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Agro écologie « Terre et Humanisme »

au Mali (1ère partie)

13ème émission mars 2006

 

* Bonjour à toutes et bonjour à tous. Cette 13ème émission de « Regards du Sud » va nous entraîner longuement vers le Sud, vers le Mali, en janvier dernier juste avant mon départ vers ce pays, j’annonçais ainsi le thème d’aujourd’hui : il s’agira d’un « Compte-rendu de voyage au Mali », voyage effectué avec Pierre Rabhi et l’association « Terre et Humanisme », dans le cadre d’un projet solidaire à Tacharane prés de Gao, sur le fleuve Niger. Pour faire bref, je dirai que ce fut un stage, un séminaire, en tous points exceptionnel, centré sur des questions vitales : l’autosuffisance alimentaire en pays sahélien et l’agro écologie. Nous étions, au-delà des animateurs, une vingtaine de participants, de tous âges et de toutes origines, aussi, en fin de parcours à l’heure des bilans, j’ai interviewé, de nombreux participants ainsi que les chevilles ouvrières de « Terre et Humanisme », sur ce court séjour de huit longues journées. Un grand merci à eux pour leur disponibilité et pardon à tous ceux que je n’ai pu interroger.

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Compte tenu de la qualité de ces propos, je n’hésite pas à vous proposer quatre émissions successives sur ce thème vital que j’intitulerai, en insistant sur chaque mot : « Agro écologie, Terre et Humanisme au Mali » : trois émissions d’interviews et une 4ème et dernière qui sera mon regard personnel et « mon compte-rendu de voyage ». Quatre émissions, cela peut paraître à priori, excessif, mais je suis persuadé qu’à posteriori, vous ne regretterez pas mon choix.

 

Soyez très attentifs, jeunes ou plus anciens, ce n’est pas de la langue de bois, cela éclaire les débats actuels, notamment sur l’agriculture, cela illumine l’avenir et c’est plein d’espoir.

 

                   I.         Pierre Rabhi

 

Aussi, entrons tout de suite dans cette première émission, avec la parole donnée à l’ami Pierre Rabhi, dont j’ai déjà longuement parlé aux auditeurs.

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Nous sommes à Gao, sur la boucle du Niger, à 24h du départ pour la France et je suis avec Pierre Rabhi, qui va nous parler de Tacharane et puis de ses projets. Pierre, pourrais-tu déjà pour les auditeurs te présenter et puis nous dire pourquoi Tacharane ?

 

Je suis né dans le Sud de l'Algérie, j'ai vécu longtemps en France, je vis déjà depuis plus de 40 ans en France, sur une petite ferme ardéchoise, après être passé par Paris, et avoir connu la vie urbaine. J'ai plutôt choisi la vie rurale non pas pour devenir simplement paysan ou agriculteur, mais c'était parce que j'étais en quête de racines, d'un sens à ma vie, en quête de quelque chose qui allait me donner une sorte de lieu qui m'appartienne, d'autant plus qu'on vit souvent, nous les doubles cultures, une sorte d'exil, et alors c'est un petit peu cela, et donc c'est à partir de cette expérience où j'ai choisi l'agriculture qui m'a amené à rejeter l'agriculture chimique, c’est-à-dire celle qui détruit les milieux, que je suis devenu agriculteur biologique et éleveur avec ma femme, mon épouse Michèle.

 

Et puis ensuite je me suis intéressé au Tiers Monde, et à savoir est-ce que l'expérience acquise dans le sud de l'Ardèche était transposable dans les pays du Tiers Monde, ce qui m'a amené à toute une aventure dans le domaine de ce qu'on appelle le développement et qui m'a amené à m'intéresser à l'Afrique, en particulier, est-ce qu'il était possible de transposer l'expérience agro écologique acquise en Ardèche vers des pays dits en voie de développement. C'est ainsi que je me suis trouvé engagé en 1981 au Burkina Faso auprès d'une institution, qui s'appelait les CFJA « Centre de Formation des Jeunes Agriculteurs », à partir de laquelle, on a pu démontrer que l'agriculture écologique était tout à fait adaptée au milieu, ce qui nous a permis de créer le 1er centre de formation en agro écologie de Gorom-Gorom, qui nous a permis de former environ 900 paysans, l'objectif étant évidemment de libérer les paysans des intrants chimiques très coûteux, qui ont des effets négatifs sur le sol et l'environnement.

 

Donc à partir de ces 900 personnes paysans, formateurs, agronomes, intervenants internationaux et ONG, eh bien  aujourd'hui on totalise à peu prés 100 000 paysans pratiquant * au moins la fertilisation organique, entre temps j'ai quitté le Burkina Faso car j'avais été très ami avec le président Sankara et que il ne m'était pas tellement possible de me maintenir à ce moment-là.

