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14ème émission avril 2006

(diffusion les 1er mardi du mois à 21h et les 3ème lundi à 20h30)

 

Agro écologie « Terre et Humanisme » au Mali (2ème partie)

 

 

Bonjour à toutes et bonjour à tous. Comme la précédente, cette 14éme émission de « Regards du Sud » va nous retrouver au Mali, plus précisément à Tacharane prés de Gao, sur le fleuve Niger, avec Pierre Rabhi et l’association « Terre et Humanisme ». Vous me permettrez de rappeler que ce fut un séminaire exceptionnel centré sur des questions vitales : l’autosuffisance alimentaire en pays sahélien et l’agro écologie.

Cette émission va donc poursuivre la série d’interviews enregistrées à l’heure des bilans. Vous allez entendre sept participants de tous âges et de motivations voisines. Leur recherche, leur engagement et leurs témoignages sont porteurs d’espoir dans un monde qui en a grand besoin.

Ne soyez pas surpris par l’acoustique du mini studio, un modeste enregistreur numérique, souvent installé au milieu de bruits africains à même le sable à Tacharane et aussi à Gao.

 

1.     Anita Pellegrinelli Castan

Nous sommes dans l’aéroport de Gao, à quelques heures du retour, et je suis avec Anita, qui est la coordinatrice du projet à Tacharane, alors Anita va déjà se présenter et puis nous dire le rôle qu’elle joue et puis nous parler assez longuement de ce projet. A toi Anita.

Oui, bonjour. Je suis secrétaire du conseil d’administration de « Terre et Humanisme », j’anime l’équipe de « Terre et Humanisme » dans toutes ses activités et aujourd’hui, je viens avec la casquette d’animatrice et responsable du projet de Tacharane, qui est l’accompagnement agro écologique d’un village de 8000 h, étalé sur 18 km de part et d’autre du Niger. Tacharane est à 20km de Gao, vraiment à l’Est de Gao.  

Notre rencontre avec Tacharane date bientôt de 10 ans, notre souci, c’est d’aider cette population à être en autonomie alimentaire et, pour ce faire, nous accompagnons la création d’une vingtaine d’unités de production agro écologique, qui consiste à organiser sur à peu prés un ha de terre clôturée avec un puits, un jardin, de façon agro écologique, suivant les techniques de Pierre Rabhi. Au-delà de ces vingt unités de production qui sont animées par des associations de femmes, en parallèle se trouve, ce qui est central à Terre et Humanisme, la formation à l’agro écologie , à la fois de formateurs, d’animateurs et de jardiniers. Et comme Tacharane est au pied d’une colline, nous sommes tributaires de problèmes d’érosion, donc il y a tout un travail anti-érosion qui a été mis en place suivant les traditions de diguettes et de micro barrages, pour ralentir l’eau et permettre aussi à la végétation de repousser puisque nous sommes en milieu sahélien.

 

Et, au niveau de l’organisation. Pourrais-tu nous dire quelques mots sur l’organisation à la fois coté « Terre et Humanisme » et côté malien. Comment s’organisent les rapports ?

Alors, lorsque nous sommes arrivés, nous avons été interpellés par pléthore d’associations, et il était difficile d’envisager de soutenir une association plutôt qu’une autre, et pour faciliter l’organisation, Pierre Rabhi a proposé la création d’une fédération de toutes les associations, qu’ils ont appelé « Union pour un Avenir Ecologique et Solidaire » l’UAVES. Et l’UAVES devient notre partenaire direct, et ce sont les associations adhérentes à l’UAVES qui profitent de notre action. L’association UAVES est menée naturellement par un Conseil d’Administration, c’est une association du même type que la nôtre, loi 1901, le Mali c’est 1958. Donc, il y a un Conseil d’Administration, et il y a une coordination, une équipe de terrain, qui est là pour mettre en acte tous ces programmes et qui est tenue essentiellement par trois personnes qui sont pour deux, ingénieurs agronomes et le 3ème qui est, je dirais, un paysan éclairé de Tacharane. Adama est mon homologue malien, animateur et responsable du projet de Tacharane

 

Nous sommes à l’issue du séminaire annuel à Tacharane, le 2ème, je crois. Quel bilan peux-tu faire, étant donné que tu l’as porté très lourdement sur tes épaules ?

