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16ème émission juin 2006

(diffusion les 1er mardi du mois à 21h et les 3ème lundi à 20h30)

 

Agro écologie « Terre et Humanisme » au Mali (4ème partie)

 

 

 

Bonjour à toutes et bonjour à tous. Comme les trois précédentes, cette 16éme émission de « Regards du Sud » s’intitule « Agro écologie, Terre et Humanisme  au Mali » et nous allons nous retrouver à nouveau avec Pierre Rabhi à Tacharane à 20km au Sud-Est de Gao sur la boucle du Niger. Cette émission va donc achever la série d’interviews enregistrées en janvier 2006, à l’heure des bilans d’un séminaire exceptionnel, regroupant une vingtaine de participants et centré sur l’autosuffisance alimentaire en pays sahélien et l’agro écologie. Il s’agira donc aujourd’hui d’une auto-interview où j’apporterai mes propres réponses aux questions que j’ai infligées gentiment à une vingtaine de personnes et qui se résumaient en deux points : votre motivation initiale et votre bilan final. Ce sera en quelque sorte l’essentiel de mon « Compte-rendu de voyage ».

 

1.     En préalable

Pour les nouveaux auditeurs, vous me permettrez de rappeler qui est Pierre Rabhi et ce qu’est et ce qu’apporte l’agro écologie. « Pierre Rabhi, fondateur de l'association "Terre et Humanisme", pionnier de l'agriculture écologique, reconnu expert international pour la lutte contre la désertification, auteur et conférencier, il appelle à l'“insurrection des consciences” pour fédérer ce que l'humanité a de meilleur et cesser de faire de notre planète-paradis un enfer de souffrances et de destructions.

Devant l'échec de la condition générale de l'humanité et les dommages considérables infligés à la Nature, il nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à réaliser l'importance vitale de notre terre nourricière et à oeuvrer pour un monde uni, solidaire et respectueux de chacun, digne de l'entendement et de la conscience dont nous sommes tous dépositaires. »

Quant à l’agro écologie, au cœur de nos 4 émissions, elle repose sur deux réalités fondamentales :

*      le sol est un organisme vivant avec un métabolisme, et non un substrat destiné à recevoir des substances chimiques de synthèse,

*      l'agro écologie replace la terre nourricière dans le cadre plus large de l'environnement naturel. Elle préconise l'entretien et la régénération des écosystèmes dans une démarche globale.

Ses avantages sont multiples :

*      elle permet un développement agricole durable et reproductible,

*      elle est applicable par les paysans les plus démunis qu'elle affranchit d'intrants coûteux,

*      elle régénère et dynamise les sols : productivité, résistance à l'érosion par des travaux d'aménagement antiérosifs, reboisement, protection contre le vent, association de l'agriculture et de l'élevage, etc.,

*      elle est facteur d'autonomie et libère de la dépendance.

 

2.     Synthèse interviews précédentes

Pour les nouveaux auditeurs, je voudrais aussi revenir un instant sur les 3 précédentes émissions, où j’avais interviewé 17 personnes, c’est-à-dire 5 personnes de « Terre et Humanisme », dont Pierre Rabhi et 2 bénévoles formateurs, ainsi que 12 participants de tous âges, de toutes formations, de tous horizons, des jeunes et des plus anciens en recherche ou en projet. Beaucoup découvrait l’Afrique noire, notamment les plus jeunes qui ont souvent prolongé leur séjour, parfois en appui d’un autre projet dans un autre pays africain.