 

Et puis donc j'ai fondé le CIEPAD (Carrefour International d'Echanges de Pratiques Appliquées au Développement) avec l'appui du département de l'Hérault, et en particulier avec le Président du Conseil Général Saumade, l'appui aussi d'Edgar Pisani, et nous avons donc créé le CIEPAD qui a fonctionné pendant une dizaine d'années, et maintenant nous sommes sous l'égide de « Terre et Humanisme », fondée avec des amis.

 

L'association « Terre et Humanisme » a pour objectif de continuer à agir sur le plan de la sécurité alimentaire des populations, de la lutte contre la désertification et de la sauvegarde des patrimoines nourriciers, ce qui nous a amené à engager plusieurs programmes, un qui avait été engagé déjà en Tunisie, on a poursuivi avec le Burkina Faso, ensuite on s'est impliqué au Mali, au Maroc, etc. et pour ce qui concerne le Mali, nous cherchions un lieu d'application d'un module qu'on appelle toujours « Parole de Terre », c’est-à-dire un module qui nous permette de venir avec des stagiaires européens vers le Sud, pour mieux connaître la problématique du Sud, et quand on a cherché au Mali, on est tombé par hasard, on pourra dire si le hasard existe, sur le village de Tacharane.

 

 

1.     Pierre, tu parles d'agro écologie, peux-tu pour les auditeurs, essayer de rappeler les fondamentaux de l'agro écologie ?

 

On pourrait dire que fondamentalement, on est en quête de méthodes agronomiques, qui concilient les nécessités et les besoins, bien sûr, de s'alimenter, donc de produire et de s'alimenter en agriculture, avec la nécessité de préserver le milieu, l'environnement et donc d'éviter toute nuisance au niveau des sols, des eaux, de l'environnement, donc l'agro écologie, en gros, çà consisterait peut-être à, si on voulait résumer, à concilier les activités humaines de production avec l'intégrité de la Nature.

 

Alors bien sûr, cela se décline en méthodologie, partant de ce principe-là, on récuse toute méthode agronomique qui introduit des nuisances, qu'elles soient nuisances chimiques par les sols, par les pesticides, toute nuisance est abolie, l'agro écologie est une approche qui s'inspire beaucoup des règles et des lois de la Nature, elle est élaborée de plus en plus, puisque maintenant on connaît bien le fonctionnement des sols, on connaît bien le fonctionnement des végétaux, on est capable donc d'amener une alternative agronomique scientifique et donc de la proposer comme une alternative libératrice des paysans, puisqu'elle évite d'acheter des engrais chimiques, des pesticides de synthèse qui coûtent très, très cher aux paysans, puisque les paysans du sud sont très pauvres.

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Et quand on sait que pour faire simplement 1t d'engrais, il faut 3t de pétrole et que le pétrole est indexé sur le dollar, cela veut dire que l'usage de ces substances est très coûteux pour le paysan, par ailleurs, ces substances, on a constaté, les paysans eux-mêmes ont fait le constat, qu'ils ont des effets négatifs sur les sols, dessèchent les sols, finalement dopent les sols à tel point qu'il faut toujours augmenter les doses, les quantités pour arriver à maintenir le niveau, ce qui évidemment rend les intrants, que le paysan est obligé d'acheter, de plus en plus coûteux par rapport à sa production qui reste, elle, aléatoire sur le marché.

 

Donc, c'est pour çà que l'agro écologie correspond bien et c'est essentiellement aussi une philosophie, ce n'est pas simplement des techniques que nous transposons, elle tient compte profondément de l’humain, et si notre association s'appelle « Terre et Humanisme », ce n'est pas pour rien, nous voudrions à la fois nous intéresser bien sûr à la terre en tant que terre productrice agricole et en tant que terre planète, et nous nous intéressons bien sûr et nous sommes dans l'humanisme qui n'a rien à voir avec l'humanitaire.

 

L'humanisme est une approche qui est très soucieuse de l'être humain, alors que l'humanitaire, c'est un alibi parfois qui vient corriger le manque d'humanisme, il n'y a qu'un humanitaire que personnellement je tolère, c'est évidemment l'humanitaire d'urgence quand il y a cataclysme écologique ou autre, que l'on intervienne pour secourir les populations, oui, mais qu'on institue l'humanitaire comme une norme, je ne suis pas d'accord, parce qu'il y a assez de nourriture sur la planète pour que tout le monde soit nourri, pour que tout le monde soit soigné, il y a assez de ressources, il y a assez de savoirs et de savoirs faire et nous sommes défaillants au niveau de l'humanisme, alors c'est pour cela que nous tenons absolument à cette notion d'humanisme.

