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16ème émission juin 2006 |
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(diffusion les 1er mardi du mois à 21h et les 3ème lundi à 20h30) |
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Agro écologie « Terre et Humanisme » au
Mali (4ème partie) |
Bonjour à toutes et bonjour à tous. Comme les trois
précédentes, cette 16éme émission de « Regards du Sud » s’intitule
« Agro écologie, Terre et Humanisme au Mali » et nous allons nous
retrouver à nouveau avec Pierre Rabhi à Tacharane à 20km au Sud-Est de Gao sur
la boucle du Niger. Cette émission va donc achever la série d’interviews
enregistrées en janvier 2006, à l’heure des bilans d’un séminaire
exceptionnel, regroupant une vingtaine de participants et centré sur
l’autosuffisance alimentaire en pays sahélien et l’agro écologie. Il s’agira
donc aujourd’hui d’une auto-interview où j’apporterai mes propres réponses aux
questions que j’ai infligées gentiment à une vingtaine de personnes et qui
se résumaient en deux points : votre motivation initiale et votre bilan
final. Ce sera en quelque sorte l’essentiel de mon « Compte-rendu de
voyage ».
1. En préalable
Pour les nouveaux auditeurs, vous me permettrez de
rappeler qui est Pierre Rabhi et ce qu’est et ce qu’apporte l’agro
écologie. « Pierre Rabhi, fondateur de
l'association "Terre et Humanisme", pionnier de l'agriculture
écologique, reconnu expert international pour la lutte contre la
désertification, auteur et conférencier, il appelle à l'“insurrection des
consciences” pour fédérer ce que l'humanité a de meilleur et cesser de faire de
notre planète-paradis un enfer de souffrances et de destructions.
Devant l'échec
de la condition générale de l'humanité et les dommages considérables infligés à
la Nature, il nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à
réaliser l'importance vitale de notre terre nourricière et à oeuvrer pour un
monde uni, solidaire et respectueux de chacun, digne de l'entendement et de la
conscience dont nous sommes tous dépositaires. »
Quant
à l’agro écologie, au cœur de nos 4 émissions, elle repose sur deux réalités
fondamentales :
le sol est un organisme vivant avec un métabolisme,
et non un substrat destiné à recevoir des substances chimiques de synthèse,
l'agro écologie replace la terre nourricière dans
le cadre plus large de l'environnement naturel. Elle préconise l'entretien et
la régénération des écosystèmes dans une démarche globale.
Ses
avantages sont multiples :
elle permet un développement agricole durable et
reproductible,
elle est applicable par les paysans les plus
démunis qu'elle affranchit d'intrants coûteux,
elle régénère et dynamise les sols : productivité,
résistance à l'érosion par des travaux d'aménagement antiérosifs, reboisement,
protection contre le vent, association de l'agriculture et de l'élevage, etc.,
elle est facteur d'autonomie et libère de la
dépendance.
2. Synthèse interviews précédentes
Pour les nouveaux auditeurs, je voudrais aussi revenir
un instant sur les 3 précédentes émissions, où j’avais interviewé 17 personnes,
c’est-à-dire 5 personnes de « Terre et Humanisme », dont Pierre Rabhi
et 2 bénévoles formateurs, ainsi que 12 participants de tous âges, de toutes
formations, de tous horizons, des jeunes et des plus anciens en recherche ou en
projet. Beaucoup découvrait l’Afrique noire, notamment les plus jeunes qui ont
souvent prolongé leur séjour, parfois en appui d’un autre projet dans un autre
pays africain.