Alors, c’est pas le 2ème, c’est le 5ème. C’est le 2ème que j’anime vraiment, mais moi-même, je suis arrivée dans un séminaire en 2002, et, à partir de là, je me suis impliquée dans cette histoire.

C’est un moment très fort, où il y a la rencontre de deux cultures, la rencontre de deux sociétés, et puis aussi, à l’intérieur du séminaire la rencontre de différentes générations, de différents milieux sociaux, c’est vraiment d’une richesse qui me paraît très intéressante et porteuse d’espoir pour l’agro écologie comme l’entend Pierre Rabhi, l’agro écologie où l’Homme est au cœur de la Nature et dans la Nature, c’est la Nature qui nous lie dans cette histoire.

Eh bien merci Anita pour ton témoignage et aussi pour l’énergie que tu dépenses dans cette belle entreprise de Tacharane. Merci.

 

2.     Michel Nora

Après avoir entendu Anita, la responsable, coordinatrice du programme coté « Terre et Humanisme », nous nous tournons vers un des 20 participants de base, comme moi, bénéficiaires de ce séminaire.

Alors Michel, tu as participé au séminaire d’une semaine à Tacharane, nous allons rentrer en France. Présente-toi un petit peu et puis dis-nous comment tu es venu à Tacharane.

Eh bien, je suis retraité, nous avions entendu parler de Pierre Rabhi, et une de nos amies avait participé à un séminaire au Maroc avec lui, et elle nous a recommandé ce séminaire et nous avons appris qu’il y en avait un qui s’organisait à Gao, et nous avons donc décidé d’y aller.

Pour ma part, j’appréhendais un peu, j’ai du prendre l’avion pour la 1ère fois, et d’autre part, nous avons une méthode alimentaire un peu originale qui consiste à manger tout cru, et on nous avait dit que ce serait difficile de nous donner des fruits, des légumes, et toutes sortes de noix crues. Dans l’endroit où nous étions, nous avons pu nous débrouiller correctement et le stage a été très intéressant.

Bien entendu nous avions déjà des affinités avec Pierre Rabhi, aussi bien au niveau de la techno critique, qu’au niveau du jardinage, qu’au niveau de son idée de replacer l‘Homme au centre de son biotope.

 

Michel, s’il fallait quand même essayer de déceler les points les plus forts que vous avez vécus à ce séminaire avec ton épouse puisque vous êtes venus en couple, quels seraient ces points les plus forts dans un groupe d’une vingtaine de personnes, de tous âges, de toutes origines ?

Les points les plus forts, l’échange humain, certainement, il faut le dire, bien que c’est plutôt un choc pour nous qui vivons dans un département sous peuplé comme le Lot, où l’on est constamment confronté à la compagnie des autres. Cela fait vraiment un contraste important.

En ce qui me concerne, j’étais extrêmement intéressé par la façon de vivre des habitants du village où nous sommes allés, par la flore, la faune, l’environnement du désert et de la vallée du Niger, l’habitat.

 

Finalement, on peut dire que cela correspondait à ce que vous en attendiez.

Oui, oui, en fait quand on part en voyage comme ça et qu’on a quand même un bagage culturel, on est capable de se faire des idées, mais le fait d’être confrontés avec la réalité, apporte à tout ce qui nous a été rapporté, même par l‘image, une réalité, une présence qui font, à mon avis, tout l’intérêt des voyages pour qui que ce soit, aussi bien pour les jeunes du groupe, que pour les moins jeunes et les plus vieux.

Eh bien merci Michel pour ce témoignage. Et puis à bientôt.

