile. Et où c’est que tu faisais du cannage ? A Marseille. Et après, pour le travail ? Chez moi à la maison. Et là, tu travaillais et puis, il y avait tes parents qui étaient avec toi ? Oui, mon père m’aidait un petit peu, parce que le paillage, je l’ai appris aussi, le rempaillage, mais je l’ai appris à la maison avec un autre aveugle.

Et alors Georges, maintenant, ce serait bien si tu pouvais nous raconter quelques bons souvenirs de jeunesse. C’est-à-dire que, je ne sais pas trop. Je sais que tu aimes beaucoup le jardin et peut-être pourrais-tu nous raconter un petit peu le jardinage. Le jardin, j’y suis resté à peu près tout le temps, quelques jours chaque année. Au début, j’y ai vécu de 42 à 48, et après j’y allais pendant les vacances parce que mes parents faisaient une ferme, mais ce n’était pas au jardin, c’était un peu plus bas que le jardin, ça s’appelait « A Robert », le nom de la maison. C’est la maison où était né mon père.

Et, côté bon souvenir, tu as le souvenir d’avoir eu des amis, avec qui tu discutais, de bons amis ? Mais, c’est que moi, le plus que je discutais, c’était en patois. Et avec qui, avec des jeunes ? Enfin avec la famille, les oncles et tantes qui étaient encore à la maison qui n’étaient pas encore mariés. Et puis les grands-parents parce que les grands-parents parlaient patois. Alors moi, quand je suis rentré à l’école à Villeurbanne, je parlais patois, je parlais pas français, quoi pas trop, parce qu’à la maison on parlait patois alors moi, j’ai retenu le patois.

Et là, maintenant, tu es depuis quelques mois au Charnivet, comment tu te trouves au Charnivet ? Comment ça se passe ? Ca se passe assez bien, mais comme partout, il faut s’habituer, je m’étais habitué aux Châtaigniers, mais là, il faut que je m’habitue ici pareil, de la même façon, il faut que je trouve des repères. Et autrement, il y a des personnes qui t’aident, quand même ? Oh oui, il faut pas nommer les gens, mais un peu tous.

Et là maintenant Georges, comme dernière question, qu’est-ce que tu aimerais dire aux plus jeunes. Tu as vécu un certain temps, qu’est-ce que tu penses qu’il est important de dire aux jeunes maintenant pour qu’ils vivent bien dans notre monde qui n’est pas facile. Ah, ben ça, je dis qu’il faut qu’ils s’habituent à leur vie à eux et puis, aujourd’hui, c’est tellement plus facile, vous avez les portables, il y a les appareils photos perfectionnés, chacun a sa vie privée, chacun vit le mieux qu’il peut.

Eh bien, merci Georges pour ton intervention et puis bon séjour au Charnivet. Oui, je vous remercie.

Merci encore infiniment à tous nos intervenants. Un merci tout particulier à l‘animateur Guy Michel, qui fut un parfait complice. J’aime beaucoup le Charnivet, je m’y sens bien, nous y sommes beaucoup venus, je n’oublie pas que le papa y a passé sa dernière année de vie et qu’il y fut bien dans cette communauté humaine, où le personnel soignant et les agents de service jouent très bien un rôle essentiel. Merci beaucoup aussi à eux.

 

Comme d’habitude, il ne me reste plus qu’à vous annoncer le thème de l’émission du mois prochain. Ce sera aussi une belle émission, très dense humainement, puisque je recevrais l’ami Pierre Guillaume, responsable d’une association admirable. Ecoutez-moi bien, « chaque année le jeudi de l’Ascension, depuis plus de vingt ans, l’association « Vivre ensemble » organise à Os-Marsillon, dans le Béarn une extraordinaire fête pour les handicapés. C’est toujours pour moi aussi une magnifique journée de rencontres, d’émotion et de joie profonde. Ecoutez quelques chiffres pour un village de 400 habitants, mobilisé à fond : en 2005, sur une seule journée quelques 1500 participants handicapés ou bénévoles, 1300 repas servis, 600 bénévoles et 60 réunions annuelles de préparation. J’aime leur credo, écoutez bien encore : « Vivre ensemble, c’est un défi permanent contre l’égocentrisme, une volonté farouche à surmonter le handicap et surtout un pari permanent sur les vraies valeurs humaines ». Sur ces propos plein d’espérance, je vous salue fraternellement en vous disant à bientôt.