 

Pierre, tu nous as parlé de l'agro écologie, comme alternative à l'agriculture industrielle. Quand j'en parle aux amis agronomes, ils me rient presque au nez, quels seraient les arguments que tu pourrais donner aux auditeurs et à moi-même pour essayer de leur ouvrir un petit peu le regard ?

 

* Malheureusement, il y a des idées tellement enkystées dans les esprits qu'on a du mal à les déloger, bien sûr si on veut appliquer de l'agro écologie dans la logique des systèmes actuels, système d'une productivité massive qui aboutit à un investissement d'intrants extrêmement important et qui aboutit aussi à créer des déchets, des surplus, qu'il faut ensuite jeter ou mettre dans des frigos, cette logique là, évidemment l'agro écologie n'a rien à voir dans cette logique là.

 

Elle a une logique dans autre chose, elle a une logique non pas dans la macro production mais dans la micro production, et la micro production avec un nombre très important de paysans, çà sert à rien d'avoir un système qui produit soi-disant massivement mais qui en même temps élimine les paysans, qui eux-mêmes deviennent des gens affamés etc. Donc l'agro écologie, je peux l'affirmer puisque je l'applique, et je ne suis pas un théoricien, tout le monde peut venir vérifier chez moi, nous avons élevé 5 enfants sur une petite structure, en appliquant des méthodes qui ne sont pas des méthodes conventionnelles, tout le monde peut venir questionner les paysans du Sud qui ont appliqué, qui sont extrêmement contents, et qui témoignent que leur production a augmenté.

Donc, je veux dire des gens qui ne veulent pas comprendre, il n'y a pas grand chose à faire sinon à les laisser dans leur illusion, dans leurs fausses certitudes, il est évident que l'agro écologie est une approche d'avenir et surtout avec bientôt la cherté du pétrole, compte tenu que les intrants sont faits à base de pétrole, comme je le disais tout à l'heure, avec la cherté du pétrole, on va voir encore s'accentuer les pénuries alimentaires mondiales.

 

Par ailleurs ce qu'on peut répondre à ces gens-là, c'est leur dire que l'agriculture conventionnelle a eu les pleins pouvoirs pendant plusieurs décennies, elle n'a pas pour autant résolu le problème de la faim, donc il faut arrêter de délirer sur ces questions-là, on n'a pas réussi à arrêter la famine malgré tous les investissements qu'on a fait avec des méthodes de production dites modernes, eh bien au contraire les pays du tiers monde se nourrissent moins bien maintenant qu'il y a 50 ans.

 

Dans le même esprit, Pierre, je ne peux m'empêcher de te poser la question des OGM.

 

Bien sûr, comme il y a un échec patent, puisqu'on est en échec par rapport à l'autosuffisance alimentaire des populations, on est en échec total, donc maintenant on nous sort les OGM comme étant la solution, c'est carrément une imposture, parce que les OGM, Organismes * Génétiquement Modifiés et brevetés, qui sont devenus des propriétés privées, ces propriétés privées, on ne peut y accéder qu'avec des royalties, enfin avec de l'argent et les pays du tiers monde ont de moins en moins d'argent, donc cette prétention est complètement stupide.

 

Et par ailleurs on a parfaitement démontré qu'on peut se passer complètement des OGM, puisqu'il existe des variétés naturelles, génétiquement très puissantes et qui, avec simplement une amélioration du travail aratoire, du travail agricole, de la fertilisation, démontrent leurs capacités à suffire à l'alimentation mais à la condition bien sûr de partir sur l'idée de tester et d'améliorer les capacités et les potentialités déjà des semences existantes, notamment traditionnelles, de toutes ces ressources, qui ne sont pas valorisées, au lieu de partir sur l'idée * qu'avec les OGM, on va tout résoudre, moi, je trouve que c'est non seulement une imposture, c'est une malhonnêteté, et puis c'est une chose extrêmement dangereuse, parce que si l'on installe l'opinion dans cette certitude là, cela va coûter extrêmement cher.

 

Par ailleurs, on sait qu'on est absolument pas en mesure de savoir quels vont être les effets à terme ni sur l'environnement, ni sur la santé humaine, on n'a pas fait vraiment les tests sérieux, durables, suffisamment longs pour pouvoir vraiment conclure à l'innocuité de ces apports là, moi je trouve çà catastrophique.

 

Pierre, une dernière question, la semaine a été assez éprouvante. C'est la fin d'un stage à Tacharane. Quel bilan peux-tu tirer de cette semaine, où il y avait une vingtaine de participants ?