 

3.     Philippe Geay

Nous allons maintenant aller à la rencontre de Philippe,

Philippe qui va nous dire un peu d’abord qui il est et puis également qui va nous dire pourquoi il est venu à Tacharane.

Philippe, 63 ans, retraité, quel horrible mot, de l’Education Nationale, fasciné depuis extrêmement longtemps, depuis quarante ans par, je le dis un peu honteusement, par l’esthétique de l’art africain dans un premier temps, j’ai senti d’emblée quelque chose d’extrêmement puissant là.

La logique de tout ça, c’était un premier voyage, je dirais touristique, mais dont j’ai pas trop de scrupule à dire que, il était semi touristique chez les dogons, la fascination que je ressentais des œuvres de sculptures, masques, etc. je l’ai totalement retrouvée dans la falaise dogon au contact des populations, même si les contacts sont, dans ces cadres-là, relativement limités et puis la logique d’une vie qui tentait d’un bout à l’autre d’essayer de jouer sur un peu plus de justice sociale et d’un monde qui se voudrait quand même légèrement plus solidaire, c’est de passer après à une espèce d’action humanitaire même si dans le cadre-là, on nous a dit que l’action humanitaire, c’était pas l’humanisme.

Donc la logique c’est un premier contact au Burkina Faso pour essayer de voir ce qu’il en était dans un pays, le plateau mossi, extrêmement sec, extrêmement pauvre, un village de 1000 h avec un seul point d’eau et aucune culture légumière vivrière. Donc, premier contact, un an et demi de formation, enfin d’autoformation pour essayer de voir quels étaient les arbres qu’il serait sympathique et assez facile de planter, plantations réalisées en juillet 2005, puis ces plantations me paraissant être un premier point pour apporter, stabiliser l’eau, apporter de l’humus, etc. m’ont bien montré qu’il fallait passer après à ce que je ne connaissais pas au stade culture, d’où l’intérêt finalement de venir à ce stage de Tacharane, où là on était en très peu de temps, en huit jours, susceptible de récupérer une masse d’informations sur justement cet aspect cultural et novateur, extrêmement novateur et extrêmement fondamental.

Là, c’est aucune déception, parce que j’ai récupéré une information maximale, en plus, dans un contexte d’un séminaire de groupe intergénérationnel, donc un contact avec des jeunes pleins de dynamisme et de fougue, qui sont, je dirais, un petit peu la continuation de nos engagements, et puis sans doute aussi une prise de conscience de la complexité des problèmes dans la mesure où tout ce que j’ai vu là au bord du Niger avec quand même pas mal d’eau, est difficilement extrapolable au plateau sec mossi, mais ça fait appel forcément à un petit plus d’adaptations pour essayer d’adapter l’ensemble.

Maintenant, c’est au travail et avec plein d’espoir.

Merci Philippe et bon vent au Burkina Faso.

 

4.     Xabi Irigoyen

Après Philippe et son énergie débordante, le béarnais d’adoption que je suis, va se tourner vers un voisin et ami basque, Xabi.

Voilà, alors bonjour jeune Xabi. Tu es donc venu à Tacharane, nous nous sommes vus dans l’aéroport, nous avons sympathisé tout de suite. Et finalement pourquoi es-tu venu à Tacharane, et d’abord qui es-tu ?

Bonjour. Je m’appelle Xabi, j’ai 28 ans, je suis salarié agricole, je travaille dans une exploitation agricole au pays basque . Je suis venu à Tacharane pour, d’une part découvrir la culture et les gens du Mali et ensuite venir rencontrer Pierre Rabhi et tous ses collègues qui ont mis en place l’agro biologie.

Pour moi, ce séminaire représentait justement une approche de l’agro biologie parce que j’ai un projet avec une association qui se trouve à Oloron, qui s’appelle le Quetzal, et d’ailleurs j’envoie un bonjour à tous les habitants d’Oloron, de Monein et notamment à Michel Vanzemet.