Les points forts qu’ils
ont exprimés s’articulent autour de 4 axes : l’Afrique et les maliens, le
désert et le Niger, l’agro écologie et la qualité des échanges humains aussi
bien entre participants qu’avec les maliens. Et je les cite : « pays de grand dénuement et de grande générosité »,
« ce qui m'a le plus impressionnée ici, ceux sont ces beaux jardins au
milieu du désert », « il y a une profondeur dans les échanges que
j’ai rarement vue », « dans
l'ensemble vraiment, ce qui m'a le plus touché, c'est cette joie de vivre
qu'ont les habitants ici, ils vivent dans la misère, ils ont quelque chose de
joyeux au fond d'eux que nous n'avons pas finalement, nous en Occident... »,
et puis aussi en bloc l’apprentissage de techniques, les convergences d’idées
entre jeunes et anciens, la rencontre de deux cultures, de deux sociétés, la
façon de vivre, la flore, la faune, l’habitat, l’environnement du désert et la
vallée du Niger, la prise de conscience de la complexité des problèmes,
l’importance de l’apprentissage des savoirs, qui demande du temps, et de la
transmission qui doit se faire pour être efficace de façon simple, les contacts
avec les jardiniers, leur émerveillement devant le compost qui permet de
planter en plein désert…
3. Motivations initiales et Objectifs de ce voyage
A
présent, après ces nécessaires rappels, il m’appartient d’essayer de répondre à
la question que j’ai systématiquement posée à chacun « Pourquoi es-tu
venu à Tacharane ? »
Pour
faire simple, il me semble que cela résulte pour moi d’un enchaînement
d’expériences, de circonstances, de hasards et de déclics que je m’en vais
brièvement disséquer.
L’élément
majeur est la radio Voix du Béarn : depuis un an et demi, j’anime la
présente émission mensuelle « Regards du Sud » au sous-titre plus
explicite « Comment construire tous
ensemble un monde plus fraternel ? ». Ces émissions sont une alchimie
de mémoire, de recherches, de rencontres et de réflexions. C’est dans ce
cadre-là, que j’ai pris conscience que l’agriculture était un levier primordial
du changement et que la terre nourricière çà voulait vraiment dire quelque
chose, c’est aussi dans ce cadre que j’ai eu un long et dense échange avec
Pierre Rabhi en juillet 2005 chez lui à Montchamp, dans mon Ardèche familiale.
Il y a une quinzaine d’années, je l’avais déjà croisé lors d’un colloque à
Montpellier et j’avais été impressionné par cet homme, son parcours, son
Humanisme, son humilité et son charisme. Bien sûr, cet été 2005, j’étais aussi
allé au siège de l’association TH au mas Beaulieu à Lablachère, où j’avais fait
le plein de ses ouvrages et bien sûr
j’avais adhéré à l’association.
Le déclic, ce fut quelques mois plus tard en octobre
2005, à la réception de la revue de l’association TH, une immense joie à double
cause : d’abord l’annonce d’un voyage-séminaire « Parole de Terre »
au Mali à Tacharane en janvier 2006 et puis l’annonce d’une prochaine
représentation d’une pièce de théâtre intitulée « Parole de Terre », tirée d’un
ouvrage de même nom dont l’auteur est Pierre Rabhi. Cela était prévu à Cestas
en Gironde le 20 novembre 2005 avec la troupe bordelaise « Les enfants du
paradis ». Ma réponse à ces deux annonces est enthousiaste et positive
concrétisée par des inscriptions immédiates. Le voyage est décidé et j’irais
préalablement voir cette pièce.
Mais allons plus loin, quelles sont mes motivations
profondes ?
Elles sont multiples :
J’ai cité l’amour de l’Afrique.
Vous me permettrez de m’y
arrêter un instant. J’ai consacré toute une émission, la huitième, à ce vaste
sujet sous le titre « Qu’avons-nous à apprendre de
l’Afrique ? ».
J’égrenais ainsi un
inventaire à la Prévert des apports potentiels traditionnels de l’Afrique :
un riche héritage
d’expériences sociales, la palabre démocratique, les formes d’organisation
collective du travail, la solidarité, le sens du don et du partage, une
certaine vision du temps, la patience, l’endurance, la capacité d’écoute, la
façon d’être avec les « vieux », la sagesse, une sorte de tolérance
fondamentale, une qualité de l’espace entre les gens, une extraordinaire
vitalité, une force vitale bouillonnante, la joie, le rire contagieux, la
qualité de l’hospitalité, une générosité débordante, un optimiste fondamental,
le sens du sacré, enfin et en résumé, une étonnante richesse humaine et culturelle.