 

Pour moi, le bilan est positif, nous faisons ces séminaires depuis déjà pas mal d'années. On en fait aussi au Maroc, on en fait dans d'autres sites, moi, ce qui me satisfait, c'est que les gens soient satisfaits bien sûr, nous nous faisons tout ce que nous pouvons pour que les gens soient satisfaits sans avoir la garantie, mais le fait que les gens nous témoignent qu'ils sont satisfaits, pour nous nous sommes vraiment contents et satisfaits.

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Donc dans ce sens-là, nous, nous sommes dans ce qui fait partie de nos compétences, dans nos propositions, on les met un peu à l'épreuve de l'autre, et si l'autre suite à ce séjour, s'estime satisfait, s'il estime qu'il a beaucoup appris, s'il y a eu une bonne convivialité, un bon esprit, on a dormi quand même dans le silence du désert, on a une nourriture modeste certes mais suffisamment copieuse, on a beaucoup échangé, on a beaucoup appris, on s'est appris mutuellement, eh bien çà c'est un instant de convivialité qui est exceptionnel, irremplaçable, d'autant plus que le groupe était constitué de gens de différents âges.

 

Cela décloisonne au niveau des âges, cela décloisonne au niveau des provenances, les gens viennent de toutes provenances et quand on peut comme cela décloisonner à la fois au niveau social, au niveau de l'âge, à tous les niveaux et que des jeunes, des vieux, des moyennement vieux, se retrouvent à dialoguer, à échanger, cela fait un microcosme vraiment fertile qui devrait être répandu sur l'ensemble de la planète.

 

Merci infiniment Pierre pour ce que tu es, pour ce que tu apportes et puis, pour la fraternité joyeuse que nous avons vécue grâce à toi. Merci.

 

Merci aussi à toi, parce que tu as amené cette sorte de belle désinvolture généreuse, et je crois que tout le monde a apprécié aussi ta présence. Merci et à une prochaine fois.

 

                 II.         Nicolas Chiurchi

 

Maintenant, après les propos de Pierre Rabhi, allons à la rencontre de quelques participants pour les interroger sur leurs motivations en venant à Tacharane, et puis aussi sur le bilan qu’ils font de ce séjour à haute densité.

 

Nicolas, pourrais-tu te présenter et puis nous dire pourquoi tu es venu à Tacharane.

 

* Bonjour, je m'appelle Nicolas, j'ai 27 ans, je viens de Nice, moi j'ai fini mes études il y déjà quelques années, à la suite de çà, j'ai travaillé un peu plus de 3 ans en entreprise dans un bureau, dans lequel je travaillais essentiellement avec les nouvelles technologies, et au bout de 3 ans de çà, je ne supportais plus de vivre dans un monde virtuel et de ne plus avoir de contacts humains, ni humains, ni à la Terre d'ailleurs, j'étais à l'étranger, j'ai décidé de revenir en France retrouver mes racines et réorienter ma vie.

 

Il y a 5/6 mois, j'ai découvert Pierre Rabhi, son action et « Terre et Humanisme », çà me parlait beaucoup, même si je suis un citadin pur, et, que je n'ai pour l'instant aucun contact avec la terre, aucune compétence en agriculture, le concept d'agro écologie, qui respecte la terre, les hommes, et qui peut donner une autonomie à ces gens, c’est-à-dire qu'on n'en fait pas des assistés, on leur donne la liberté de pouvoir vivre, sans nous, sans le monde occidental, ou dans une moindre mesure en tout cas, me séduisait beaucoup, donc après m'être documenté, j'avais envie de voir comment cela se passait sur le terrain, parce que souvent, on entend de beaux discours qui se perdent un petit peu, une fois sur place.

 

Donc ce séminaire avait pour but de rencontrer « Terre et Humanisme » sur le terrain, voir comment çà se passait notamment au Mali et puis de rencontrer aussi des gens comme vous, ou, au contraire la population aussi locale qui est forcément un enrichissement.

 

 

Et maintenant nous sommes à un jour du retour, finalement quel bilan tires-tu de ce séjour d'une semaine où les jeunes et les vieux se sont côtoyés ?

 

* Alors, je crois que dans la vie du groupe des occidentaux, çà a été très riche, je crois qu'il y a eu de très bons échanges, comme tout le monde a souligné l'importance de la rencontre de plusieurs générations, je crois que ce qui est important aussi, au-delà des générations, c'est la rencontre de plusieurs milieux, ou de beaucoup d'horizons différents, et puis finalement, tout le monde arrive à communiquer.