Donc, j’ai un projet au Guatemala, où on voudrait mettre en place une culture vivrière, c’est-à-dire remplacer une culture de café par une culture vivrière. L’association est bien en place là-bas et donc voilà, je suis venu au Mali pour découvrir l’agro biologie, la théorie et la mise en pratique.

 

Cette semaine Xabi, comment s’est-elle passée ? es-tu content et as-tu perçu certains points très forts pour toi ?

Oui, la semaine s’est très bien passée, j’ai rencontré des gens formidables. Moi, les gros points forts, c’est essentiellement le contact avec les gens du Mali, les maliens, les songhaï, les bambaras. J’ai eu la chance de cohabiter dans la tente avec trois personnes qui étaient venus de Bamako, des bambaras. Voilà, c’est essentiellement le contact avec les gens, je garde un grand souvenir de Ibra, qui est le vacher qui nous a fourni le lait et de Mama, une personne aussi qui s’occupait des jardins avec qui j’ai fort sympathisé.

Merci jeune Xabi et nous attendrons tes nouvelles du Guatemala.

 

5.     Mickaël David

Restons dans la même classe d’âges avec Mickaël, qui est déjà depuis quelques mois au Mali.

Nous sommes toujours à Gao, dans la boucle du Niger au Mali et, avec moi, j’ai Mickaël qui a un parcours très intéressant, aussi Mickaël je vais te demander tout de suite de te présenter et puis de nous parler de ton parcours qui t’a conduit à Tacharane et puis, probablement ailleurs.

Bonjour. Je me présente, je m’appelle Mickaël, je viens des Deux-Sèvres, région Poitou-Charentes, ce qui m’a amené à Tacharane, c’est, travaillant dans l’agriculture depuis longtemps, étant fils d’agriculteur de génération en génération, j’ai suivi pas tout à fait le cursus d’un agriculteur parce que je n’ai pas du tout de formation dans l’agriculture. Je me suis plutôt orienté vers l’animation, l’animation à l’éducation à l’environnement, je fais ça depuis une dizaine d’années et en parallèle, j’ai toujours été attaché à des valeurs humaines, si on peut dire ça comme ça, humaines et surtout des valeurs de la terre, de bien savoir d’où je viens et de comprendre un petit peu que la terre, c’est notre mère et qu’on est là-dessus et qu’il faut savoir la respecter, elle et l’homme aussi en même temps.

En parallèle de mon travail, j’ai travaillé dans l’éducation environnement, j’ai travaillé dans différentes cités, notamment à La Rochelle depuis quelques années, où j’ai monté un jardin pédagogique avec des enfants, où on avait aussi un jardin collectif adulte. En parallèle de ça, pour essayer de garder mes valeurs en fait, avec des amis, on a construit un terrain dans le but d’avoir un lieu autonome avec des habitats écologiques collectifs ou non, des jardins pour notre autonomie alimentaire, on fait de l’artisanat, suivant les capacités et les savoirs-faire de chacun. Chacun fait son petit bout de chemin sur ce terrain.

Et donc après, ce qui m’a amené à Tacharane, c’est la dimension un petit peu plus planétaire, si on peut dire ça, et de venir apporter aussi de la solidarité auprès d’agriculteurs du Tiers-monde qui se font manger par des grosses multinationales et par les Etats aussi qui lient des contrats avec ces multinationales autour des engrais et des produits chimiques. Je suis venu ici avec TH pour apporter mon savoir autour de l’agriculture écologique, c’est quand même, même si je suis d’une formation d’animateur, je suis avant tout un jardinier depuis bon nombre d’années et le but était là, en fait. Pour moi, c’était aussi une découverte parce que l’agriculture ici est assez différente mais reste sur des bases d’agriculture ; le compost, on peut en faire en France, mais on peut en faire partout, qui est quand même l’alternative aux engrais chimiques.