Les points forts qu’ils ont exprimés s’articulent autour de 4 axes : l’Afrique et les maliens, le désert et le Niger, l’agro écologie et la qualité des échanges humains aussi bien entre participants qu’avec les maliens. Et je les cite : « pays de grand dénuement et de grande générosité », « ce qui m'a le plus impressionnée ici, ceux sont ces beaux jardins au milieu du désert », « il y a une profondeur dans les échanges que j’ai rarement vue »,  « dans l'ensemble vraiment, ce qui m'a le plus touché, c'est cette joie de vivre qu'ont les habitants ici, ils vivent dans la misère, ils ont quelque chose de joyeux au fond d'eux que nous n'avons pas finalement, nous en Occident... », et puis aussi en bloc l’apprentissage de techniques, les convergences d’idées entre jeunes et anciens, la rencontre de deux cultures, de deux sociétés, la façon de vivre, la flore, la faune, l’habitat, l’environnement du désert et la vallée du Niger, la prise de conscience de la complexité des problèmes, l’importance de l’apprentissage des savoirs, qui demande du temps, et de la transmission qui doit se faire pour être efficace de façon simple, les contacts avec les jardiniers, leur émerveillement devant le compost qui permet de planter en plein désert…

 

3.     Motivations initiales et Objectifs de ce voyage

A présent, après ces nécessaires rappels, il m’appartient d’essayer de répondre à la question que j’ai systématiquement posée à chacun « Pourquoi es-tu venu à Tacharane ? »

Pour faire simple, il me semble que cela résulte pour moi d’un enchaînement d’expériences, de circonstances, de hasards et de déclics que je m’en vais brièvement disséquer.

 

L’élément majeur est la radio Voix du Béarn : depuis un an et demi, j’anime la présente émission mensuelle « Regards du Sud » au sous-titre plus explicite  « Comment construire tous ensemble un monde plus fraternel ? ». Ces émissions sont une alchimie de mémoire, de recherches, de rencontres et de réflexions. C’est dans ce cadre-là, que j’ai pris conscience que l’agriculture était un levier primordial du changement et que la terre nourricière çà voulait vraiment dire quelque chose, c’est aussi dans ce cadre que j’ai eu un long et dense échange avec Pierre Rabhi en juillet 2005 chez lui à Montchamp, dans mon Ardèche familiale. Il y a une quinzaine d’années, je l’avais déjà croisé lors d’un colloque à Montpellier et j’avais été impressionné par cet homme, son parcours, son Humanisme, son humilité et son charisme. Bien sûr, cet été 2005, j’étais aussi allé au siège de l’association TH au mas Beaulieu à Lablachère, où j’avais fait le plein  de ses ouvrages et bien sûr j’avais adhéré à l’association.

Le déclic, ce fut quelques mois plus tard en octobre 2005, à la réception de la revue de l’association TH, une immense joie à double cause : d’abord l’annonce d’un voyage-séminaire « Parole de Terre » au Mali à Tacharane en janvier 2006 et puis l’annonce d’une prochaine représentation d’une pièce de théâtre intitulée  « Parole de Terre », tirée d’un ouvrage de même nom dont l’auteur est Pierre Rabhi. Cela était prévu à Cestas en Gironde le 20 novembre 2005 avec la troupe bordelaise « Les enfants du paradis ». Ma réponse à ces deux annonces est enthousiaste et positive concrétisée par des inscriptions immédiates. Le voyage est décidé et j’irais préalablement voir cette pièce.

Mais allons plus loin, quelles sont mes motivations profondes ?

Elles sont multiples :