 

Et puis il y a aussi la rencontre avec la population locale, avec les gens qui travaillent ici, qui vivent ici, qui sont nés ici, et qui essaient de faire vivre et de développer l'agro écologie au quotidien, là on a rencontré des gens qui sont sur la bonne voie, et çà donne beaucoup d'espoir, en tout cas, moi j'ai ressenti qu'ils étaient sur la bonne voie, j'espère qu'ils vont continuer dans ce sens-là, et que la prochaine fois, ou la 2ème, ou la 3ème prochaine fois qu'on vient, ce sera uniquement pour les voir faire tout seul maintenant.

 

 

 

Merci Nicolas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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               III.         Anne-Marie Mignet

 

* Après Nicolas, nous allons entendre Anne-Marie, qui aime les îles puisqu’insulaire elle-même dans l’hémisphère Sud, elle a un beau projet pour une grande île voisine, Madagascar.

 

Anne-Marie, nous sommes à Tacharane, un peu avant notre retour vers la France ou les îles françaises, il m'intéresserait de savoir qui es-tu et puis pourquoi es-tu venu à Tacharane ?

 

Alors, je suis Anne Marie, je viens de l'île de la Réunion, je suis venu à Tacharane, parce que je connais Terre et Humanisme depuis quelques années maintenant, que j'ai beaucoup * apprécié la méthode d'analyse de Pierre, de ce qui se passe en ce moment au niveau de la planète et que moi-même, avec quelques amis de la Réunion, nous sommes entrain de faire un projet, pour justement la sécurité alimentaire des populations du Sud de l'île de Madagascar, donc dans un projet à peu près similaire à celui-ci, j'avais envie de voir sur le terrain exactement comment cela pouvait se passer, et quelles étaient peut-être les erreurs à éviter concernant la différence que Pierre fait par ex. entre humanitaire et humanisme, et çà m'a beaucoup appris, beaucoup enseigné  et je crois que nous repartons d'ici, avec mon mari, mieux informés et plus forts pour démarrer ce projet que nous avons à cœur de réaliser dans le sud malgache.

 

Merci Anne Marie, finalement la semaine s'achève, quels sont les points les plus forts que tu as pu ressentir ?

 

Moi, ce qui m'a le plus impressionnée ici, ceux sont ces beaux jardins au milieu du désert. Voilà, je crois que c'est ce qui m'a le plus impressionnée.

 

Merci Anne Marie et bon retour vers la Réunion.

 

             IV.         Nicolas Bilder

 

Avant d’entendre un autre Nicolas, juste un mot pour expliciter un sigle mystérieux dont vous entendrez parler : l’UAVES, « l’Union pour un Avenir Ecologique et Solidaire », c’est l’association partenaire de « Terre et Humanisme » qui a été créée à Tacharane par les maliens, pour ce projet de développement intégré du village de quelques 8000 habitants, dans une perspective de sécurité alimentaire fondé sur la participation des habitants. Son rôle est de fédérer les quartiers et d’être l’interlocuteur des institutions.

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Retrouvons maintenant Nicolas, l’homme à la caméra, qui ne passe pas inaperçu, aussi il va tirer pour nous le bilan de son séjour, en répondant à nos questions rituelles.

 

Nous sommes à Gao, sur la boucle du Niger, à quelques heures du départ vers la France et je suis avec Nicolas, qui va nous faire part de son voyage à Tacharane. D'abord, Nicolas, pourrais-tu dire, un petit mot de toi et puis, pourquoi es-tu venu à Tacharane ?

 

Bonjour, je m'appelle Nicolas Bilder, je fais de la réalisation video de documentaires, je suis venu à Tacharane pour accompagner Françoise Dambrin, qui a créé il y a un peu moins d'un an, une association qui s'appelle « A l'école de la Terre », qui a pour but de financer, créer, développer des jardins dans les écoles, en ce sens que les enfants puissent cultiver ces  jardins, que cette production maraîchère leur permette d' améliorer la cantine, voire de subvenir entièrement à la cantine, pour les petites écoles au moins.

 

Donc notre semaine à Tacharane qui était un petit peu, à côté du séminaire proprement dit de « Terre et Humanisme », était une semaine de repérages de façon à rencontrer les principaux responsables de l'UAVES et les directeurs d'écoles, donc c'est chose faite, et après, il y aura un certain temps, j'imagine, de mise en place, et on peut espérer qu'en 2006, le premier puits sera creusé et que les premiers jardins seront plantés.

 

Une autre question, Nicolas, est-ce que c'est la 1ère fois que tu viens en Afrique et puis ensuite quel bilan tires-tu de ce séjour ? Les points forts, pour toi, lesquels ont été les plus importants ?