4. Voyage lui-même, et projet Tacharane
Un mot sur la préparation du
voyage qui est pour moi une dimension importante de celui-ci. La préparation
matérielle a été très rapide dans la mesure où je n’étais pas organisateur et
où un an plus tôt j’étais au Burkina Faso et donc parfaitement au clair côté
vaccinations, et équipé côté paquetage…etc.
Quant à la préparation autre
que matérielle, toujours essentielle à mes yeux, elle s’est appuyée sur des
lectures ou relectures d’ouvrages de Pierre, de recherches diverses sur le Mali
(ouvrages écrits, sites internet), de consultation de documents personnels… Eh
bien sûr, la pièce de théâtre « Parole de Terre » à Cestas a fait
aussi partie de cette préparation. J’ai trouvé, comme la majorité des
spectateurs, cette pièce bouleversante avec une remarquable mise en scène qui
exprime avec une extraordinaire puissance la substance du livre de Pierre.
Quelques mots et quelques chiffres sur le Mali.
C’est
l’un des pays les plus pauvres de la planète : au
classement « Indicateur de Développement Humain » (IDH), il est
le 4ème plus pauvre après le Niger, le Sierra Leone, et juste
derrière le Burkina Faso.
Il y a 11 millions
d’habitants pour une superficie 4 fois comme la France. Capitale Bamako, le pays est à la fois
désert, sahel, zone soudanaise traversé par le fleuve Niger,
Le Mali a une histoire
importante avec 3 empires : du Ghana (8-11ème s), du Mali (13-14ème),
Songhaï (14-16ème), la colonisation c’était à partir de 1855 et
l’indépendance en 1959.
Quelques mots aussi sur Tacharane et le projet :
Tacharane, région de GAO (Gao 70000h),
Située sur les deux rives du
fleuve Niger.
Nombre d'habitants : 8 000 Trois ethnies
cohabitent : songhaï (cultivateurs et pêcheurs), peuls et touareg
(tamacheks).
Activités économiques :
agriculture (riz), élevage, pêche, artisanat.
Le projet à Tacharane est de développer l’agriculture écologique vivrière
et de marché pour la sécurité alimentaire au niveau de Tacharane, de sa région
et au plan national et international par démultiplication.
La création du centre agro
écologique de Tacharane, centre permanent de formation à l’agro écologie, est
très importante.
Le projet est fondé sur la
participation des habitants : création de 20 unités de productions agro
écologiques viables, de grands jardins maraîchers sous la responsabilité de
groupements de femmes (où il est question de compost, semences, association de
plantes), construction de diguettes filtrantes antiérosives, banque de céréales
appelée aussi grenier de prévoyance, coopérative maraîchage etc…
Le programme du
séminaire était dense et équilibré : échanges, conférences, ateliers pratiques (diguettes,
compost, semences…), visite au village (marché), visite des zones rizicoles en
pirogue, traversée du Niger en pinasses, rencontres avec paysans agriculteurs
et éleveurs et avec pêcheurs, fête touareg (bergers et danses traditionnelles),
présentation d’un ouvrage sur le conflit, la guerre même en 1990/94 entre
cultivateurs et éleveurs, visite de Gao.
Pour bien comprendre
l’essentiel et la dimension de ce séminaire, je vous propose un texte où Pierre
Rabhi développe le thème de la biodiversité, en répondant indirectement aux
actuelles énormes campagnes médiatico-publicitaires en faveur des OGM. Son
texte est intitulé :
« Sauvegardons les semences de la
vie »
« Depuis la naissance de
l’agriculture, les humains n’ont cessé d’intégrer des végétaux dans leur menu
augmentant sans cesse leur potentiel alimentaire, l’améliorant, l’adaptant à
leur usage spécifique pour se nourrir, se soigner, se vêtir, construire leur
abri, mais aussi en savourer les parfums, les arômes, les couleurs, la beauté
et la subtilité.