  1. l’amour de l’Afrique, où j’étais jusqu’alors fidèle au Burkina Faso avec 4 voyages, 
  2. une dimension affective forte partagée par ma proche famille : mon frère aîné, décédé à 30ans avait été enseignant en coopération au Mali à Ségou, et je savais que j’irais un jour au Mali sur ses traces,
  3. la possibilité d’échanges avec Pierre Rabhi, un homme à mes yeux et je pèse mes mots, exceptionnel parmi les plus exceptionnels,
  4. l’intérêt de comparer la conduite de projets par TH avec mes propres pratiques,
  5. me faire une opinion in situ sur l’agro écologie, alternative ou non à l’agriculture chimique,
  6. l’expérience qui me passionne toujours de la gestation du « vivre ensemble » dans un groupe nouveau,
  7. l’espoir d’enregistrer 1 ou 2 émissions radio, peut-être même quelques minutes avec Pierre Rabhi,
  8. la prise d’images, à l’appareil numérique, pour partager au retour lors d’une dizaine d’interventions tous azimuts (jeunes, anciens, associations, écoles,…),
  9. la contemplation du ciel tropical et la joie de faire découvrir les merveilles du ciel, avec les trois maîtres mots : connaître, comprendre, contempler,
  10. Et puis aussi, j’avoue beaucoup apprécier, de temps en temps, de ne pas être l’organisateur et aux premières loges, c’est plus reposant et on est plus disponible,
  11. Et enfin, j’ai l’intuition profonde, que ce séjour sera très fécond, sans savoir à priori, où cela pourra m’entraîner…

 

J’ai cité l’amour de l’Afrique.

Vous me permettrez de m’y arrêter un instant. J’ai consacré toute une émission, la huitième, à ce vaste sujet sous le titre « Qu’avons-nous à apprendre de l’Afrique ? ».

J’égrenais ainsi un inventaire à la Prévert des apports potentiels traditionnels de l’Afrique :

un riche héritage d’expériences sociales, la palabre démocratique, les formes d’organisation collective du travail, la solidarité, le sens du don et du partage, une certaine vision du temps, la patience, l’endurance, la capacité d’écoute, la façon d’être avec les « vieux », la sagesse, une sorte de tolérance fondamentale, une qualité de l’espace entre les gens, une extraordinaire vitalité, une force vitale bouillonnante, la joie, le rire contagieux, la qualité de l’hospitalité, une générosité débordante, un optimiste fondamental, le sens du sacré, enfin et en résumé, une étonnante richesse humaine et culturelle.

 

4.     Voyage lui-même, et projet Tacharane

Un mot sur la préparation du voyage qui est pour moi une dimension importante de celui-ci. La préparation matérielle a été très rapide dans la mesure où je n’étais pas organisateur et où un an plus tôt j’étais au Burkina Faso et donc parfaitement au clair côté vaccinations, et équipé côté paquetage…etc.

Quant à la préparation autre que matérielle, toujours essentielle à mes yeux, elle s’est appuyée sur des lectures ou relectures d’ouvrages de Pierre, de recherches diverses sur le Mali (ouvrages écrits, sites internet), de consultation de documents personnels… Eh bien sûr, la pièce de théâtre « Parole de Terre » à Cestas a fait aussi partie de cette préparation. J’ai trouvé, comme la majorité des spectateurs, cette pièce bouleversante avec une remarquable mise en scène qui exprime avec une extraordinaire puissance la substance du livre de Pierre.

 

Quelques mots et quelques chiffres sur le Mali.

C’est l’un des pays les plus pauvres de la planète : au classement « Indicateur de Développement Humain » (IDH), il est le 4ème plus pauvre après le Niger, le Sierra Leone, et juste derrière le Burkina Faso.

Il y a 11 millions d’habitants  pour une superficie  4 fois comme la France.  Capitale Bamako, le pays est à la fois désert, sahel, zone soudanaise traversé par le fleuve Niger,

Le Mali a une histoire importante avec 3 empires : du Ghana (8-11ème s), du Mali (13-14ème), Songhaï (14-16ème), la colonisation c’était à partir de 1855 et l’indépendance en 1959.

Quelques mots aussi sur Tacharane et le projet :

Tacharane, région de GAO (Gao 70000h),

Située sur les deux rives du fleuve Niger.
Nombre d'habitants : 8 000  Trois ethnies cohabitent : songhaï (cultivateurs et pêcheurs), peuls et touareg (tamacheks).

 

Activités économiques : agriculture (riz), élevage, pêche, artisanat.
Le projet à Tacharane est de développer l’agriculture écologique vivrière et de marché pour la sécurité alimentaire au niveau de Tacharane, de sa région et au plan national et international par démultiplication.