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Alors oui, c'est mon premier séjour en Afrique, j'avais été au Maroc, qui fait quand même partie de l'Afrique mais c'est le Maghreb, c'est un peu différent, j'y avais été il y a plusieurs années de cela.

Moi ce que je découvre de l'Afrique, c'est un pays, je dirais, de grand dénuement et en même temps de grande générosité, je crois cela nous ramène à des choses essentielles, mais bon, c'est à chacun de faire son voyage intérieur.

 

Je crois que tu ne nous as pas dit, pour les auditeurs et puis surtout pour les auditrices, ton âge.

 

J'ai 45 ans, voilà j'ai plusieurs cordes à mon arc, en fait je fais du documentaires plutôt social, j'ai travaillé sur un documentaire sur les compagnons d'Emmaüs à Marseille, je travaille sur un documentaire sur le démantèlement de l'Imprimerie Nationale, j'ai plusieurs projets comme çà, et sinon je fais partie d'un collectif d'expérimentation poétique qui s'appelle les souffleurs, on souffle de la poésie dans les oreilles des gens, avec de longues cannes, qu'on appelle les rossignols.

 

Peux-tu nous dire un dernier mot sur le concert auquel tu as assisté hier soir ?

 

C'était un concert avec le groupe Dalassala et un autre dont le nom m’échappe, oui Tinariwen, la musique était très agréable, moi j'adore danser, c'était un très joli moment. Voilà.

 

Merci Nicolas, pour ce témoignage et puis bon vent pour la suite.

Merci Jacques.

 

 

 

 

 

               V.         Emmanuel Balz

 

Maintenant, après Nicolas, allons voir un trio de jeunes hommes, d’abord Manu, le jeune à la guitare, un des benjamins de notre équipe.

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Nous sommes à Gao, sur la boucle du Niger, à un jour pour la majorité des séminaristes du retour en France. Mais ce n'est pas forcément le cas de tout le monde, et nous allons le voir avec Manu. Alors Manu, tu es venu à Tacharane, et déjà qui es-tu et pourquoi es-tu venu à Tacharane ?

 

Moi, je suis étudiant, j'ai fait 2 ans de géographie à Grenoble, et puis j'en avais un petit peu marre du cycle des études conventionnelles, on va dire, j'avais envie de voir autre chose, de vivre surtout des expériences de la vie réelle, puisque j'ai beaucoup étudié de choses sur le tiers-monde, c'est vrai que j'avais envie de voir ce que c'était réellement, et puis en plus de çà pour la continuité de mes études, je veux m'orienter vers une formation qui demande une expérience ou plusieurs dans le secteur du développement durable, et de préférence à l'étranger c'est çà qui m'a poussé à venir à Tacharane, c'est pour çà que j'ai fait ce stage avec « Terre et Humanisme ».

 

Et comment as-tu connu Terre et Humanisme ?

 

Je connais bien « Terre et Humanisme » depuis un certain temps, car je suis originaire de la Drôme, du département voisin de Pierre Rabhi de Lablachère, je connais bien TH de par leurs actions depuis un certain temps, mais je m'étais jamais intéressé de très près. Pour cette démarche, cette expérience à l'étranger, j'ai tout de suite pensé à téléphoner à TH, éventuellement s'il y avait des actions dans les mois qui suivaient à l'étranger, en Afrique.

 

Et alors, ce séjour à Tacharane s'achève, peux-tu faire un petit bilan, avec les points forts que tu as trouvés dans ce séminaire. Es-tu satisfait de ce séminaire ?

 

Alors oui, je suis très satisfait, c'est vrai, je m'imaginais ce que pouvait être l'Afrique et le Mali avant de venir, et puis là, j'ai vu réellement ce que c'était, donc c'est vrai que pour certaines choses, il y a eu, si ce n'est pas un choc, en tout cas, une réelle surprise, il faut y être pour comprendre en fait, si on ne vit pas ce que c'est, on a beau s'imaginer, on saura pas ce que c'est.

 

J'ai été très choqué pendant 2/3 jours, pas dans le sens négatif du terme, c'est-à-dire que j'étais juste dans une phase d'observation, mais à partir du moment où je me suis mis vraiment dans la phase d'action, où j'étais acteur et plus spectateur, j'ai pu apprendre beaucoup de choses de la population locale, j'ai apprécié aussi le travail des animateurs sur place, qui m'ont apporté * des connaissances sur ce thème de l'agro écologie que je trouve passionnant, entre autres par ex. pour le compostage, avec les ateliers pratiques.