Avant tout, ça a été une découverte parce que c’est mon premier voyage comme bénévole au sein de TH, c’est mon 1er voyage de solidarité autour de l’agriculture et de l’humain. C’est ça qui m’a amené ici.

Mickaël, et alors maintenant, que va-t-il se passer, quels sont tes projets ? je crois que tu n’as pas dit aux auditeurs ton âge.

Maintenant, cela fait trois mois que je suis ici  en Afrique, j’ai fait un mois et demi ici au Mali au sein de TH sur le village de Tacharane, où j’ai pu apporter mon savoir-faire et aussi apprendre beaucoup du savoir-faire des agriculteurs africains, parce que même s’ils utilisent les engrais, ils ont quand même beaucoup d’expérience dans l’agriculture eux aussi et il y a des choses qu’ils savent qu’on sait forcément pas.

Pour préciser mon âge, j’ai 29 ans et là, j’ai différents projets, j’ai arrêté mon travail de travailleur social pour faire une pause parce qu’au bout d’un moment, c’est quelque chose qui est pesant. Travailler avec des enfants et des adultes qui, justement, ne sont pas du tout dans cette démarche qui sont mes convictions et se battre jour après jour pour essayer de leur faire comprendre et que ça passe difficilement, donc au bout d’un moment, il faut prendre un petit peu de recul, donc c’est ce que je vais faire.

Je vais m’installer maintenant là sur ce terrain avec les amis, on va essayer d’avancer encore plus sur notre autonomie, créer un lieu d’échanges vraiment bien organisé, pour montrer aussi aux gens de la population locale des Deux-Sèvres, qu’il est possible de vivre autrement, qu’il est possible de vivre bien sans forcément reculer 100 ans en arrière, la question elle est pas là, c’est toujours profiter des acquis qu’on a, mais vivre un petit peu plus simplement, un peu plus en harmonie avec nous-mêmes et avec la Nature. C’est tout à fait possible, je pense, il faut juste un petit peu changer nos mentalités et puis arrêter de croire que la vie, c’est consommer, consommer tout sans comprendre vraiment ce qu’on consomme et après, je pense en parallèle de tout çà, continuer peut-être à travailler avec TH et peut-être continuer le programme sur Tacharane, revenir quand TH va revenir.

Et puis après, j’ai un projet, un peu plus à long terme, donc je vais prendre le temps de bien construire, c’est d’aller faire un peu la même chose, mais plutôt du côté de l’Amérique du Sud, qui est une terre qui m’attire beaucoup, et que j’ai découvert déjà plusieurs fois sur les années passées et donc j’ai fait des constats là-bas sur l’agriculture, sur les enfants des villes, sur beaucoup de choses, où ils vivent difficilement. Voilà j’ai envie de monter un projet certainement autour des enfants des villes dans l’agriculture en Amérique du Sud. J’ai pas défini encore de lieu précis, peu importe, j’ai pas non plus défini d’organisme, j’ai pas trouvé, je fais mes recherches pour partir en Amérique du Sud, et monter un projet, je pense, avec les enfants des villes, monter un jardin avec eux qui pourra certainement leur ouvrir une autre dimension de ce qu’est la vie, enfin les sortir peut-être un petit peu de leur misère en les ramenant à la terre, où ils ont certainement été arrachés à cause des problèmes économiques ou politiques. Cà, c’est mon projet dans les années à venir, je vais travailler là-dessus. Voilà.

Merci Mickaël pour ce beau témoignage et puis bon vent pour l’Amérique du Sud.

 

6.     Jean-Marie W

Je vous propose tout de suite d’aller découvrir Jean-Marie, un garçon sympathique, un garçon de mon âge.

Nous sommes dans l’aéroport de Gao, Gao sur la boucle du Niger au Mali. Et je suis avec Jean-Marie qui va d’abord se présenter et puis nous dire pourquoi il est venu à Tacharane.