La création du centre agro écologique de Tacharane, centre permanent de formation à l’agro écologie, est très importante.

Le projet est fondé sur la participation des habitants : création de 20 unités de productions agro écologiques viables, de grands jardins maraîchers sous la responsabilité de groupements de femmes (où il est question de compost, semences, association de plantes), construction de diguettes filtrantes antiérosives, banque de céréales appelée aussi grenier de prévoyance, coopérative maraîchage etc…

Le programme du séminaire était dense et équilibré : échanges, conférences, ateliers pratiques (diguettes, compost, semences…), visite au village (marché), visite des zones rizicoles en pirogue, traversée du Niger en pinasses, rencontres avec paysans agriculteurs et éleveurs et avec pêcheurs, fête touareg (bergers et danses traditionnelles), présentation d’un ouvrage sur le conflit, la guerre même en 1990/94 entre cultivateurs et éleveurs, visite de Gao.

 

Pour bien comprendre l’essentiel et la dimension de ce séminaire, je vous propose un texte où Pierre Rabhi développe le thème de la biodiversité, en répondant indirectement aux actuelles énormes campagnes médiatico-publicitaires en faveur des OGM. Son texte est intitulé :

 

« Sauvegardons les semences de la vie »

« Depuis la naissance de l’agriculture, les humains n’ont cessé d’intégrer des végétaux dans leur menu augmentant sans cesse leur potentiel alimentaire, l’améliorant, l’adaptant à leur usage spécifique pour se nourrir, se soigner, se vêtir, construire leur abri, mais aussi en savourer les parfums, les arômes, les couleurs, la beauté et la subtilité.

Selon les latitudes et les climats, la toison de jade du monde végétal est infiniment diversifiée. Même les déserts les plus torrides et les plus froids recèlent des végétaux dont les prouesses d’adaptation semblent révéler une sorte d’intelligence par des stratagèmes extraordinaires pour survivre, des « techniques » très élaborées pour se reproduire, se propager, agrandir leur territoire, résister à l’adversité, au chaud et au froid, tirer parti des maigres ressources en eau…etc.
Avec l’ère de la technoscience, de la productivité, de la marchandisation et du profit financier sans limite, la donne change brutalement. L’application des principes industriels à l’agriculture ne voit plus dans les végétaux qu’une source de profit financier. Le charme est en quelque sorte rompu, remplacé par la spéculation froide des samouraïs de l’économie.

Alors s’amorce un appauvrissement sans précédent du patrimoine domestique génétique. Un processus d’usurpation graduelle se met en route avec l’accaparement de ce bien commun que l’on appelle semence, à savoir le principe même de la vie et de la survie. Peu de citoyens sont vraiment conscients de ce « hold-up » qui est fait au détriment de l’ensemble de l’humanité par des confréries de profiteurs internationaux. Pire encore, les confrères ont réussi à se donner l’image de bienfaiteurs de leur semblables et peut-être même que certains en sont profondément convaincus. La mainmise sur le fondement de la pérennité des végétaux indispensable à la pérennité de l’humanité donne un pouvoir exorbitant à ceux qui la détiennent.

Le dernier avatar de ce dernier courant qui convulse la planète concerne les organismes génétiquement modifiés et… brevetés. Avec les OGM, nous atteignons le summum de la transgression car nous portons atteinte à la logique fondamentale de la vie, à l’ordre strict qu’elle a établi pour garder sa cohérence, sa pérennité et son intégrité. Dans ce registre, la recherche devient un alibi très présentable permettant à des scientifiques, subjugués par leur magistère, des firmes en mal de diversification pour de nouveaux secteurs de profit et à des politiciens consentants, complices ou impuissants de se coaliser pour jouer aux dés le destin collectif. Car nous sommes déjà bien habitués à des « nuisances scientifiques » engagées avec la certitude proclamée de leur innocuité. Une apocalypse biologique au sein de la nature et des pathologies jusque là inconnues, affectant les animaux et les humains, ne sont pas à exclure.

