Voyage au
BURKINA FASO Novembre 2004
1ère émission février 2005
Pour le lancement de cette
nouvelle émission, Océane Brozou, responsable
opérationnelle de « Radio Voix du
Béarn », interviewe l’animateur de cette émission « Regards du
Sud »,
Cette émission sera diffusée les 1er mardi du mois à 21h, avec une rediffusion les 3ème lundi du mois à 20h30 (95,10 Mhz).
Un homme ordinaire avec ses petites qualités, et
ses grandes faiblesses, je pense être aussi un retraité enthousiaste
hyperactif, qui a un cœur de 20 ans, et un état-civil de 60 et qui surfe à
travers force activités de toutes natures, quelqu’un qui a toujours eu beaucoup
de chances dans la vie, qui a beaucoup reçu et donc qui essaie de restituer un
petit peu, c’est la moindre des choses.
J’ai été ingénieur quelque temps dans une
entreprise privée dans le domaine hydraulique, et ensuite dans une grande
entreprise nationale de transport ferroviaire.
J’ai aussi beaucoup donné dans l’associatif,
passionné de la vie, j’aime les gens et je me reconnais assez bien dans la
formule de Jean Cocteau : je ne suis pas un
touche-à-tout mais un « tout me touche », j’aime aussi
beaucoup la formule du philosophe Alain : « Le
pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté ».
Je suis aussi animateur à « Radio
Voix du Béarn » (RVB) depuis presque 3 ans d’une émission
d’astronomie « A
la découverte du ciel », je suis bien à RVB puisque je me lance
dans une nouvelle émission avec « Regards
du Sud ».
Cela vient, je crois, de très loin, j’avais une
dizaine d’années, j’avais été marqué par une phrase qui m’a toujours accompagné
depuis : « chacun
d’entre nous est responsable de la trajectoire du monde ».
Ensuite, c’est un enchaînement de hasards,
d’opportunités, de choix.
Je citerai un seul exemple significatif dans
l’année universitaire 66/67 : 3 points forts complémentaires pour
l’étudiant parisien de 22 ans que j’étais - j’anime une équipe de jeunes de
bidonvilles de Nanterre, dans la double dimension alphabétisation et équipe de
foot – j’entreprends un cycle à Sciences Politiques sur les pays en voie de
développement – je m’organise un stage à l’été 1967, il y a presque 40 ans, au
Mexique dans une mine de charbon en traversant le Canada et les USA (stage avec
un double regard : ingénieur en formation et observateur d’un pays en voie
de développement).
Ensuite divers voyages et opportunités multiples
en direction de l’Afrique et du Burkina Faso : en 1988 un voyage (avec mon
épouse) au BF dans le cadre d’un jumelage diocésain entre les diocèses de
Limoges et de Ouahigouya, puis en 1991 un jumelage civil entre Clapiers (à 10km
de Montpellier) et Toma au BF me conduit à nouveau dans ce pays aimé en 1993,
encore en 1998 et le dernier en novembre 2004. Quatre voyages seulement au BF
mais le BF est beaucoup venu à la maison.
J’aime la différence, la rencontre avec l’autre,
je crois qu’on a beaucoup à apprendre de l’Afrique en termes d’accueil, de
solidarité, d’attention portée aux anciens, d’écoute, de courage, d’innovations
et de plein d’autres choses…
En
1991 des danseurs, paysans de base d’un village de brousse du Burkina, Toma
(maintenant chef-lieu du Nayala, une des 45 provinces du BF), sont venus danser
à Montpellier. Un jumelage civil entre Clapiers et Toma est lancé, dont je
deviens le président fondateur et ensuite, un peu plus tard, le parrain de la
fille du président des burkinabé de Montpellier, où séjournaient quelques 5000
africains, dont une centaine de burkinabé.
L’Afrique, le Burkina : en résumé, c’est
d’abord le défi d’accompagner les plus démunis (et l’Afrique cumule tellement
de misères…), ensuite il y a eu des réponses à des opportunités, j’apprécie
aussi que la langue officielle soit le français et je pense qu’il est inscrit
dans le disque dur de mon cerveau que l’humanité a ses origines en Afrique, et
que j’y suis bien et chez moi.
Je me sens profondément « citoyen du
monde » avec une double nationalité : français de naissance et
burkinabé d’affection (pour les auditeurs africains, je suis de l’ethnie samo,
je me présente souvent comme un samo blanc).