Selon les latitudes et les
climats, la toison de jade du monde végétal est infiniment diversifiée. Même
les déserts les plus torrides et les plus froids recèlent des végétaux dont les
prouesses d’adaptation semblent révéler une sorte d’intelligence par des
stratagèmes extraordinaires pour survivre, des « techniques » très
élaborées pour se reproduire, se propager, agrandir leur territoire, résister à
l’adversité, au chaud et au froid, tirer parti des maigres ressources en
eau…etc.
Avec l’ère de la technoscience, de la productivité, de la marchandisation et du
profit financier sans limite, la donne change brutalement. L’application des
principes industriels à l’agriculture ne voit plus dans les végétaux qu’une
source de profit financier. Le charme est en quelque sorte rompu, remplacé par
la spéculation froide des samouraïs de l’économie.
Alors
s’amorce un appauvrissement sans précédent du patrimoine domestique génétique.
Un processus d’usurpation graduelle se met en route avec l’accaparement de ce
bien commun que l’on appelle semence, à savoir le principe même de la vie et de
la survie. Peu de citoyens sont vraiment conscients de ce « hold-up »
qui est fait au détriment de l’ensemble de l’humanité par des confréries de
profiteurs internationaux. Pire encore, les confrères ont réussi à se donner
l’image de bienfaiteurs de leur semblables et peut-être même que certains en
sont profondément convaincus. La mainmise sur le fondement de la pérennité des
végétaux indispensable à la pérennité de l’humanité donne un pouvoir exorbitant
à ceux qui la détiennent.
Le dernier avatar de ce
dernier courant qui convulse la planète concerne les organismes génétiquement
modifiés et… brevetés. Avec les OGM, nous atteignons le summum de la
transgression car nous portons atteinte à la logique fondamentale de la vie, à
l’ordre strict qu’elle a établi pour garder sa cohérence, sa pérennité et son
intégrité. Dans ce registre, la recherche devient un alibi très présentable
permettant à des scientifiques, subjugués par leur magistère, des firmes en mal
de diversification pour de nouveaux secteurs de profit et à des politiciens
consentants, complices ou impuissants de se coaliser pour jouer aux dés le
destin collectif. Car nous sommes déjà bien habitués à des « nuisances
scientifiques » engagées avec la certitude proclamée de leur innocuité.
Une apocalypse biologique au sein de la nature et des pathologies jusque là
inconnues, affectant les animaux et les humains, ne sont pas à exclure.
Quant à l’argument selon
lequel c’est avec les OGM que l’on résoudra les problèmes de la faim dans le
monde, non seulement il ne résiste pas à une analyse objective, mais les
conséquences agronomiques, économiques et sociales désastreuses sont déjà le
lot d’un nombre toujours croissant de petits paysans du Tiers-monde en
particulier, acculés au suicide. Les OGM sont une grande imposture que l’agroécologie ne peut en aucun cas
valider.
Le monde politique n’ayant
cure de ces problèmes pourtant majeurs, c’est encore des individus de la
société civile qui les prennent en charge avec la force de leur conviction et
la faiblesse de leurs moyens. Des associations s’organisent pour préserver et
propager, par la création de petits conservatoires, telle ou telle espèce
menacée de disparaître. Des semenciers militants se spécialisent dans les
variétés traditionnelles reproductibles, transmissibles.
Ainsi, pendant que des
intérêts parfois sordides endoctrinent, manipulent et créent du consentement
auprès d’une opinion mal informée pour faire accepter ses appétits mercantiles,
l’héritage génétique constitué depuis des millénaires et dont l’innocuité,
l’adaptabilité, la reproductibilité, et l’efficacité alimentaires ne sont plus
à démontrer ne cesse de disparaître chaque jour et de façon irréversible pour
certaines espèces. Il va de soi que l’agroécologie ne peut souscrire à ce
désastre et doit au contraire, de toutes les manières possibles, contribuer à
l’arrêter. La sauvegarde de la biodiversité végétale est une de ses grandes
priorités. »
5. Bilan et quelques Points forts
Maintenant, je vais devoir
répondre, comme mes petits camarades, à la 2ème question, question
double que je leur ai systématiquement posée :
« Quel bilan tires-tu de ce séjour ? et
quels ont été pour toi, les points les plus forts ? »
Le bilan sur le sol malien
est pour moi, plus que positif, d’abord parce qu’il a répondu très largement à
mes motivations initiales et à mes interrogations.