Jean-Marie W, c’est mon nom d’origine polonaise.

Quel âge as-tu mon garçon ?

60 ans cette année. Je suis prof de maths à la retraite, depuis quelque temps maintenant. Je suis très actif, j’ai été, je continue à être actif en ce sens que j’ai construit des maisons en bois, je suis amoureux du bois, des bateaux en bois.

Je suis venu à Tacharane parce que j’ai entendu parler de ce mouvement par l’intermédiaire d’Anne-Marie, ma femme, qui a été en stage, d’autre part je connais Pierre Rabhi quand il s’est fait connaître par sa campagne. J’ai rencontré des gens avec plaisir, des gens qui sont tout à fait dans la même optique que moi. Et ce qui m’a beaucoup réjoui, c’est de voir cette diversité de personnes, vraiment, on n’est pas du même milieu, on n’est pas dans la même action enfin professionnelle ou sociale, mais on a tous comme objectif commun, ce que j’appelle un retour aux sources nécessaire, parce qu’il faut redéblayer les sources à cause de cette pollution qui nous tombe dessus de tous les côtés, moi, j’ai passé plus de 30 ans à la Réunion, dans un paradis, qui lui-même est en train de se transformer par la force des choses de l’impérialisme général et mondial, qui est en train de se transformer en supermarché de la consommation.

Donc, j’ai suivi ma femme un peu, parce que nous avons un projet sur Madagascar qui ressemble beaucoup au projet qui a été mené depuis quelques années à Tacharane et je ne voulais pas commettre certaines erreurs que nous avons déjà commises sur place, donc m’inspirer un peu de ce qui a été fait ici, de la réalité d’une action.

 

Et donc le bilan de cette semaine finalement ça répond tout à fait à ce que tu en attendais ? Ça t’a apporté beaucoup, quels ont été pour toi les points les plus forts de cette semaine ?

Les points les plus forts, ça était les contacts avec les jardiniers, qui m’ont montré la réalité de ce qui se passe, leur émerveillement pour certains devant le compost, ils ont vraiment compris, ils ont vu en faisant du compost qu’on arrive à planter dans le désert finalement, parce que c’est ce que j’ai vu, et les conditions qu’on a trouvé ici, sont à peu prés les mêmes que celles où on veut développer une école oasis, ça répond tout à fait à ce que j’étais venu chercher, voir la réalité des compétences des gens, la réalité des difficultés de notre civilisation à nous qui n’est plus exemplaire, bien sûr, mais on a quand même au niveau de l’organisation, c’était pas ce que je cherchais vraiment mais là cela me conforte, il faut organiser, c’est au niveau des organisations, il faut trouver des gens chez nous en Europe, qui sont capables d’organiser, et qui ont un savoir quand même, il faut prendre des gens compétents mais au niveau du terrain, au niveau de l’agro écologie.

Merci Jean-Marie pour ce témoignage et puis bon courage avec Anne-Marie pour votre projet à Madagascar. C’est bien de voir que des anciens jeunes se lancent courageusement dans un nouveau projet. Merci.

Je te remercie aussi, et je suis très content d’avoir fait ta connaissance, et je t’ai beaucoup taquiné parce que j’ai reconnu un semblable.

Nous sommes presque jumeaux. Je crois. A bientôt.

 

7.     Raphaël Lavoyer

Maintenant le dernier témoignage de cette émission sera celui de Raphaël. C’est un professionnel de l’agronomie, qui a compris l’essentiel. Sa parole est à écouter avec beaucoup d’attention.

A peu d’heures du départ vers la France, depuis Gao, je suis avec Raphaël qui va d’abord nous dire qui il est et puis nous décrire un petit peu son parcours car il me paraît être très intéressant. A toi Raphaël.