L’homme, me semble-t-il, moi du moins, a besoin
pour vivre de marcher sur deux pieds : celui de l’enracinement/proximité
et celui de l’ouverture/universalité : je suis enraciné bien sûr chez nous
mais je me sens en grande proximité au Burkina Faso, je me sens « enraciné
aussi dans l’universalité », avec deux vraies grandes familles :
celle de ma filleule à
Pays
attachant, le Burkina Faso, ce qui veut dire, pays des « hommes
intègres », baptisé ainsi en août 1984 par le défunt président
emblématique Thomas Sankara, c’est l’ancienne Haute Volta, (peuples
voltaïques), 13 Mhab (doublement en 25 ans), moitié de la France en superficie,
capitale Ouagadougou, et capitale économique Bobo Dioulasso, dans le
département des Pyrénées Atlantiques il y a surtout 2 ethnies (basque et
béarnais), là-bas une soixantaine dont 1 majoritaire (mossi), 1 langue
officielle le français (langue de l’enseignement) et 3 langues nationales (moré
des mossis, dioula des commerçants et fulfuldé des
peuls).
Quelques chiffres 56% des habitants ont moins de
18 ans, 46 ans d’espérance de vie, 27% fréquentation école primaire, taux
alphabétisation des adultes 24%, mortalité infantile (moins de 5 ans) 2/10, 25%
de la population a accès à l’eau potable, (nourriture, santé, eau,
éducation : besoins fondamentaux), 7% infecté par le virus du SIDA (taux
de prévalence).
Pays 173ème pays /175 au classement « Indicateur
de Développement Humain » (IDH : PIB rapporté au pouvoir d’achat, santé,
éducation), pays tropical (coupé en 2 : Sahel sec au Nord, et Sud un peu plus
arrosé) (latitude de Bobo Dioulasso est de11° Nord), pauvre, enclavé (à 600km
de la côte), (en particulier avec la crise en République Côte d’Ivoire, le
cordon ombilical naturel est actuellement coupé), plus de 80% sont paysans
(récolte mil, faible/pluie en 2004 avec période de soudure difficile dès
février/mars 2005), saison des pluies de juin à octobre, et saison sèche
ensuite.
Inauguration d’une école primaire à
Korsimoro : « école Caroline », je vais y revenir.
Organiser le voyage (3 semaines) et faire
découvrir le BF (Afrique noire inconnue pour les 2 autres amis participants
(trio de jeunes 52, 66 et 60 ans : Alain, Erick et moi Jacques)…)
Vivre une expérience humaine dense de partage
(entre nous, avec africains).
Découverte pour moi des NE et SW (précédents
voyages : tête dans le guidon de jumelages), m’immerger dans mon pays
d’adoption, et dans l’Afrique berceau de notre humanité,
Renouer des relations directes avec les amis
lointains (étudiants africains, famille de ma filleule, amis de projets et de
voyages précédents,..).
Etre le messager d’amis communs (Pères Blancs,
africains,..), et échanger sur les perspectives et l’avenir de notre monde avec
les « Regards du Sud ».
Assurer relations entre écoles primaires
(correspondance, dessins…).
Amener du matériel médical vital à une amie béarnaise médecin depuis 20 ans en Afrique.
Réfléchir à des perspectives ultérieures pour
moi et d’autres (voyages, engagements ici et là-bas…).
Portraits, photos numériques.
Astronomie : ciel du Sud, étoiles filantes Léonides (Toma 98), (dans l’émission « A la découverte
du ciel » le 27ème épisode, que j’ai intitulé « le ciel
tropical », est consacré à la composante astronomie de ce voyage,
diffusion les 2, 15 et 19 février 2005).
Retour
sur l’école Caroline : Caroline était la fille aînée de l’ami Alain, elle
avait 22 ans, elle est décédée l’an passé après 10 ans de maladie, elle était
belle et généreuse, elle voulait faire quelque chose pour les enfants
d’Afrique, sa famille, sa maman Jacqueline, sa jeune sœur Sophie, son papa
Alain, ses amis ont réalisé son rêve qu’Alain a porté en faisant avancer le
« projet Caroline » au cœur de l’association Ouaga (association
d’élèves d’HEC) et en venant le concrétiser sur place avec l’inauguration d’une
école primaire à Korsimoro (dépendant de Kaya). Les premiers bâtiments ont été
construits à l’été 2004, deux classes ont été ouvertes avec 25 et 35 élèves, à
terme 6 classes de 65 sont prévues, soit 390 élèves.
Le projet est identique à celui déjà réalisé à Pissila par l’association d’HEC : bâtiments, forage
pour l’eau, panneaux solaires (soir/adultes), logements instits, cantine,
sanitaires. L’école est bilingue, avec aussi un apprentissage très utile :
hygiène, santé, couture, jardinage, (artisanat, maraîchage et parrainage
d’enfants sont indispensables pour le financement du fonctionnement de
l’école).
Chacun a ses propres motivations en fonction de
son histoire personnelle, mais elles sont voisines sur l’essentiel.