 

Dans l'ensemble vraiment, ce qui m'a le plus touché finalement, c'est cette joie de vivre qu'ont les habitants ici, ils vivent dans la misère, ils ont quelque chose de joyeux au fond d'eux que nous n'avons pas finalement, nous en Occident, c'est çà que je trouve assez surprenant.

 

Manu, je crois que tu continues demain ton voyage en Afrique, peux-tu nous en dire quelques mots, et je crois que tu n'as pas précisé aux auditeurs ton âge.

 

J’ai 22 ans, effectivement, je ne m'arrête pas demain, je rentre pas en France tout de suite, puisque justement dans le cadre de cette expérience, je vais continuer mon chemin en direction de Bamako, pour quelques jours, où je vais faire une petite pause pour voir un petit peu la ville et une amie qui est là-bas, ensuite je vais poursuivre mon voyage jusqu’au Sénégal, à Matam, dans la région de Matam, où je vais faire un stage de 3 mois avec une autre association drômoise, qui s’appelle l'ADOS (Ardèche-Drôme Ouro Sogui Sénégal).

 

C’est une région du Sénégal, qui, au niveau du climat, correspond à peu prés à celui de Tacharane, c’est-à-dire que c’est une région assez aride, donc il y a aussi des problèmes d’eau, ce sera, entre autres, sur un projet de restauration de l’irrigation agricole d’une région, donc là je serais participant ou assistant aux gens qui sont déjà sur place et qui travaillent dans cette idée-là.

 

Et le retour en France donc est prévu à quel moment ?

 

Je rentre en France à la mi avril.

 

Merci Manu, c'est très bien, nous les vieux, nous apprécions beaucoup, les vieux ce terme est noble en Afrique, les vieux que je représente sont très heureux de voir des jeunes qui sont dans le même état d'esprit qu'ils étaient eux-mêmes, au même âge.

 

             VI.         Pierre Plusiet

 

Voilà, je crois qu’avec Pierre, nous tenons notre véritable benjamin, qui, lui aussi, poursuit demain son périple africain.

 

Pierre, alors finalement pourquoi es-tu venu ici, et qui es-tu d'abord ?

 

* Pierre 21 ans, je suis étudiant en année de césure, j'ai décidé d'interrompre mes études pendant une année pour essayer d'y voir un peu plus clair vers quoi je veux m'orienter dans ma vie future, je fais un voyage en Afrique de l'Ouest, au Mali et au Burkina Faso pour une durée de 6 mois, avec comme idée de faire un travail de reportage, une présentation en fait des différents acteurs qui orchestrent la mondialisation, la globalisation de l'économie de marché.

 

Vraiment un travail d'information, un travail de synthèse, essayer de rendre accessible en fait à la population une information qui est relativement opaque et complexe, essayer de présenter ces 3 institutions que sont le FMI, l'OMC, et la Banque Mondiale (BM), le rôle qu'elles ont, leurs politiques et les conséquences qu'elles peuvent avoir sur la vie sociale des populations et aussi tout ce qui concerne l'écologie.

 

Donc je suis venu ici à Tacharane pour voir un peu plus les pratiques agro écologiques diffusées par Pierre Rabhi, mais surtout en ce qui concerne les actes, puisque l'idéologie, je l'ai bien intégrée depuis que j'ai vu Pierre Rabhi en conférence et depuis que j'ai lu ses livres, donc je voulais voir comment  l'idéologie de l'agro écologie se traduisait en termes d'actes, j'ai bossé avec un ami que j'ai rencontré ici, qui s'appelle Raphaël, sur justement la question : l'agro écologie est-elle une alternative à la mondialisation ?

 

Pierre, la semaine que tu as passée ici. Côté points forts, qu'est-ce que tu as trouvé toi ?

 

C'est déjà de pouvoir voir toutes les activités que « Terre et Humanisme » met en pratique ici, donc tout ce qui est côté pratique, la technique du compostage, la mise en place des diguettes, voilà toutes ces choses-là et aussi la rencontre intergénérationnelle, je dirais avec tout un tas de personnes, qui sont aussi sensibles à ces problèmes-là, cela fait plaisir de voir des jeunes comme des vieux qui ont une convergence d'idées, moi, cela me fait plaisir, il n'y a pas de clash de génération.

 

Merci, le vieux remercie le jeune.

 

           VII.         Régis Denos

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Enfin pour aujourd’hui, une dernière intervention de Régis, qui fait partie de la même classe d’âge que Manu et Pierre.

 

Nous sommes à Gao sur la boucle du Niger, à 24h du départ vers la France, et nous avons Régis qui va d'abord se présenter et puis nous dire ce qu'il est venu faire à Tacharane et quelles sont ses motivations ?