Quant aux autres points
forts, ils ont été très nombreux :
bien sûr la proximité, la
simplicité, la facilité d’échanges, et même une amicale complicité avec Pierre
Rabhi, porteuse de perspectives et d’espérance,
6. Suites
Au
retour, les suites du voyage me paraissent importantes : 4 émissions radio
à la VDB sur le Mali, diffusées de mars à juin 2006, et comme prévu, une
dizaine d’interventions avec présentation du voyage appuyée par video
projection (jeunes, anciens, associations, écoles,…), et une bonne dizaine en
petit comité à l’ordinateur portable, …bien sûr des messages amicaux et
échanges de photos avec les autres participants et puis aussi beaucoup
d’échanges informels lors de diverses rencontres, randonnées en montagne…etc.
7. Perspectives
Voilà
ce compte-rendu de voyage va s’achever. J’ai évoqué le rôle déclencheur joué
par la radio Voix du Béarn (la VDB) dans la genèse de ce voyage à travers la
rencontre avec Pierre Rabhi, puis l’adhésion à l’association « Terre et
Humanisme », débouchant sur ce séminaire à Tacharane. Il me semble qu’une
synergie entre les deux, la VDB, une radio qui se veut humaniste et TH,
pourrait être riche de perspectives. L’avenir, plein d’incertitudes, nous le
dira très prochainement puisque, nouveau clin d’œil du destin, les Assemblées
Générales se tiennent presque en même temps : le 30 mai pour la VDB en
terre béarnaise et le 10 juin pour TH en terre ardéchoise. J’aurais beaucoup de
plaisir à être présent en ces deux rencontres.
8. Annonce prochaine émission
Chers
auditeurs, ces 4 derniers mois nous avons « radiophoniquement »
séjourné à Tacharane sur la boucle du Niger en relation avec trois ethnies
caractérisées toutes trois par une composante pastorale importante : les
Peuls, les Songhaï et les Touaregs. Eh bien le mois prochain, nous allons
poursuivre sur le pastoralisme avec trois jeunes amis de 16 ans, en 1ère
au lycée agricole de Montardon, qui sont partis en stage, à proximité de Pau,
en vallée d’Aspe avec une intéressante interrogation « Est-ce que les
bovins sont adaptés au système agro-pastoral ? ».
Chers
auditeurs, cette émission n’est pas encore tout à fait achevée, une surprise
vous attend. D’abord, ceux qui voudraient en savoir plus, pourront aller sur
les sites de « Terre et Humanisme » et de Pierre Rabhi. C’est très
facile, sur un moteur de recherche, vous cherchez les deux mots « Terre et
Humanisme », et ensuite un lien vous entraîne vers le site de Pierre
Rabhi. Vous me permettrez aussi de signaler le site de l’ami Maurice Oudet au
Burkina Faso, qui est aussi très dense, et dans le même esprit. Il suffit de
chercher sur un moteur de recherche « abcburkina » (en un seul mot
sans espace). Quant au site de radio Voix du Béarn, il vous est possible de
retrouver, sous forme écrite, après un délai raisonnable, tous les textes de
cette émission « Regards du Sud » : www.radio-voixdubearn.info
Mais
ce n’est pas fini, je vous adresse tout de suite mes salutations amicales et fraternelles,
en vous disant à très bientôt. Et pour terminer vraiment en beauté notre série
de 4 épisodes au Mali, la surprise annoncée est un cadeau, un magnifique conte,
intitulé « Le conte des 1000 et 1 oasis » écrit par Georgia Brunet,
et qui nous parle du monde dans lequel nous sommes, et d’un petit homme nommé
Pierre Rabhi. Pour tout comprendre, pour posséder la clé de ce conte, il faut
savoir qu’il est né dans une oasis sud algérienne et qu’il est à l’origine de
l’association « Oasis en tous lieux », dont s’occupe précisément
Georgia Brunet.