« Contribuer à ce que nos frères africains vivent un
peu mieux », c’est ce lien d’amitié et de solidarité qui est le
moteur qui donne la volonté d’accompagner leurs projets, être présent et
« côte à côte », et être présent est important.
Dynamique du « mieux-vivre » ensemble.
Compte tenu de mon réseau d’amitiés, prise en
charge totale par mes soins de l’organisation du voyage.
La préparation est importante : condition
de la disponibilité sur place, anticipation aussi pour de multiples
raisons : le temps africain est différent du nôtre, la fiabilité
informatique aléatoire, la recherche d’outils importante : guide du
routard, vaccinations adaptées à la situation sanitaire du moment…).
Nécessité d’avoir quelques accords de principe
fondamentaux (hébergement, transport…) avec amendements potentiels ultérieurs,
et ensuite adaptation sur place.
Têtes de chapitres : transport aérien (chance
d’avoir coopérative « Point Afrique » vol 450€ AR financièrement
accessible, et possibilités de circuits au bénéfice des populations,), santé et
vaccinations (fièvre jaune, traitement anti-paludisme, vaccinations méningite,
hépatite, fièvre typhoïde…), paquetage, hébergement, transport sur place,
contacts ici et là-bas, programme de principe, appareils photo, caméra…
Etapes en bref :
Ouaga (filleule, SIAO).
Korsimoro et Kaya (école).
Le Sahel au NE.
Toma (ma famille de brousse).
Koudougou (un père blanc défenseur des paysans
du Sud).
Bobo et environs (Banfora) (partie
« verte » du Burkina : riz, canne à sucre, coton).
Un point très fort avant de partir a été la
demande de « poches de colostomie » par l’amie médecin et la réponse extraordinaire apportée par pharmacies et laboratoire,
qui aura permis de sauver ou de prolonger de nombreuses vies.
Inauguration de l’école Caroline, émotion quand
les élèves disent avec leur accent que leur école s’appelle l’école Caroline.
Sérieux des enfants en classe et à l’invitation
« on rigole », explosion de rires.
Marché de Marcoye à la
frontière du Niger, du Mali et du BF : une multitude d’ethnies (touareg,
songhaï, peul, bella,..) avec un éblouissement de
tenues colorées, (les criquets pèlerins ont frappé dans cette zone N du pays,
et chez nous Emmaüs Lescar, très engagé au BF, a lancé une opération de
solidarité « mil soutiens au BF »).
Les
paysans-danseurs de Logwé à Toma, à l’origine du
jumelage avec Clapiers (organisation d’un spectacle pour nous, après la récolte,
en période de ramadan sans boire, ni manger le jour, avec quelques 35°).
L’électrification de Toma, qui est capitale
d’une des 45 provinces du BF, est prochaine. Je suis toujours impressionné à
Toma par la circulation nocturne dense vélo/mob en brousse, sans aucune
lumière : acuité visuelle nocturne exceptionnelle qu’ils n’ont pas perdu,
alors que personnellement je ne voyais strictement rien.
Echanges
avec Maurice Oudet, (responsable du Sedelan, service d’éditions en langue nationale,
vulgarisant méthodes et informations), animateur du site « abcburkina », et qui se défonce pour que vivent les
paysans du Sud, échanges passionnants sur des sujets vitaux (souveraineté
alimentaire, aide internationale, situation dramatique, et espoirs..), nous en
reparlerons avec « Regards du Sud ».
A Bobo, nous avons rencontré de nombreux
burkinabé engagés dans la lutte contre le Sida, malades, infirmiers, médecins.
Il faut savoir qu’un infirmier là-bas a souvent le rôle d’un médecin, ou de
chirurgien pour les infirmiers aide chirurgiens.
Vu du car qui nous ramenait de Bobo à Ouaga une
scène impressionnante sur la route : dans une longue et raide montée, une
file de vélos lourdement chargés, poussés par des femmes marchant courbées sous
l’effort, et qui faisaient manifestement un effort surhumain pour atteindre le
sommet de la côte, et j’ai saisi en particulier un vélo chargé d’au moins un
mètre cube de bois, où la femme poussait par l’arrière son vélo qui avançait
doucement en crabe.
Développement de l’équipement informatique
(cybercafé, ami…) et téléphonie portable (comme la Chine, peu d’investissement
en poste fixe).
Electricité se développe, (ex projet à Toma
siège de province), et possibilité de recharger ses batteries pour caméra ou appareil
photo numériques en divers lieux.
Vélos/mobylettes : il y a beaucoup plus de mobs
à Ouaga.
SIDA : 7/8% séropositifs, (actions engagées
de prévention, mais faible pourcentage de bénéficiaires des traitements).
Conseils de sécurité : pas de circulation
sur les routes la nuit, bandes organisées de « coupeurs de routes », situation
qui indique une montée progressive de la violence.