Quant à l’argument selon lequel c’est avec les OGM que l’on résoudra les problèmes de la faim dans le monde, non seulement il ne résiste pas à une analyse objective, mais les conséquences agronomiques, économiques et sociales désastreuses sont déjà le lot d’un nombre toujours croissant de petits paysans du Tiers-monde en particulier, acculés au suicide. Les OGM sont une grande imposture  que l’agroécologie ne peut en aucun cas valider.

Le monde politique n’ayant cure de ces problèmes pourtant majeurs, c’est encore des individus de la société civile qui les prennent en charge avec la force de leur conviction et la faiblesse de leurs moyens. Des associations s’organisent pour préserver et propager, par la création de petits conservatoires, telle ou telle espèce menacée de disparaître. Des semenciers militants se spécialisent dans les variétés traditionnelles reproductibles, transmissibles.

Ainsi, pendant que des intérêts parfois sordides endoctrinent, manipulent et créent du consentement auprès d’une opinion mal informée pour faire accepter ses appétits mercantiles, l’héritage génétique constitué depuis des millénaires et dont l’innocuité, l’adaptabilité, la reproductibilité, et l’efficacité alimentaires ne sont plus à démontrer ne cesse de disparaître chaque jour et de façon irréversible pour certaines espèces. Il va de soi que l’agroécologie ne peut souscrire à ce désastre et doit au contraire, de toutes les manières possibles, contribuer à l’arrêter. La sauvegarde de la biodiversité végétale est une de ses grandes priorités. »

 

5.     Bilan et quelques Points forts

Maintenant, je vais devoir répondre, comme mes petits camarades, à la 2ème question, question double que je leur ai systématiquement posée :

« Quel bilan tires-tu de ce séjour ? et quels ont été pour toi, les points les plus forts ? »

Le bilan sur le sol malien est pour moi, plus que positif, d’abord parce qu’il a répondu très largement à mes motivations initiales et à mes interrogations.

  1. Les relations ont été excellentes entre tous, blancs et noirs, jeunes et vieux, ce qui n’est pas très étonnant dans la mesure où les participants partageaient à priori des valeurs et aspirations voisines.
  2. Ensuite parce que je suis profondément convaincu aujourd’hui que l’agro écologie est bien une alternative réelle à l’agriculture chimique. Cette conviction s’appuie sur ce que j’ai vu, sur les nombreux échanges avec tous, bien sûr avec Pierre, mais également avec les « pros » de la terre ( Adama, Didier, Philippe, Raphaël, Mickaël, etc…). Les magnifiques jardins en plein désert en sont aussi une démonstration époustouflante.

Quant aux autres points forts, ils ont été très nombreux :

bien sûr la proximité, la simplicité, la facilité d’échanges, et même une amicale complicité avec Pierre Rabhi, porteuse de perspectives et d’espérance,

  1. j’ai aussi beaucoup apprécié d’enregistrer 17 interview-bilan, les dernières 24h de notre séjour, assis sur le sable ou à genoux, à l’écoute de paroles vraies qui se voulaient partages, souvent devant un parterre de jeunes africains attentifs ; un grand merci à tous les interviewés,
  2. j’ai aimé retrouver le ciel tropical, l’expliquer et le montrer aux jumelles aussi bien aux hommes à chèche qu’aux visages pâles,
  3. une mention particulière pour la foule des enfants, qui répétaient après moi, en se déchaînant et en respectant tonalité, rythme et fantaisie les sons « oh benono, oh yoyo benono, oh yé benonoyé, ouélé ouélé,  maluma ma cassé » et qui, en retour, ont chanté spontanément un soir quelques chants de chez eux,
  4. j’ai aimé aussi un footing matinal sur le plateau voisin, footing solitaire à l’exception d’un énorme lièvre que j’ai salué au passage, j’ai aimé la douche au pulvérisateur avec 1/2l d’eau maxi, une balade en dromadaire, la fête des bergers touareg, les parcours en pirogue sur les zones rizicoles et en pinasse au long du mythique fleuve Niger,
  5. la forte émotion ressentie lors des cadeaux de semences aux cultivateurs,
  6. en final, le dernier soir à Gao, concert avec le groupe touareg Tinariwen, et triomphe de notre cameraman Nicolas acclamé sur la piste de danse.