Merci. Alors Jacques, tu me demandes ce parcours, je suis agronome en effet, donc ingénieur, ce n’est qu’un titre en fait, et j’aime bien abattre ce titre là parce que pour moi, il a finalement très peu d’importance et en même temps beaucoup d’importance. Pourquoi ? c’est pas dans le titre en tant que tel, c’est ce que j’ai pu faire dans le passé, là où j’en suis. Comment dire ? donc en fait je suis issu d’une famille paysanne française, d’un retour à la terre, mes parents étaient fils de citadins finalement, mon grand-père était architecte, mon autre était forestier, et mes parents sont venus à la terre et donc j’ai vécu dans une ferme, mes parents ont appris à cultiver, à acquérir un savoir, un savoir-faire pendant plus de 30 ans, aujourd’hui on peut vraiment dire qu’ils connaissent leur métier, et donc bon j’étais pas du tout destiné à travailler dans l’agriculture, puisque j’adorais simplement la biologie et la nature, je voulais faire la fac de bio et en terminale, j’étais au lycée agricole quand même, et ma prof d’agronomie et d’écologie m’a fait basculer en fait, elle m’a provoqué le déclic, j’ai compris que je serais peut-être plus utile dans la biologie appliquée que dans la biologie théorique, c’était un déclic, un début de déclic, il y en a tout le temps, il y en a plein, donc j’ai commencé par quand même l’université, 2 ans d’université biologie agronomie, pour ensuite intégrer l’école d’agriculture et je me suis régalé, c’est pour çà qu’en fait je dis que le titre n’est pas important, donc c’est un parcours, voilà c’est une formation parce que dans la vie je pense qu’on a besoin de se former, quelle qu’elle soit, dans la vie de tous les jours, partout, mais je pense qu’on a besoin d’apprendre pour maintenir les savoirs, pour acquérir un savoir et pour le maintenir, au sein d’une société. Voilà cela me paraît très, très important.

Tu es donc à Tacharane. Tu as un rôle important aussi à Tacharane. Le basculage, le déclic que tu dis de l’agriculture traditionnelle à l’agro écologie, qui est un basculage radical, me semble-t-il, quand on parle avec des ingénieurs agronomes, ils rigolent quand on parle d’agro écologie. Est-ce qu’on peut dire que c’est l’agriculture de grand-papa ou est-ce que c’est autre chose ?

On est toujours dans cette question là, en fait, dans cette question un peu duale, que je dirais, retour au passé, modernité, bon le monde c’est un tout, on est au présent de toute façon et on doit quelque part un peu guider notre avenir. Donc, ça veut dire qu’on doit faire des choix dans le monde tel qu’il est, Pierre a dit souvent que la modernité a causé plus de dégâts que de progrès en fait, et je crois qu’il a raison, mais simplement on est devant un fait, on a une science qui est très puissante, je dis pas qu’elle est justement bien utilisée mais c’est à nous de bien l’utiliser et c’est ça la question du discernement, de la conscience ; qu’est-ce qu’on fait avec ce qu’on a à un moment donné puisque ça l’est de toute façon, on peut pas changer le cours du monde par un coup de baguette magique, on fait là où on peut, comme on peut, c’est ça qui est magique finalement et c’est ça que j’aime puisque je reste, entre guillemets, un scientifique, mais, comment dire, la science peut être pour le progrès humain.

Qu’est-ce que ça veut dire le progrès humain, c’est aboutir à un plus haut niveau de conscience. Parce que la conscience c’est pas seulement l’écologie, bien manger, c’est pas ça la conscience, bien sûr, c’est une étape, mais c’est un appui pour, peut-être, sans parler d’achèvement spirituel, ou ce genre de choses, mais pour l’élévation voilà. L’élévation, ça c’est important.

 

Et s’il fallait donner quelques arguments à ceux qui ne sont pas du tout convaincus de l’agro écologie à la fois pour leur dire que ce n’est pas l’agriculture du grand papa, que c’est une agriculture scientifique aussi, que c’est peut-être l’alternative unique dont nous disposons pour survivre, quels arguments trouverez-tu ?