Toujours choqué par les palais qui se
construisent : Ouaga 2000 (clone de tour Eiffel, hôtels de luxe…).
Permanence du constat : hommes et femmes
exceptionnelles, aussi bien blancs que noirs, de nombreuses mères Térésa… et
sœurs Emmanuelle… rarement des plaintes, sourires même pour évoquer des
situations dramatiques.
Amis découvrant l’Afrique noire : besoin de
prendre du repos et du recul car submergés d’images, d’émotion notamment avec
l’école Caroline, les 3 semaines à gérer (chaleur souvent 40, 45°) ont permis
un contact dans la durée qui évite des appréciations spontanées trop hâtives,
très impressionnés par les engagements avec le mot qui revenait souvent «
chapeau », aussi bien chez noirs et blancs, par exemple des religieuses
françaises depuis des dizaines d’années au service des malades, que chez les
professionnels de la santé qui veulent servir leurs frères et sœurs africains.
Moi, rôle différent personnel, organisateur
(sauf les journées liés à l’école Caroline, où le papa de Caroline était
naturellement en 1ère ligne), cameraman, astronomie nocturne et interventions,
contacts anciens ou nouveaux, repas amis et familles de la brousse et de la
capitale, chauffeur également sur les pistes du Sud, avec un repos réduit et
des nuits raccourcies (4h /nuit), ce fut à nouveau une superbe aventure
humaine.
Quelques 600 photos, restitutions multiples
(associations, écoles, amis, pères blancs, jeunes...), correspondance entre
écoles.
Photos, mails, vœux, interventions écoles,
projection photos…et, bien sûr, cette nouvelle émission radio, en perspective,
lancée aujourd’hui avec l’aide d’Océane…
Pourquoi ? Cette émission se veut la réponse à un paradoxe qui me taraude, moi (et d’autres probablement), depuis au moins 40 ans. D’un côté, un constat positif est qu’il y a des gens intelligents et cultivés dans tous les milieux, avec une sensibilité et une générosité magnifique, il y a des dévouements exceptionnels partout, la catastrophe de Noël en Asie du Sud Est vient de le prouver s’il en était besoin…..et pourtant nous sommes dans un monde gravement malade, souvent démentiel et d’un égoïsme forcené, impitoyable pour les pauvres et les faibles de notre minuscule planète.
Cela fait déjà quelque temps que je pense à une émission, qui essaierait de croiser les regards et de transmettre aux gens du Nord le regard d’habitants du Sud sur notre monde : leurs convictions, leurs désespoirs, leurs efforts, leurs espérances, … On dit souvent en Afrique qu’il y a 4 temps dans la vie : initiation, action, transmission et sagesse. Eh bien, cette émission sera du domaine de la transmission, où les maîtres mots seront : paix, partage, solidarité, fraternité, espérance,… oui, le chemin sera long, et le temps presse, et il dépend de nous tous qu’un monde plus fraternel se construise... tout de suite la parole et le regard d’un petit producteur de coton du Burkina Faso qui va immédiatement à l’essentiel, je cite :
« Il faut dire aux Américains et aux
Européens que nous sommes tous dans un même monde, ils sont des frères, nous
avons besoin les uns des autres. Il ne faut pas qu'ils organisent leur travail
comme s'ils étaient dans un autre monde, à part. Leur façon de faire n'est pas
bonne, puisqu'ils nous empêchent, nous, d'avancer. Qu'ils cherchent une
solution, pour que tous ensembles, eux et nous, nous puissions avancer ».
Il va de soi que nous reparlerons de ce que voulait dire ce paysan du Sud.
Avec cette autre parole du Sud, je voudrais partager les vœux 2005
reçus de Joseph, un ami burkinabé :
« Bonne Année. Je vous le dis simplement,
en sachant que la réalisation d'une bonne année n'est pas aussi simple qu'on le
dit!
Je vous souhaite plein de bonnes choses, en
commençant par la santé.
Je souhaite que sur vos chemins tout au long
de l'année 2005, vous trouviez des amis et des frères qui acceptent de regarder
dans la même direction que vous, qui acceptent de faire une partie du chemin
avec vous. Ce chemin, je souhaite qu'il soit le chemin de la fraternité, de la
solidarité, de l'amitié, tout simplement parce que nous vivons sous le même ciel.
Les malheurs ne manqueront pas : qu'ils soient
autant d'occasions pour grandir en humanité.
Les joies ne manqueront pas non plus :
qu'elles soient des occasions de partage et des raisons de ne pas désespérer de
la vie, si cruelle soit-elle. Joseph ».
Pour terminer un proverbe africain, plein de sagesse et qui dit l’essentiel :
« Si les bouches des fourmis s’unissaient, elles
transporteraient un éléphant »
lectures...