6.     Suites

Au retour, les suites du voyage me paraissent importantes : 4 émissions radio à la VDB sur le Mali, diffusées de mars à juin 2006, et comme prévu, une dizaine d’interventions avec présentation du voyage appuyée par video projection (jeunes, anciens, associations, écoles,…), et une bonne dizaine en petit comité à l’ordinateur portable, …bien sûr des messages amicaux et échanges de photos avec les autres participants et puis aussi beaucoup d’échanges informels lors de diverses rencontres, randonnées en montagne…etc.

 

7.     Perspectives

Voilà ce compte-rendu de voyage va s’achever. J’ai évoqué le rôle déclencheur joué par la radio Voix du Béarn (la VDB) dans la genèse de ce voyage à travers la rencontre avec Pierre Rabhi, puis l’adhésion à l’association « Terre et Humanisme », débouchant sur ce séminaire à Tacharane. Il me semble qu’une synergie entre les deux, la VDB, une radio qui se veut humaniste et TH, pourrait être riche de perspectives. L’avenir, plein d’incertitudes, nous le dira très prochainement puisque, nouveau clin d’œil du destin, les Assemblées Générales se tiennent presque en même temps : le 30 mai pour la VDB en terre béarnaise et le 10 juin pour TH en terre ardéchoise. J’aurais beaucoup de plaisir à être présent en ces deux rencontres.

 

8.     Annonce prochaine émission

Chers auditeurs, ces 4 derniers mois nous avons « radiophoniquement » séjourné à Tacharane sur la boucle du Niger en relation avec trois ethnies caractérisées toutes trois par une composante pastorale importante : les Peuls, les Songhaï et les Touaregs. Eh bien le mois prochain, nous allons poursuivre sur le pastoralisme avec trois jeunes amis de 16 ans, en 1ère au lycée agricole de Montardon, qui sont partis en stage, à proximité de Pau, en vallée d’Aspe avec une intéressante interrogation « Est-ce que les bovins sont adaptés au système agro-pastoral ? ». 

Chers auditeurs, cette émission n’est pas encore tout à fait achevée, une surprise vous attend. D’abord, ceux qui voudraient en savoir plus, pourront aller sur les sites de « Terre et Humanisme » et de Pierre Rabhi. C’est très facile, sur un moteur de recherche, vous cherchez les deux mots « Terre et Humanisme », et ensuite un lien vous entraîne vers le site de Pierre Rabhi. Vous me permettrez aussi de signaler le site de l’ami Maurice Oudet au Burkina Faso, qui est aussi très dense, et dans le même esprit. Il suffit de chercher sur un moteur de recherche « abcburkina » (en un seul mot sans espace). Quant au site de radio Voix du Béarn, il vous est possible de retrouver, sous forme écrite, après un délai raisonnable, tous les textes de cette émission « Regards du Sud » :   www.radio-voixdubearn.info

Mais ce n’est pas fini, je vous adresse tout de suite mes salutations amicales et fraternelles, en vous disant à très bientôt. Et pour terminer vraiment en beauté notre série de 4 épisodes au Mali, la surprise annoncée est un cadeau, un magnifique conte, intitulé « Le conte des 1000 et 1 oasis » écrit par Georgia Brunet, et qui nous parle du monde dans lequel nous sommes, et d’un petit homme nommé Pierre Rabhi. Pour tout comprendre, pour posséder la clé de ce conte, il faut savoir qu’il est né dans une oasis sud algérienne et qu’il est à l’origine de l’association « Oasis en tous lieux », dont s’occupe précisément Georgia Brunet.