Bon, déjà, il faut analyser la situation, on part d’un constat, c’est qu’aujourd’hui on a dégradé l’environnement et notre vie, en tant qu’homme, elle repose sur le rapport à la Nature et ça, on le sait parce qu’on n’est pas capable, nous les hommes, de maîtriser, comment dire, notre propre survie en croyant qu’on va aller piocher à droite, à gauche des choses, on est dans un tout, on est sur cette planète, on est relié à l’Univers, on est relié à différents niveaux et donc quand on analyse l’état du monde aujourd’hui, de façon très objective, c’est très rationnel, il n’y a pas de superstition là dedans, eh bien, on n’a pas trop le choix, et finalement quand on cherche la conscience, quand on a envie d’être consciencieux, on n’a pas le choix que de se pencher sur la nature, sur les questions de la nature, et quand on se sent bien dans la nature, parfois on a besoin de ce retour au vert souvent, on le sent ça, eh ben finalement on s’aperçoit qu’on est face à sa propre nature et c’est là où on s’aperçoit qu’on doit respecter ce qu’on a en face et c’est le seul avenir, en effet certainement, on ne sait pas où on va, ce qui est d’important, c’est d’agir bien au moment présent, alors le bien, beaucoup de définitions, le bien il part du cœur déjà ça c’est clair, il part pas de l’extérieur.

 

Raphaël, pourrais-tu en ultime question me dire la semaine écoulée à Tacharane. Comment as-tu vécu cette semaine avec 20 participants qui découvraient très concrètement un projet important ?

C’est vrai, que je m’aperçois que d’acquérir des connaissances, de brasser des choses pour essayer de comprendre comment les choses fonctionnent, s’organisent, c’est long, c’est très long et je m’aperçois que plus on avance, plus finalement quand même l’agriculture, l’agro écologie est vraiment une véritable science, entre guillemets, dans le sens où on doit passer par de la connaissance, alors elle peut être très simple mais finalement, on doit acquérir tout ça et c’est ce que ce séminaire m’a fait réaliser une fois de plus, moi, qui suis dans le bain tous les jours, je baigne là dedans, oui dans mon travail, dans ma vie même puisque pour moi, l’agriculture, c’est une passion.

Je m’aperçois qu’il faut du temps, il faut savoir transmettre, et il faut vraiment réussir à transmettre aux gens ce goût, oui mais de façon très simple, voilà c’est ce que je me suis aperçu en fait.

 

Peut-être n’as-tu pas dit à nos auditeurs et à nos auditrices surtout ton âge.

J’ai un peu plus de 28 ans.

Voilà eh bien merci Raphaël pour ce témoignage plein d’enthousiasme et de passion, et puis d’espérance. Merci.

 

Chers auditeurs, cette émission s’achève, il ne me reste plus qu’à remercier les amis intervenants ainsi que, vous-même, auditeurs pour votre écoute attentive, je n’en doute pas. Ceux qui voudraient en savoir plus, pourront aller sur les sites de « Terre et Humanisme » et de Pierre Rabhi. C’est très facile, sur un moteur de recherche, vous cherchez les deux mots « Terre et Humanisme », et ensuite un lien vous entraîne vers le site de Pierre Rabhi.

Vous me permettrez aussi de signaler le site de l’ami Maurice Oudet au Burkina Faso, qui est aussi très dense, et dans le même esprit. Il suffit de chercher sur un moteur de recherche « abcburkina » (en un seul mot sans espace).

Le mois prochain, nous achèverons cette série d’entretiens et de témoignages, avec trois intervenants, d’abord un autre ingénieur agronome français passionné, un autre Philippe qui a une riche expérience malienne, ensuite Bruno, un jeune « chtimi », qui voyage à la recherche de son oasis, enfin Claire qui a le privilège d’être une des plus proches collaboratrices de notre ami Pierre Rabhi.

 

Donc à très bientôt, avec mon fraternel bonsoir.