 

Eh bien, c'est Régis Denos, je viens de Nantes, je suis étudiant en géographie, en 4ème année en fait. Et j'ai découvert, un ami m'a passé un livre de Pierre Rabhi qui s'appelle « Parole de Terre », et tout de suite çà m'a fait un déclic, en fait, j'ai vraiment adoré ce bouquin par l'écriture simplement, le message qui est porté, et puis la présentation de cette alternative qu'est l'agro écologie, alternative pour le développement, alternative à la mondialisation.

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Donc, suite à çà, j'ai voulu me renseigner un peu autour de l'agro écologie, à savoir un peu mieux ce que c'était, et il se trouvait que cela correspondait très bien avec une idée que j'avais globalement, je ne savais pas vraiment mettre des mots dessus, comme je suis très alter mondialiste on va dire, j'avais envie de faire un mémoire autour des alternatives, et celle-ci me convenait très bien, puisque cela tournait autour de l'agriculture.

 

Même si je n’ai aucun rapport avec l'agriculture, j'ai cherché à en savoir plus sur l'agro écologie, j'ai su qu'il y avait un stage par l'intermédiaire d'Internet, au Mali à Tacharane. Et donc, j'ai pris contact avec l'association, qui m'a donné les renseignements et voilà je me suis inscrit. Nous avons passé une semaine entre séminaristes à Tacharane.

 

Peut-être, Régis, pourrais-tu donner aux auditeurs ton âge.

 

J'ai 23 ans, ce qui fait que je fais partie des plus jeunes ici.

 

Régis, alors cette semaine s'achève, normalement les séminaristes repartent vers la France, mais ce n'est pas ton cas. Alors deux petites questions : peux-tu nous dire ce qui se passe pour toi demain et ensuite quels sont les points forts, que tu tires de ce séminaire ?

 

Bon, moi, je vais rester jusqu’au 6 mars au Mali, je vais rester dans un 1er temps autour de Tacharane et de Gao, parce que je j'aimerais pouvoir faire un petit mémoire autour de  l'agro * écologie, donc il faudra le temps que je ramasse quelques informations, et ensuite, j'espère aussi pouvoir faire un petit peu de tourisme, on va dire, conventionnel, en allant voir les dogons sur la falaise du Bandiagara.

 

Alors et les points forts de cette semaine, s'il y a des points forts ?

 

Ben oui, je crois qu'il y a beaucoup de points forts, je crois que le point fort essentiel, c'est, en ce qui me concerne, c'est vraiment les échanges que l'on peut avoir avec tous les séminaristes, il y a vraiment une profondeur dans les échanges que j'ai rarement vue, prendre le temps de discuter sur un peu tout, la vie, la mort, sur l'agro écologie, ses aspects à la fois pratiques, techniques et ses aspects plus humains, plus philosophiques, autour aussi des problématiques qui se posent aujourd'hui, la mondialisation, et toutes les alternatives qui peuvent exister, les problèmes d'écologie, tous ces problèmes-là, la consommation et tout çà. Concernant les aspects plus techniques, méthodologiques du séminaire, tout c'est vraiment bien passé, tout a été très bien géré. Voilà.

 

Bien merci Régis. Ce que je peux dire, c'est que les vieux, et le vieux, c'est un hommage en Afrique, les vieux ont été également très contents de tous ces échanges, en particulier avec tous les jeunes, tels que toi, et je trouve que c'est très encourageant pour l'avenir, pour votre avenir et puis aussi pour le nôtre.

 

         VIII.         Thème prochain

 

Chers auditeurs, cette émission va s’achever, il ne me reste plus qu’à vous remercier de votre écoute, et à conseiller vivement à ceux qui seraient intéressés d’aller sur les sites de « Terre et Humanisme » et de Pierre Rabhi. C’est très facile, sur un moteur de recherche, vous cherchez les deux mots Terre et Humanisme, et ensuite un lien vous entraîne vers le site de Pierre Rabhi.

 

Vous me permettrez aussi de signaler le site de l’ami Maurice Oudet au Burkina Faso, qui est aussi très dense, et dans le même esprit. Il suffit de chercher sur un moteur de recherche « abcburkina ».

 

Les mois prochains, nous poursuivrons cette série d’entretiens et de témoignages. Pour le prochain mois, on peut, d’ores et déjà, annoncer l’intervention d’Anita la coordinatrice du projet Tacharane pour « Terre et Humanisme », mais nous entendrons aussi Raphaël, Michaël, Michel, Philippe, Xabi et Jean-Marie.

 

 

Voilà, je vous dis donc à très bientôt, avec mon fraternel bonsoir.

 

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