 

Le conte des 1000 et une oasis    par Georgia Brunet

      En ce temps là, il y avait sur terre des seigneurs très riches et très puissants. Ils étaient si fiers d’eux qu’ils se croyaient les plus intelligents, les plus savants, et même… les plus généreux ! Leurs maisons étaient immenses et très confortables, leurs salles de bain luxueuses, leurs lits moelleux, leurs festins plantureux et leurs armées étaient puissantes et redoutables.
Ils pensaient que là-bas, dans un autre pays lointain, les humains avaient besoin de leur intelligence, de leurs savoirs, de leurs techniques, de leurs machines.

       Or, dans le propre pays des seigneurs très riches et très puissants un phénomène nouveau et bizarre se produisit. Les seigneurs riches et puissants devenaient de plus en plus riches et puissants, mais une partie de plus en plus importante de la population autour d’eux devenait de plus en plus pauvre, démunie et désespérée.
La terre elle-même souffrait car elle avait besoin d’amour et de respect et elle ne recevait plus d’amour ni de respect, mais des nourritures chimiques qu’elle n’aimait pas, distribuées par de grosses machines qui la violaient.
L’eau était souillée et trouble et n’apportait plus à la terre l’énergie de vie dont elle a besoin. Alors les plantes ne recevaient plus cette énergie ; elles poussaient vite, vite, trop vite et n’importe quand, sans respect du temps nécessaire à leur maturation, sans respect pour la ronde des saisons. Certains animaux dit-on devenaient fous, car ils recevaient une nourriture contre-nature destinée à accélérer leur croissance.
L’air était chargé de pollution. Le soleil devenait de plus en plus cuisant, car la terre était de moins en moins protégée par la couche d’ozone.

       Alors la terre, l’eau, l’air, le soleil se concertèrent et ils envoyèrent un message d’urgence à un petit homme venu du pays lointain qui les aimait et qui était à leur écoute. Il traduisit leur message :
« La terre est notre mère, elle vit, elle respire, elle se nourrit, elle n’est pas inerte, insensible. L’arbre en tire la sève pour étendre ses ramures, déployer son feuillage au soleil qui recharge et nourrit aussi. Et lorsque le feuillage meurt, il se transforme sur la terre et redevient nourriture, si le vent ne l’emporte ou les animaux ne le dilapident ou le feu ne le calcine. Ainsi les animaux se nourrissent des plantes que la terre nourrit et les hommes se nourrissent des animaux et des plantes. »
Dans le pays des riches seigneurs, certains dirent que ces paroles les avaient touchés et que c’était bien.
Car le petit homme venu de loin savait de quoi il parlait : il aimait la terre, il savait la soigner, il savait enseigner, il savait enseigner comment la soigner et dans ce domaine il était plus savant que les seigneurs puissants et très riches. Il aimait la terre, mais il aimait aussi les humains et il disait :
« Le déséquilibre induit par l’organisation du monde actuel condamne à terme cette société. »
Il proposait : « La solidarité entre ceux qui n’approuvent plus les règles suicidaires du modèle dominant », « la recherche de l’autonomie à travers l’innovation à la base, la reconquête de la créativité, d’un rapport plus sensible à la réalité », « la revendication légitime à être davantage même s’il faut avoir moins ».

       Alors dans le pays des puissants seigneurs très riches, des femmes et des enfants se levèrent. Ils refusèrent le désespoir, le défaitisme, ils crurent en la force de la vie et ils se groupèrent pour créer en tous lieux des « OASIS », des lieux où la priorité serait donnée à la logique du vivant, c’est-à-dire à la dynamique entre les espèces vivantes et les éléments, à la solidarité entre les humains, à la conscience de leur appartenance à la terre.