Le
conte des 1000 et une oasis par
Georgia Brunet
En
ce temps là, il y avait sur terre des seigneurs très riches et très puissants.
Ils étaient si fiers d’eux qu’ils se croyaient les plus intelligents, les plus
savants, et même… les plus généreux ! Leurs maisons étaient immenses et très
confortables, leurs salles de bain luxueuses, leurs lits moelleux, leurs
festins plantureux et leurs armées étaient puissantes et redoutables.
Ils pensaient que là-bas, dans un autre pays lointain, les humains avaient
besoin de leur intelligence, de leurs savoirs, de leurs techniques, de leurs
machines.
Or,
dans le propre pays des seigneurs très riches et très puissants un phénomène
nouveau et bizarre se produisit. Les seigneurs riches et puissants devenaient
de plus en plus riches et puissants, mais une partie de plus en plus importante
de la population autour d’eux devenait de plus en plus pauvre, démunie et
désespérée.
La terre elle-même souffrait car elle avait besoin d’amour et de respect et
elle ne recevait plus d’amour ni de respect, mais des nourritures chimiques
qu’elle n’aimait pas, distribuées par de grosses machines qui la violaient.
L’eau était souillée et trouble et n’apportait plus à la terre l’énergie de vie
dont elle a besoin. Alors les plantes ne recevaient plus cette énergie ; elles
poussaient vite, vite, trop vite et n’importe quand, sans respect du temps
nécessaire à leur maturation, sans respect pour la ronde des saisons. Certains
animaux dit-on devenaient fous, car ils recevaient une nourriture contre-nature
destinée à accélérer leur croissance.
L’air était chargé de pollution. Le soleil devenait de plus en plus cuisant,
car la terre était de moins en moins protégée par la couche d’ozone.
Alors
la terre, l’eau, l’air, le soleil se concertèrent et ils envoyèrent un message
d’urgence à un petit homme venu du pays lointain qui les aimait et qui était à
leur écoute. Il traduisit leur message :
« La terre est notre mère, elle vit, elle respire, elle se nourrit, elle n’est
pas inerte, insensible. L’arbre en tire la sève pour étendre ses ramures,
déployer son feuillage au soleil qui recharge et nourrit aussi. Et lorsque le
feuillage meurt, il se transforme sur la terre et redevient nourriture, si le
vent ne l’emporte ou les animaux ne le dilapident ou le feu ne le calcine.
Ainsi les animaux se nourrissent des plantes que la terre nourrit et les hommes
se nourrissent des animaux et des plantes. »
Dans le pays des riches seigneurs, certains dirent que ces paroles les avaient
touchés et que c’était bien.
Car le petit homme venu de loin savait de quoi il parlait : il aimait la terre,
il savait la soigner, il savait enseigner, il savait enseigner comment la
soigner et dans ce domaine il était plus savant que les seigneurs puissants et
très riches. Il aimait la terre, mais il aimait aussi les humains et il disait
:
« Le déséquilibre induit par l’organisation du monde actuel condamne à terme
cette société. »
Il proposait : « La solidarité entre ceux qui n’approuvent plus les règles
suicidaires du modèle dominant », « la recherche de l’autonomie à travers
l’innovation à la base, la reconquête de la créativité, d’un rapport plus
sensible à la réalité », « la revendication légitime à être davantage même s’il
faut avoir moins ».
Alors
dans le pays des puissants seigneurs très riches, des femmes et des enfants se
levèrent. Ils refusèrent le désespoir, le défaitisme, ils crurent en la force
de la vie et ils se groupèrent pour créer en tous lieux des « OASIS », des
lieux où la priorité serait donnée à la logique du vivant, c’est-à-dire à la
dynamique entre les espèces vivantes et les éléments, à la solidarité entre les
humains, à la conscience de leur appartenance à la terre.